Carrières bloquées, propos méprisants, recrutements manquant de transparence… Les Nations unies sont-elles gangrénées par les discriminations liées à la couleur de peau ? De plus en plus d’Africains dénoncent un climat délétère au sein d’une organisation censée représenter tous les peuples. Enquête.
« Lorsque vous intégrez les Nations unies, entièrement pensées et créées sur la base de l’égalité et des droits humains, vous ne pouvez pas imaginer de tels comportements. Certains collègues m’avaient prévenu, à mots couverts, dès mon arrivée. Mais j’étais dans le déni. Jusqu’à ce que je fasse à mon tour l’expérience de la discrimination, de ces regards méprisants, de ces collègues qui quittent les réunions que vous présidez avec de fausses excuses. » Ce témoignage, c’est celui d’un ancien haut responsable du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap). Congédié au bout de deux ans, il explique à JA avoir été victime de discrimination. Et, à l’en croire, il est loin d’être le seul.
« J’avais besoin de porter plainte »
« Les règles internes de l’ONU sont impressionnantes, sa structure administrative est irréprochable, poursuit-il. Mais certaines personnes au sein de l’organisation, où le climat est extrêmement compétitif, s’allient à notre détriment à nous, les Africains. » Malgré la peur des représailles et sans se faire trop d’illusions, il décide de porter plainte devant un organe interne de l’ONU quelques mois après avoir été poussé vers la sortie.
Nous sommes en juin 2020. Sur tous les écrans du monde défilent les images de la lente agonie de George Floyd, un africain-américain tué le 25 mai par un policier, à Minneapolis. Sa mort a déclenché un tollé et la colère s’est infiltrée jusque dans les couloirs feutrés de l’ONU. « J’avais besoin de porter plainte, confie notre interlocuteur, qui a tenu à conserver l’anonymat. Je me suis dit que même si cela ne rétablissait pas l’injustice dont j’avais été victime, cela pourrait être utile un jour. Comme une empreinte formelle de ce qui est arrivé. »
L’ONU est-elle prête à avoir avec elle-même « une conversation honnête au sujet du racisme » ? C’est ce à quoi s’est engagé son secrétaire général, António Guterres, qui a reconnu lui-même, le 4 juin 2020, que ce fléau « existe également au sein des Nations unies ». « Nous n’avons pas suffisamment prêté attention aux préjugés racistes et à la discrimination », a-t-il admis devant les membres de l’ONU, auxquels il a promis « un plan d’action » et un débat ouvert.
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