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Politique

Doyen Mody Niang, vous n’avez pas le droit d’abandonner ! (Par Lamine Niang)

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Doyen Mody Niang, vous n’avez pas le droit d’abandonner ! (Par Lamine Niang)
Dans une entrevue accordée au site seneweb, vous avez annoncé votre décision de vous retirer de l’espace public. Les raisons invoquées sont totalement légitimes et compréhensibles. Votre entourage familial souffre certainement de votre exposition médiatique et il se demande bien, à juste titre, si les Sénégalais pour lesquels vous vous battez depuis plus de quatre décennies en valent réellement la peine.  

En effet, il est malaisant pour vos proches de parcourir les propos discourtois et irrespectueux, sans égard à votre âge, qui vous sont adressés suite à vos nombreuses publications en ligne. La partisanerie politique alimentaire justifie hélas toutes les incivilités et l’accès facile à internet en amplifie la cruauté. Il est tout aussi humainement difficile de voir que vos interminables sorties depuis des années ne semblent pas porter fruit. Bien au contraire, tout le mal de la gestion étatique que vous dénoncez depuis longtemps semble exacerbé et se conforter de jour en jour.

Sans doute, l’issue malheureuse de votre procès récent qui vous opposait à Cheikh Oumar Hann et dans lequel vous êtes condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis est venu certainement accentuer la pression familiale. Votre crime ? Avoir préfacé le livre du journaliste Pape Alé Niang pour y confirmer ce que l’OFNAC a déjà établi : le détournement avéré de deniers publics par l’ancien directeur du COUD et actuel ministre de l’enseignement supérieur.

Comme toujours, personne ne s’est offusqué devant l’injustice de la justice.

Vous avez le choix de vous éloigner de tout ce tintamarre politique assez désespérant et profiter enfin d’une retraite paisible à côté de votre famille. Nous vous serons tout de même éternellement reconnaissants de ces quarante années d’engagement citoyen à travers une riche bibliographie. Dans un pays marqué par le désintéressement de la chose publique, la promotion de l’inculture et du fanatisme abrutissant, il n’est pas donné à tout le monde de rester objectif, lucide et constant aussi longuement sans jamais tomber dans la compromission.

À l’heure où le cynisme de la classe politique s’incruste fatidiquement dans la conscience populaire et que le renoncement de la parole donnée apparait de plus en plus  comme une qualité à promouvoir ; au moment où l’élite intellectuelle a accepté, dans son écrasante majorité, de courber l’échine devant le dictat de la pensée unique et de s’enfoncer dans un mutisme coupable sur les dérives du pouvoir, si elle ne succombe pas simplement à l’appel du partage du butin, votre retrait sonnerait comme l’écroulement d’un pan de ce qui tenait encore l’édifice en décrépitude avancée.
Rendre les armes dans un moment où le doute gagne les esprits et que la jeunesse est totalement désemparée, c’est donner définitivement carte blanche à ceux qui se sont engagées dans l’accaparement discontinu et insatiable des biens collectifs. C’est soulager la conscience de ceux qui n’ont cure de la souffrance de la population et pour qui votre présence rappelle constamment la profondeur de leur inhumanité.

Le fruit de votre travail ne se quantifie et il est difficilement mesurable. Il transcende les hommes et les époques. Il se loge dans les commentaires de cet ami universitaire qui me confiait que vous êtes l’un des rares contributeurs sénégalais qu’il continue de lire avec une régularité religieuse. Il est dans la mémoire des rayons des bibliothèques, comme celle de la Bibliothèque Nationale du Québec, où j’ai pu emprunter un de vos ouvrages. Il est dans le cœur de cette minorité de Sénégalais, à l’intérieur du pays comme dans la diaspora qui, après vous avoir lu, retrouve un espoir renouvelé que le pays ne sombrera peut-être jamais dans l’indignité totale malgré la désillusion généralisée.

Vous ne les rencontrerez peut-être jamais de votre vivant et vous n’aurez peut-pas la chance d’entendre les mots de remerciements et d’encouragements, mais ils sont bien conscients de la noblesse de votre combat et vous portent dans leur cœur.

À vos enfants et petits-enfants, dites-leur que vous n’êtes plus une propriété d’un cercle familial réducteur. Les Sénégalais, pris individuellement, ne valent certes pas que vous continuez de sacrifier votre santé déclinante liée à votre âge pour une cause apparemment perdue, mais le SENEGAL, mérite que vous poursuiviez le combat jusqu’au bout.

Vous avez connu et fréquenté l’illustre Cheikh Anta Diop que vous avez bien cité dans cette entrevue. Repensez à lui et à tous les sacrifices qu’il a consentis jusqu’à la fin de sa vie. Vous n’avez pas le droit de faire moins que lui.

Lamine Niang (Pastef, Canada)


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