L’obtention du visa au Sénégal relève d’un parcours du combattant. C’est la croix et la bannière. On ne compte plus des Sénégalais qui ont vu leur projet de voyage tomber à l’eau. Rien que l’obtention d’un rendez-vous est une équation à plusieurs inconnus. Il faut plusieurs mois pour avoir un rendez-vous.
Cette situation est exploitée par des intermédiaires qui proposent des rendez-vous avec une contrepartie monnayée. Les désespérés n’hésitent pas à casquer fort pour espérer avoir un rendez-vous. Des pertes d’argent et des rejets de dossiers s'ensuivent. Des voix s’élèvent contre cette nouvelle forme ‘’ escroquerie’’ que les autorités doivent enrayer à tout prix. Seneweb a fait un tour à l’autre Tour de Babel. (Reportage).
Les Locaux de VFS est un mur de mauvais souvenirs pour beaucoup de candidats aux voyages. L’obtention d’un visa Schengen est un labyrinthe. Il faut de l’argent pour déclencher le processus. Les sommes réclamées par des intermédiaires font tourner la tête de ceux veulent se rendre dans l’espace Schengen. Le début du tunnel est encombré d’embûches. Des rendez-vous sont vendus entre 100.000 et 400.000 francs CFA sans garantie de résultats.
A VFS, pour décrocher un rendez-vous, les sommes peuvent s’envoler jusqu’à 400.000 francs CFA. C’est le cas de Cheikh Bèye qui a dû passer par ce marché noir pour avoir un rendez-vous. Malgré tout, ce n’est pas sûr que l’artiste se rende en France.
« Je suis artiste et je dois me rendre en France sur invitation pour une activité qui se tient le dimanche 06 octobre mais aujourd’hui on est vendredi 04 octobre. Je ne parviens toujours pas à recevoir ni mon visa ni mon passeport. C’est fort probable que je rate ce voyage parce qu’ils ne travaillent pas les week-ends. Je suis là depuis ce matin mais rien. C’est dommage mon voyage du 06 est fortement compromis’’, confiait le jeune homme très stressé qui effectue des aller-retours devant les locaux de VFS avec une enveloppe à la main.
Depuis une semaine, Cheikh Bèye emprunte les couloirs de VFS. Il quitte chaque jour son quartier de Thiaroye. L’amertume se sent dans son discours d’autant plus lui comme d’autres personnes n’ont pas souvent des interlocuteurs.
« J'ai essayé de les contacter partout mais personne ne répond. Même si on les demande, ils ne donnent aucune information concrète alors que j’ai dépensé beaucoup d’argent. J'ai perdu presque 300.000 francs dans des rendez-vous sans compter les frais de dossiers et transport parce que chaque matin je quitte Thiaroye pour venir ici. Mais même si on ne nous donne pas le visa, on me remet mon passeport pour que je puisse tenter ma chance ailleurs. C'est vraiment difficile et scandaleux ce qui se passe ici. On perd notre argent facilement et on ne nous rembourse pas », dit-il.
Le jeune homme en est à sa deuxième tentative. Il a des arguments pour justifier l'achat des rendez-vous. Pourtant, il était réticent à cette option au début.
« Je faisais la queue. Mais à chaque fois que je faisais la queue pour déposer, on me rejetait parce qu’ils disaient que le nombre de personnes à prendre était limité. Je suis retourné sur le site pour trouver un rendez-vous et malheureusement on me dit qu’il n’y pas de créneau disponible. Et comme mon activité, c'est dans quelques jours, j'étais obligé de payer pour qu’ils me trouvent un rendez-vous. J’ai dépensé 300.000 F CFA. J'ai déposé avec toutes les pièces exigées et là on vient me dire qu’ils n’ont pas vu mon dossier. Ce n’est pas respectueux », se plaint-t-il.
Un gros n’importe quoi
L’artiste élève la voix contre ce qu’il qualifie de ‘’mafia’’. Mieux, il invite les autorités à agir. Cette situation mérite à ses yeux, l’ouverture d’une enquête.
« C’est une mafia que nous dénonçons haut et fort. Nous interpellons les nouvelles autorités à venir s’enquérir de cette situation. C’est grave ce qui se passe ici. Il faut l’ouverture d'une enquête ou d’un audit pour mettre la lumière sur cette affaire qui fait souffrir beaucoup de sénégalais. Je ne conseille à personne de venir déposer ici. Ils sont méchants », a dénoncé l’artiste.
