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Politique

Restitution sabre El Hadji Omar : La France crie à la "rapine"

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Restitution sabre El Hadji Omar : La France crie à la "rapine"
« Restitutions » - Paris, Musée de l’Armée - On pensait que le coup viendrait du Bénin, avec la « restitution » des sculptures d’Abomey promises - mais pour l’instant toujours illégales - par Emmanuel Macron. C’est à Dakar que le Premier ministre Édouard Philippe s’apprête, en toute impunité, à violer la loi en « restituant » au Sénégal le sabre d’Omar Saïdou Tall, dit El Hadj Omar, saisi par les troupes françaises en avril 1893 lors d’un combat les opposants au fils d’El Hadj Omar [1].

Manufacture Coulaux & Cie Sabre ayant appartenu à El Hadj Oumar Tall Paris, Musée de l’Armée Photo : Musée de l’Armée

L’œuvre, selon la base des collections du Musée de l’Armée auquel elle appartient, « comporte une lame française, de sabre d’officier d’infanterie modèle 1821, dite « à la Montmorency ». Sur le dos sont gravées les inscriptions « Manufacture de Klingenthal » ainsi que « Coulaux et Cie ». La poignée est en cuivre ciselé, munie d’une croisière simple et massive. Le pommeau est en forme de bec d’oiseau, terminé par un petit anneau. La fusée est garnie d’un filigrane en fil de fer. Le fourreau est en cuir et comporte des garnitures en laiton ». Elle avait été prêtée, à la demande de l’Élysée, par le musée de l’Armée au Musée des Civilisations Noires à l’occasion de son inauguration, et y était déposée exceptionnellement pour un an, le prêt devant se terminer début décembre.

Selon plusieurs sources concordantes, le Musée de l’Armée a appris par hasard il y a une dizaine de jours, que le Premier ministre, qui doit se rendre à Dakar pour une visite diplomatique, allait organiser une cérémonie de restitution de ce sabre au Sénégal. Cette information est d’ailleurs confirmée par un communiqué publié il y a quelques heures par l’agence Sénégal-France-Coopération. Le ministère des Armées a rappelé au Premier ministre que la loi n’avait pas changé, et que cette restitution était parfaitement illégale. Le ministère de la Culture a également fait valoir la même position. Édouard Philippe a donc décidé de demander que le sabre soit déposé pour cinq ans, un dépôt en réalité parfaitement fictif puisqu’il va parallèlement expliquer à son interlocuteur, le président du Sénégal, que la France s’engageait dans un processus de restitution. C’est bien d’ailleurs d’une cérémonie de restitution dont il est question dans le communiqué de l’agence.

Il est désormais évident que tout cela était planifié depuis longtemps : l’Élysée, en demandant au musée de prêter le sabre pour un an, savait déjà qu’il allait le laisser à Dakar. Or, cet objet n’est même pas une œuvre que l’on pourrait considérer comme pillée. Comme on peut le lire dans la fiche qui lui est consacrée par le Musée de l’Armée, El Hadj Omar fut le créateur d’un empire qui s’est étendu pendant une cinquantaine d’années sur des territoires situés aujourd’hui au Sénégal, en Guinée et au Mali, menant la « guerre sainte » contre les territoires voisins et soumettant ainsi deux autres royaumes ! Il s’agit donc bien d’une prise de guerre, d’une bataille ayant opposée une armée contre une autre, comme les musées militaires du monde entier en sont remplies. On est ici bien au delà de la problématique de la « restitution » des œuvres africaines d’autant qu’il s’agit d’ailleurs d’une arme d’origine française, issue de la manufacture Coulaux & Cie.

Le Premier ministre, avec la complicité active de l’Élysée et du Ministère des Affaires Étrangères, a donc choisi de se mettre clairement hors la loi, en annonçant qu’il « restitue » ce qu’il n’a en aucune manière le droit de restituer. Même l’artifice du dépôt de cinq ans renouvelable (qu’avait, on s’en souvient, déjà utilisé Nicolas Sarkozy pour les manuscrits coréens) n’est pas recevable dans ce cas puisque le sabre doit revenir en France dès le 6 décembre. On est ici devant une véritable rapine commise par le gouvernement français dans les collections nationales.

Didier Rykner

Notes


[1] N’ayant appris cette affaire que le 14 novembre au soir, et devant l’urgence de la publier, nous n’avons pas eu la possibilité d’interroger les différents protagonistes, qu’il s’agisse du Musée de l’Armée, des Ministères des Affaires Étrangères, de l’Armée et de la Culture, ni les services du Premier ministre ou l’Élysée. Mais nous avons eu plusieurs sources qui ont confirmé l’intégralité de nos informations.


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