À l'initiative de la structure Expertises et actions pour le développement, des juristes, des universitaires, des acteurs politiques et de la société civile se sont réunis ce vendredi 28 avril pour échanger sur la question de la recevabilité des candidatures annoncées à la Présidentielle de 2024.
La possible candidature du président Macky Sall continue d'agiter la sphère sociopolitique sénégalaise. Bien loin d'être pressé de dévoiler sa position, le principal concerné joue la montre, laissant libre cours aux interprétations. Pour les uns, malgré la révision de la Constitution de 2016 attestant que "nul ne peut exercer plus de deux mandats successifs", le président Sall pourrait bien être dans la course à sa propre succession. L'argument avancé est que le passage de la durée du mandat de 7 à 5 ans considérerait de facto l'élection du président Sall en 2019 comme son premier mandat.
Dans le camp d'en face, la question ne se pose même pas, les textes étant clairs. C'est l'avis de Sidy Alpha Ndiaye, professeur agrégé de droit public et directeur de l'Institut des Droits de l'homme et de la paix : "Techniquement, la durée du mandat n'a rien à voir avec le nombre de mandats. Il n'y a aucune solidarité normative entre la durée des mandats, qui est de 5 ans, et le nombre de mandats qui est limité à deux."
Wade-Sall, même situation ? Sidy Alpha dit non !
Ce scénario d'une troisième candidature est une histoire qui se répète au Sénégal. En 2012, l'ancien président Abdoulaye Wade est arrivé au forceps pour se présenter à la Présidentielle. Pour le directeur de l'Institut des Droits de l'homme et de la paix, les cas du leader du PDS et de celui de l'APR sont différents : "Le président Abdoulaye Wade avait été élu sous l'empire de la Constitution de 1963, ce qui n'est absolument pas le cas de Macky Sall, élu sous l'empire de la Constitution de 2001 qui limite le nombre de mandats à deux."
En juin 2022, les ministres des Affaires étrangères de la CEDEAO se sont réunis à Accra pour l'amendement du Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance. Parmi les pays présents, la Côte d'Ivoire, le Togo et le Sénégal étaient les seuls à avoir émis une réserve quant à l'introduction de la limitation des mandats dans le Protocole de la CEDEAO.
Sidy Alpha Ndiaye évoque un caractère sensible de cette notion de 3e mandat : "Malheureusement, les pouvoirs en place ne respectent ni la lettre ni l'esprit de la Constitution de 2001."
Parlant de l'aspect quasi universel de la rédaction des lois, le professeur a cité l'exemple de la France qui, dans son article 6, dit que "nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs". Une disposition identique à celle du Sénégal, à la différence qu'elle ne souffre d'aucune controverse.
“Le président m’a dit : «Doudou Wade, je ne ferai pas un troisième mandat»
L'autre argument donné par les défenseurs de l'anticonstitutionnalité d'une 3e candidature est la parole donnée. À maintes reprises, Macky Sall avait argué dans ses différentes sorties, aussi bien dans la presse qu'en meeting, qu'il n'essaierait pas de briguer un 3e mandat. Les panélistes présents à cette table ronde organisée par Expertises et actions au développement ont déploré la "probable" non-application de ce principe éthique, élément de base des traditions africaines et sénégalaises en particulier.
Présent à cet atelier, Doudou Wade, membre du Parti démocratique sénégalais (PDS) a, à ce sujet, révélé une petite anecdote d'une conversation avec Macky Sall : “Le président m'a dit : «Doudou Wade, je ne ferai pas un troisième mandat.»
Lors de cette table ronde, un plaidoyer a été lancé. Celui de rendre le Conseil constitutionnel plus inclusif dans ses concertations. “La Constitution est l'objet du peuple et le peuple est dépositaire de la Constitution. Certaines dispositions constitutionnelles ne relèvent d'aucune technicité qui exigerait que des professeurs de droit soient interpellés pour les interpréter. Non !”, dit-il.
Pour pallier cela, il propose : “Pourquoi ne pas élargir la composition du Conseil constitutionnel et l'ouvrir à des anthropologues, des sociologues, à des gens de la société civile, etc. ?”
Bien que cette rencontre portait initialement sur la recevabilité des différentes candidatures, actualité oblige, celle du chef de l'État a été le sujet prédominant des échanges. D'autres rencontres de ce genre sont prévues, a assuré le président de la structure, Me Ousseynou Babou.
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