Son cas n’est pas isolé. Un autre homme qui veut se rendre en Hollande est dans le même cas de figure. Assis sur ses pieds devant les locaux de VFS, le visage crispé, sa tête coincée entre ses mains, il est au bord de l’abattement.
« Je suis venu retirer mon passeport. J'avais déposé pour la Hollande ça fait presque deux à trois mois. Mais on nous a refusé le visa sans la moindre explication. Tout ce qu'ils nous disent c'est que les documents sont incomplets. C'est ce qui est mentionné sur le dossier. Et, je trouve que c'est très léger comme motif parce que ces documents qu'on leur a fournis ce sont eux-mêmes qui nous ont exigé de les apporter au moment du dépôt. C’est désolant et inexplicable », regrette-il.
Comme Bèye, il a déboursé 500.000 F CFA pour obtenir un rendez-vous. A cela, il faudra ajouter les frais de dossiers.
« C’est de l’arnaque parce que je ne peux pas comprendre que des gens responsables déposent toutes les pièces exigées, tous les dossiers demandés avec des dépenses tellement énormes pour pouvoir voyager légalement et que VFS les rejette sans motifs valable. Je comprends bien maintenant pourquoi les jeunes qui veulent se rendre en Europe font recours à des pirogues », déplore-t-il.
Ce commerçant insiste afin que les autorités puissent intervenir. D’autant plus que des Sénégalais souffrent et qu’ils ne veulent pas opter pour l’émigration clandestine. La résolution de cette problématique est une des réponses durables aux vagues migratoires irrégulières.
« On ne peut pas se présenter à VFS avec tous les dossiers. Et ils nous refusent le visa. Nous sollicitons vivement madame la ministre des Affaires étrangères de venir s’enquérir de la situation ici à VFS. Il est temps que les autorités prennent leurs responsabilités pour rappeler à l'ordre ces personnes qui encaissent nos sous et rejettent nos dossiers sans fournir aucune explication valable », fulmine le commerçant.
En 2024, beaucoup d’étudiants n’ont pas pu poursuivre leurs études à l’étranger à cause des lourdeurs des procédures. C’est le cas de Seynabou Ndiaye, étudiante à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Elle a fait une préinscription en France pour continuer ses études. Croisée devant les locaux de VFS, tenant une enveloppe à la main, elle ouvre et ferme le passeport. Le visa n'y figure pas. C’est sa troisième tentative. Elle a déjà dépensé 800.000 F CFA. Découragée, la jeune étudiante décide d’enterrer son rêve d’étudier en France.
« Je suis à ma troisième tentative. Mais ils m’ont encore refusé le visa. Je m'en remets à Dieu et je mets à terre mon rêve de partir en France pour étudier. C’est la troisième tentative et à chaque fois je perds de l’argent. Rien que cette dernière tentative, j’ai perdu 800.000 F CFA. Je ne parle pas pour les autres dépenses. Je ne peux plus continuer à jeter mon argent. J’arrête de déposer car je n’ai plus d’espoir », affirme la jeune fille.
Rejet massif des dossiers des étudiants
Seynabou ne comprend pas que l’on rejette des dossiers qui remplissent tous les critères. L’étudiante jette la pierre sur toute la chaîne du processus.
« Ce qui me fait le plus mal, c’est qu’on a fait toutes les étapes. On a tous les papiers. Mais ils nous refusent le visa sans aucune explication. Les agences de voyages aussi sont pareilles. Elles disent qu’elles n’arrivent plus à comprendre ces rejets injustifiés. Cette année, ils ont rejeté beaucoup d’étudiants. Les agences sont dépassées par la situation. Nous interpelons les autorités pour qu’elles passent à VFS ; c’est grave, vendre un rendez-vous à 400. 000 francs CFA sans obtenir de visas. C’est exagéré. C’est illégal. Ils abusent carrément », a objecté l’étudiante.
Ces rejets massifs de dossiers des étudiants pèsent lourdement sur les agences de voyages. En effet, ces dernières subissent les conséquences. En plus de pertes de clients, elles perdent leur crédibilité. Une situation qui impacte considérablement leur business.
