À la suite du remaniement ministériel, on s’achemine vers les solennelles cérémonies de passation de service. Un cérémonial républicain précédé par une procédure réglementée par un décret et pilotée, de bout en bout, par l’Inspection générale d’État. Cette fois, le président de la République, Macky Sall les veut « sobres et solennelles », sans aucune « manifestation festive ».
Au-delà de la fraternelle poignée de main immortalisée par les photographes et le folklore qui l’entoure, la passation de service est encadrée par une procédure millimétrée, pilotée par l’Inspection générale d’Etat (Ige). L’exercice n’est donc pas aussi simple qu’on pourrait le penser.
En effet, avant de se mettre sous le feu des projecteurs, les deux parties (le ministre sortant et son remplaçant) se plient à une véritable gymnastique en coulisses. Elles se prêtent à toute une procédure réglementée par un décret signé en 1976, sous la supervision d’un Inspecteur général d’Etat (Ige) désigné par le président de la République.
Avant la passation, l’Ige qui reçoit un ordre de mission signé du président de la République, invite les deux ministres à s’entendre sur la date de passation dans des délais raisonnables. Même si la loi n’est pas explicite à ce sujet, il n’empêche que le délai pour la passation ne doit pas dépasser une dizaine de jours.
Le ministre sortant en ce qui le concerne, établit un projet de procès-verbal dans lequel tous ses services retracent, dans les moindres détails, l’ensemble des éléments liés à l’activité du ministère.
«On fait la situation de tout, même le stylo…»
Le procès-verbal de passation de service doit, en effet, intégrer tous les éléments concernant les directions générales et les autres services rattachés au ministère. Et toutes les informations pouvant être utiles pour la continuité du service dans le département doivent y figurer. Toutes les situations doivent être produites : le fonctionnement, le matériel roulant, le personnel, les mobiliers et le matériel de bureau, le carburant… «Il s’agit de faire l’état des lieux de chaque service, martèle Kalidou Diallo, ancien ministre de l’Éducation nationale sous Wade. On fait la situation du budget et de tout…, même le stylo. On ne laisse rien.»
Dans certains départements ministériels comme celui des Finances qui gère les fonds de l’Etat, l’exercice est, on ne peut plus fastidieux. D’après cet ancien de l’Ige joint par Seneweb, «(son collègue) en charge de la passation peut être amené à demander la situation de la trésorerie de l’Etat à la date de la passation et la situation des engagements de l’Etat, aussi bien, à court, long et moyen terme. C’est important pour que le ministre entrant le sache».
Risque de poursuites
Quand le projet de procès-verbal est établi, il est envoyé à l’Ige qui le transmet au ministre entrant pour observations. Ce dernier peut demander de plus amples informations sur un ou plusieurs points et faire ses observations avant de les transmettre à l’Inspecteur qui les retransmet au ministre sortant. Le procès-verbal final, signé par les deux parties (le ministre entrant et le sortant), et la note de transmission de l’Inspecteur sont transmis au chef de l’Etat; les deux autorités et l’Inspection générale d’Etat en reçoivent copie.
Le rôle de l’Ige est de superviser le processus d’amont en aval et de produire une note de transmission à l’attention du président de la République. Note au sujet de laquelle l’Ige fait des recommandations. Il peut même suggérer à l’autorité d’envoyer une mission d’inspection dans un ou plusieurs secteurs du ministère. «Il arrive même qu’il y ait des poursuites à la suite d’une passation de service», informe cet ancien Ige. Dans ce cas, le ministre sortant interpellé peut «intenter une action récursoire contre le directeur qui a eu à fauter».
Thierno Lô/Youssou Ndour
Dans un autre registre, en cas de blocage dû à des réticences de certains agents d’un ministère de produire certains états nécessaires à l’établissement du procès-verbal de passation de service, l’Ige peut, directement, saisir le président de la République pour des sanctions contre ce contrevenant. De même, il peut, dans sa note jointe au procès-verbal de passation, recommander la suppression de certaines structures d’un ministère.
Ce fut le cas en 2012, lors de la passation de service au ministère du Tourisme entre Thierno Lô et Youssou Ndour. S’étant rendu compte que l’Agence nationale de promotion touristique évoluait de façon solitaire, alors qu’elle devait être le levier de la promotion du tourisme sous la tutelle du ministre, l’Ige ayant conduit cette passation avait frappé. D’après nos informations, il «avait demandé et obtenu, à l’époque, la suppression de l’agence et la reconduction de l’ancienne formule du fond de promotion touristique que gérait le ministre Youssou Ndour».
L’Ige a également la possibilité de faire injonction à un ministre sortant qui, par exemple, tarde à rendre son véhicule de fonction, à le faire dans les délais. Il peut fixer celui-ci.
(Mis à jour le 4 novembre 2020)
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