Porte-étendard du succès phénoménal de l’industrie musicale nigériane, l’Afrobeats est célébré chaque année par les Headies, une cérémonie annuelle récompensant les meilleurs talents de ce courant musical. Lancé en 2006 par l’entrepreneur nigérian Ayo Animashaun, l’événement se déroulera cette année pour la première fois en dehors du Nigeria, aux États-Unis. Dans cet entretien, le promoteur des Headies revient sur cette décision tout autant que sur la nécessité de franchir un nouveau palier afin de définitivement imposer la musique africaine sur la scène internationale.
Propos recueillis par Jacques Mutarambirwa
Forbes Afrique : Ayo Animashaun, pourriez-vous nous présenter brièvement votre parcours et revenir sur la genèse des Headies ?
Ayo Animashaun : Je suis un entrepreneur actif dans l’industrie du divertissement depuis maintenant trente ans et me suis notamment fait connaître par le lancement (en 1995, NDLR) du magazine nigérian Hip Hop World et la création de la chaîne musicale HipTV. S’agissant plus spécifiquement des Headies, l’idée initiale était d’organiser – via le magazine Hip Hop World, qui en est le promoteur – une cérémonie de remise de récompenses qui mettrait en valeur l’Afrobeats, et qui serait un équivalent nigérian des Grammy Awards (la plus prestigieuse des récompenses musicales aux États-Unis, organisée chaque année à Los Angeles, NDLR). La première cérémonie des Headies a eu lieu en 2006, à Lagos, et nous en sommes aujourd’hui à la quinzième édition, qui se tiendra pour la première fois en dehors du Nigeria, à Atlanta (États-Unis) le 4 septembre.
Forbes Afrique : En termes de notoriété, que représente concrètement la cérémonie des Headies ?
Ayo Animashaun : Nous sommes aujourd’hui la première cérémonie consacrée à l’industrie musicale au Nigeria. Plus encore, nous représentons de plus en plus les courants musicaux venus de tout le continent comme le montre l’introduction de nouvelles catégories dédiées (« Meilleur artiste est-africain de l’année », « Meilleur artiste nord-africain de l’année » …) lors de notre cérémonie de remise des prix. Quant à la visibilité des Headies, la cérémonie est vue par 40 millions de téléspectateurs venant de 90 pays, et ce via des canaux de diffusion tels que les plateformes de streaming (YouTube Live, Twitch, Facebook Live…) ou des chaînes telles que MTV.
Forbes Afrique : Votre décision d’organiser l’édition 2022 des Headies aux États-Unis a surpris nombre d’observateurs, qui estiment qu’un événement tel que le vôtre célébrant l’Afrobeats devait nécessairement se dérouler au Nigeria. Comment justifiez-vous un tel choix ?
Ayo Animashaun : Le Nigeria s’est imposé comme une puissance culturelle majeure grâce à sa musique, qui est connue bien au-delà des frontières du pays et même du continent. Nous pouvons aujourd’hui franchir un nouveau palier en allant à la rencontre du reste du monde. C’est notamment ce qu’apporte cette édition aux Etats-Unis : l’exposition à un public international, la possibilité pour nous d’avoir accès à de nouveaux sponsors et partenaires. Mais aussi, pour les artistes concernés, la promesse de renforcer les opportunités de carrière avec le développement par exemple des featurings (dans le jargon musical, des collaborations entre plusieurs interprètes) et la signature de contrats avec des grandes maisons de disques. L’industrie américaine du divertissement apporte par ailleurs des infrastructures et des qualités organisationnelles qui ne sont pas toujours présentes dans d’autres pays ; à commencer par le Nigeria. Nous nous considérons comme un événement premium et à ce titre, il était important de déployer le niveau d’excellence auquel nous aspirons, avec les meilleurs professionnels du secteur, nous permettant ainsi de vendre au mieux notre musique au monde entier.
Forbes Afrique : Doit-on en conclure que les prochaines éditions des Headies continueront à être organisées aux États-Unis ?
Ayo Animashaun : Dans les circonstances présentes, oui, nous organiserons très probablement de nouvelles éditions des Headies aux États-Unis et ce pour les raisons que j’ai mentionnées. Les Headies sont un événement coûteux et dépendent largement du sponsoring. Nous pensons qu’il y a sur ce point des pistes à explorer en Amérique, comme le prouvent certains partenariats déjà établis (Netflix, CBS, CNN, BBC…) et la montée en puissance de certaines organisations telles qu’Afro Nation, une marque qui organise des festivals et promeut à l’international la musique Afrobeats. Ceci étant dit, il serait péremptoire de penser qu’il s’agit d’un choix définitif. Nous cherchons toujours la meilleure formule possible et à ce titre, toutes les options sont ouvertes pour les années à venir.
Forbes Afrique : En somme, votre choix revient en partie à optimiser vos sources de revenus pour pérenniser votre projet…
Ayo Animashaun : Absolument. Les budgets se chiffrent en millions de dollars et pour le dire très clairement, ces montants ne sont pour l’heure que partiellement couverts par le sponsoring. À titre personnel, je mets bien entendu la main à la poche et ce tout en sachant que le retour sur investissement se fera sur le long terme. Nous bâtissons aujourd’hui par nos efforts et sacrifices les bases qui feront la réussite de demain. Et puis au-delà de ces aspects financiers, il y a la satisfaction d’être « au cœur du réacteur » artistique, de côtoyer et de déceler précocement les talents qui perceront un jour. Ceux qui viendront renforcer la belle dynamique autour de l’Afrobeats déjà lancée, à l’image d’artistes tels que Wizkid, Davido, Burna Boy, tous capables de se produire à guichets fermés dans des temples du spectacle aussi prestigieux que l’O2 Arena (à Londres) ou le Madison Square Garden (à New York).
Forbes Afrique : Un dernier mot sur vos ambitions à long terme.
Ayo Animashaun : Bien plus qu’un événement centré sur les talents de l’industrie musicale nigériane, nous représentons aujourd’hui l’ensemble du continent. Pour cette raison, nous sommes une plateforme d’expression artistique panafricaine et aspirons à ce titre au soutien de l’ensemble de l’Afrique. En définitive, nous sommes là pour montrer le caractère à la fois unique et varié de la créativité africaine, tout en étant un canal qui permettra d’unifier nos talents pour aller résolument de l’avant. C’est ce canal que nous construisons aujourd’hui avec les Headies.
Ayo Animashaun : Bien plus qu’un événement centré sur les talents de l’industrie musicale nigériane, nous représentons aujourd’hui l’ensemble du continent. Pour cette raison, nous sommes une plateforme d’expression artistique panafricaine et aspirons à ce titre au soutien de l’ensemble de l’Afrique. En définitive, nous sommes là pour montrer le caractère à la fois unique et varié de la créativité africaine, tout en étant un canal qui permettra d’unifier nos talents pour aller résolument de l’avant. C’est ce canal que nous construisons aujourd’hui avec les Headies.
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