« Cette année 2024, on a constaté que beaucoup d’étudiants sont bloqués à l’étape des préinscriptions. La France a rejeté pas mal de demandes sans fournir d'explications valables. C’est une première. On ne sait même pas ce qui se passe ni comment l’expliquer. Au niveau de notre agence, on accompagne les étudiants dans le traitement de leurs dossiers jusqu’au dépôt. Pratiquement, ils ont fourni toutes les pièces demandées, mais on les rejette avec un motif léger parce qu’il est mentionné sur les dossiers qu’ils ne sont pas sûrs que l’étudiant reviendra après les études », a indiqué un gérant d’agence de voyage sous couvert de l’anonymat.
La crédibilité des agences est en question. Les craintes et la déception des parents ne font que s’amplifier. Personne ne trouve de réponse à cette nouvelle situation. Le risque aujourd’hui, c’est la perte de clients pour ces agences.
« Cette situation risque de nous exposer parce que non seulement nous perdons nos clients mais aussi notre crédibilité. Il est temps que les autorités interviennent dans le processus d’obtention de visas. C’est très louche. Encaisser l’argent des gens et les rejeter comme ça injuste », dit-il.
Beaucoup de Sénégalais se plaignent de la vente illégale de rendez- vous à des prix exorbitants qui varient de 100.000 à 500.000 F CFA. Une situation qui a fait monter au créneau des victimes qui se sont constituées en collectif. Ledit collectif dirigé par une femme avait même prévu d’organiser une marche le jeudi 02 mai 2024 devant les locaux de VFS Global, mais le préfet avait interdit cette manifestation.
Les députés comme Guy Marius Sagna ont porté ce plaidoyer. Le parlementaire avait déclaré que : « les membres de ces gangs de commercialisation des rendez-vous travaillent ou sont en parfaite collaboration avec les employés de VFS Global ». L’activiste avait interpellé le gouvernement à travers une question écrite pour s'enquérir de cette situation.
Vingt-sept organisations de la société civile sont aussi entrées dans la danse. Ces organisations ont adressé une lettre ouverte dans laquelle elles attirent l’attention du gouvernement sur les nombreuses difficultés rencontrées par les Sénégalais désireux d’effectuer un voyage dans l’espace Schengen. Dans cette lettre, il est mentionné que bon nombre de Sénégalais éprouvent des difficultés pour trouver un rendez-vous afin de pouvoir déposer un visa à VFS. Ainsi, elles ont appelé à repenser le système pour le rendre plus accessible. Malgré tout, le problème persiste. Nous avons vainement tenté d’obtenir la version du service de communication de VFS.
6 Commentaires
C’est une humiliation
Abdullah
En Octobre, 2024 (13:27 PM)Quand on vous humilie et que vous ne faites rien, alors l'humiliation devient la norme.
Pour lutter contre, il faut que les citoyens se dressent et empêchent VSF de recevoir du public, de traiter des dossiers, d'occuper les lieux jusqu'à ce que le gouvernement s'en mêle.
Reply_author
En Octobre, 2024 (13:46 PM)Gms
En Octobre, 2024 (10:32 AM)Sa Kajoor
En Octobre, 2024 (10:39 AM)Par ailleurs, les consulats fournissent des numéros de contact qui restent inaccessibles, et VFS se dédouane systématiquement en affirmant qu'il ne peut intervenir auprès des consulats. De plus, même les lettres recommandées envoyées aux consulats, notamment celui de la France, ne sont pas récupérées. À titre personnel, j'ai fait l'expérience d'une lettre avec accusé de réception dont les services postaux m'ont confirmé la notification au consulat. Toutefois, c'est au consulat de se déplacer pour récupérer la correspondance, ce qu'il ne fait pas. En effet, certains consulats, à l'instar de celui de la France, interdisent à la poste de déposer directement les lettres à leur bureau.
Enfin, le consulat de France conserve les passeports des demandeurs pendant plusieurs mois, sans égard pour les désagréments que cela leur cause. Cette situation engendre de sérieuses difficultés pour les demandeurs de visa et doit être traitée par l'État sénégalais en tant qu'affaire de dignité nationale. Les nouveaux bacheliers qui ont des préinscriptions dans des universités françaises en souffrent.
Ce Qui Est Vrai!
En Octobre, 2024 (10:57 AM)Sankara
En Octobre, 2024 (04:08 AM)Participer à la Discussion