Le Sénégal vante sa respiration démocratique montrée en exemple surtout en Afrique de l’Ouest. Elle est clamée urbi et orbi, chantée à chaque fois que l’occasion se présente. Et pourtant, sous ce vernis assez reluisant qu’elle projette à la face du monde, se cache une démocratie qui reste encore et toujours en balbutiement. En attestent ces élections renvoyées aux calendes grecques et dont la plupart accouchent de résultats contestés. Même si des efforts ont été faits et continuent d’être consentis.
Pour en arriver là, combien d’hommes, de femmes, de jeunes et de moins jeunes y ont laissé la vie ? En effet, la démocratie sénégalaise a beaucoup saigné et il faut remonter le temps pour s’en convaincre.
40 morts lors d’une répression sanglante en 1963
1963 ! La date est gravée en lettres d’or dans les annales de l’histoire. Juste après le troisième anniversaire de cette jeune république, des manifestations éclatent au lendemain de l’élection présidentielle, le 1er décembre 1963. Senghor est déclaré vainqueur avec un score à la soviétique : 100%. Un résultat que l’opposition rejette vigoureusement. Elle organise une manifestation. La police ouvre le feu. Le bilan est lourd : 40 morts et 250 blessés selon les sources officielles. La jeune nation trouve, n’empêche, les moyens de panser ses blessures, du moins, de manière artificielle puisque d’autres épisodes sanglants jalonneront son histoire notamment avec la grève étudiante de 1968 et les violences postélectorales de 1988.
16 février 1994, la marche sanglante
L’histoire bégaie le 16 février 1994. Le bilan officiel fait état de 05 morts dont 4 forces de l’ordre et un civil. Par contre, Amnesty International dans son rapport parle de 08 morts dont six policiers. Ce drame s’est produit après une réunion publique organisée par Abdoulaye Wade, alors opposant en chef et ses alliés du moment, dont notamment, les Moustarchidines. Moustapha Sy, leur responsable moral, est alors en détention pour offense au chef de l’Etat. L’objectif du rassemblement est officiellement de dénoncer la cherté de la vie après la dévaluation du franc CFA de 50%. Après le meeting, les Moustarchidines marchent en masse vers le Palais pour réclamer la libération de leur leader. « Des centaines de jeunes, armés de gourdins, de barres de fer et d'armes blanches, le visage masqué, ont déferlé sur le centre-ville, criant des slogans hostiles au président Abdou Diouf, saccageant tout sur leur passage, et attaquant les forces de l'ordre qui tentaient de les contenir à coups de grenades lacrymogènes », décrit le journal Le Monde.
Selon Amnesty International, près de 150 personnes ont été arrêtées et inculpées d’atteinte à la sûreté de l’Etat. L’organisation pour La défense des droits de l’homme estime que « certaines personnes, sinon toutes, sont des prisonniers d’opinion détenus uniquement en raison de leur appartenance à un mouvement politique ou religieux ». A la suite de ces événements, les leaders de l’opposition sont arrêtés. Ils seront libérés quelques mois plus tard après avoir entamé une grève de la faim.
Ces événements historiques montrent, à eux seuls, combien la démocratie sénégalaise roule à tombeau ouvert. Et ces multiples péripéties qui semblent se répéter, font que cette démocratie à l'épreuve peine à atteindre la phase de maturité.
23 juin 2011, une révolte, zéro leçon
Le 23 juin 2011 ! Bis repetita ! Le peuple fut encore obligé de montrer que le pouvoir lui appartenait. Le président Abdoulaye Wade avait introduit son fameux « ticket présidentiel » (Président et vice-président). Une réforme qui pouvait lui permettre d’être président dès le premier tour avec seulement 25% des suffrages. L’opposition et la société civile qui flairent ruse au parfum d’une dévolution monarchique du pouvoir, lancent la révolte.
Au moment des discussions à l’hémicycle, l’opposition est dans les rues de Dakar avec une grande mobilisation du peuple. Et selon les sources policières, le bilan fait état de près de 120 blessés. Cette révolte du 23 juin a été le déclencheur d’une série de manifestations dans tout le pays surtout à l’approche de la Présidentielle de 2012.
Le Mouvement qui a vu le jour ce 23 juin 2011 contestait la candidature de Wade et comptait exercer une pression sur ce dernier. Les manifestations « anti-Wade » ont fait pas moins de 10 morts. Malgré tout, le Président Wade participera à la Présidentielle de 2012. Élection à l’issue de laquelle, celui qui fut son Premier Ministre, Macky Sall, lui succède. 10 ans plus tard, le Sénégal semble tomber dans les mêmes travers puisque l’incertitude sur une probable troisième candidature de Macky Sall, est grande. Entretenue sciemment, par un pouvoir qui ordonne à ses alliés de ne pas se prononcer sur la question, au risque de lourdes sanctions.
Aujourd’hui, le Sénégal continue de déconstruire et de construire sa démocratie à grands coups de rafistolages constitutionnels et de campagnes déguisées. Les émeutes sanglantes de mars dernier, qui ont fait quatorze morts, n’ont pas fini de démontrer à quel point cette démocratie tant chantée, carbure au sang de ses citoyens.
8 Commentaires
Phil
En Juin, 2021 (12:24 PM)Cela signifie vraiment que ce pays a de très mauvais dirigeants.
En opposants, on lutte tous ensemble jusqu'à obtenir le pouvoir;
mais une fois au sommet, le gagnant se départit de la volonté populaire et gouverne autrement (en tyran); ce qui oblige le peuple à se révolter, lutter de nouveau jusqu'à payer de son sang.
C'est à dire reprendre à zéro.
Ainsi recule notre démocratie et apparemment on est plus les premiers en Afrique. On est loin derrière.
Prions pour que Dieu Tout-puissant nous aide à changer les mentalités et que par sa grâce le Sénégal élise des dirigeants dignes et patriotes.
Lam
En Juin, 2021 (13:46 PM)Nkhson
En Juin, 2021 (17:56 PM)Participer à la Discussion