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Politique

Mamadou Lamine Dianté : «On a laissé la sale besogne à Serigne Mbaye Thiam»

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Mamadou Lamine Dianté : «On a laissé la sale besogne à Serigne Mbaye Thiam»
Les syndicalistes de la Sde taxés d’amateurs, les centrales accusées d’avoir failli à leur mission et le ministre Serigne Mbaye Thiam de faire la salle besogne dans le secteur de l’eau, après le passage de Mansour Faye. Dans cet entretien avec Seneweb, Mamadou Lamine Dianté n’a épargné personne parmi les protagonistes.

Avec la grève des agents de la Sde, le président Macky Sall a sorti un décret de réquisition des travailleurs. Quelle doit être la réaction des syndicalistes ?

D’abord, il faut déplorer le caractère anticonstitutionnel de ce décret qui est inacceptable dans un pays de droit où, quand même, il y a des acquis démocratiques obtenus de haute lutte. Maintenant, nous avons entendu, çà et là, des camarades envisager d’attaquer cette décision par voie judiciaire. A mon avis, c'est une aventure dangereusement hasardeuse.

Aujourd'hui, la seule riposte ne peut être qu’une riposte syndicale. Ça doit être l'affaire des centrales. Toutes les centrales confondues doivent porter le combat pour aller vers, ne serait-ce qu'une grève générale, pour combattre ce décret et voir si, à ce moment-là, le président peut prendre une décision pour réquisitionner l'ensemble des travailleurs du Sénégal.  C'est ça la riposte qu'il faut.

Mais, aujourd'hui, vouloir, d'entrée de jeu, engager la procédure judiciaire, à mon avis, ce n'est pas une attitude syndicale. 

En quoi la procédure judiciaire est-elle dangereuse ?  

On est dans un pays où tout le monde connait le mécanisme de fonctionnement de la justice. Si la justice va dans le sens de conforter le président dans sa position, s’en est fini pour le mouvement syndical. S’il n’y a plus de possibilité d'aller en grève, quelle sera donc la raison d'être d'un syndicat dans ce pays-là ? Je pense que c’est un affront qui a été jeté à la face des mouvements syndicaux. Il revient à ces mouvements syndicaux de prendre leurs responsabilités et leur courage à deux mains pour attaquer la mesure par la voie syndicale, mais pas par la voie judiciaire.

 Pourquoi on ne sent pas les centrales syndicales dans ce combat ?

Depuis un certain temps, c'est la complainte générale, à la fois des travailleurs comme des populations qui estiment que les centrales sont dans une léthargie.  C'est vrai que le sens d'une organisation syndicale, c'est la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs. Il est quand même important que les centrales comprennent que quand on arrive à ces moments-là, elles n’ont aucune raison de ne pas être devant pour que les gens puissent se réconcilier avec les centrales. Je crois que le taux de syndicalisation qui est déploré çà et là, c'est à cause, en grande partie, des centrales syndicales.

Les réquisitions n'ont pas commencé avec la Sde, c'est d'abord avec les syndicats d'enseignants. Est-ce qu’à l’époque, vous aviez bénéficié du soutien des centrales ?

On n’avait pas bénéficié du soutien des centrales. Et si le président Macky Sall a osé avancer de quelques pas dans ce sens, c’est à cause de cette absence de solidarité des centrales. Fort heureusement, chez les enseignants, il n’y a pas eu de débandade, parce qu’il y a eu une forte communication. Je crois aussi que c'est un peu la faute aux camarades de la Sde qui se sont tiré une balle dans le pied en menant cette grève-là qui ressemble plus à des intérêts crypto-personnels parce que simplement, ils ont failli sur le plan de la communication.

Pour le cas de la Sde, est-ce que les syndicats ont commencé leur combat au bon moment ?  

Vous savez, si un combat n’est pas mené à temps opportun, c'est un combat qui est perdu d'avance. A mon avis, pour l'analyse que j'en fais, c'est que nos camarades de la Sde ont fait montre de beaucoup d'amateurisme dans leur lutte. Parce que, d'abord, sur le plan de la communication, ils ont fait un raté inexcusable. Il ne s'agit pas seulement de crier ‘’Nous réclamons nos 15 %’’. Ensuite, il ne faut pas attendre que leur sort soit scellé, qu'on ait signé l'acte de mort de la Sde avec l'acte de naissance de Suez pour après mener un combat.

Pourquoi la Sde a parlé de suspension de grève juste après la sortie du décret ?

C'est en fait une capitulation et c'est regrettable pour un mouvement syndical. C’est pourquoi, aujourd'hui, il n'y a que les centrales syndicales qui peuvent venir à la rescousse pour redorer le blason du mouvement syndical. C’est à ce niveau que je lance un appel aux centrales syndicales pour prendre en charge, dans les meilleurs délais, cette affaire-là et pousser le président de la République à retirer ce décret qui risque d’être un précédent dangereux, comme c’est le cas de l’arrêté Ousmane Ngom.

Il y a eu la hausse du prix du ciment, du carburant et de l’électricité, et même une perspective de privatisation de la Senelec. Comment expliquer le silence des centrales ?

C’est incompréhensible. En réalité, défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs, c’est défendre le pouvoir d’achat de ces travailleurs qui constituent la locomotive des populations. Même si, par ailleurs, les travailleurs ne sont pas tous affiliés dans des syndicats de branche ou dans des centrales. On ne peut pas aller au renchérissement du coût de la vie qui est hors de portée du travailleur moyen et que les centrales se manifestent par leur absence sur le plan syndical.

Nous considérons que les mesures ne font que commencer. Les denrées de première nécessité ont toutes flambées, l’électricité a augmenté depuis longtemps, c’est maintenant que la Senelec a communiqué, c’est ça la réalité. Apparemment, le gouvernement de Macky Sall ne sait pas qu’il est en train de constituer un cocktail explosif. Il revient aux centrales syndicales de prendre leurs responsabilités.  

Les réquisitions ont eu lieu d’abord dans l’éducation avec Serigne Mbaye Thiam, aujourd’hui, c’est dans le secteur de l’eau avec la même personne. Est-ce un hasard ?

Déjà, il faut dire qu’on a fait ce qu’on devait faire dans le secteur de l’eau et après, on lui a filé la patate chaude. C’est ça aussi les conséquences d’une alliance politique contre-nature. On fait ce qu’on a à faire et après, on vous laisse faire la salle besogne. Pour les réquisitions, l’histoire retiendra malheureusement que c’est toujours avec Serigne Mbaye Thiam qu’elles ont eu lieu. Il en assumera les conséquences.


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