La Covid-19 a foiré la promo de son premier album, "Delta", sorti en décembre 2019, et rudement éprouvé ses finances. Mais Ridia Na a tenu bon, artistiquement, grâce aux réseaux sociaux et "African King", le septième single de sa carrière qui vient de sortir.
Fin janvier dernier, Conakry. En mission dans la capitale de la Guinée pour le compte d'une agence de communication où elle est cheffe de publicité, Ridia Na ne cache pas son inquiétude. L'OMS n'a pas encore élevé la Covid-19 au rang de pandémie, mais le virus fait déjà des ravages en Chine, commence à se propager dans quelques pays alentours et menace le reste du monde. "J'espère que cette maladie sera vite éradiquée et qu'elle n'arrivera pas au Sénégal", prie la chanteuse à l'oreille de son collègue qui l'accompagne.
Á ce moment-là, celle qui se nomme à l'état civil Fatoumata Diarry Fall ne se doutait pas "une seconde" que moins de deux mois plus tard, l'épidémie se mondialisera et que le 23 mars, le Sénégal, touché à son tour, décrètera l'état d'urgence sanitaire avec une forte restriction des déplacements et des rassemblements.
Cette tournure des événements était une catastrophe pour Ridia Na. Elle était en pleine promotion de son premier album, "Delta", un "bébé" de 12 titres dévoilé en exclusivité le 7 septembre sur la plateforme digitale Musik Bi et mis sur le marché trois mois plus tard. "Nous avions planifié de nombreux concerts dont un à l'Institut français de Saint-Louis. Tout a été reporté à cause de la Covid-19", rembobine-t-elle aujourd'hui, cinq mois après la mission de Conakry.
Honneurs aux messieurs
Au moment où à travers le monde souffle petit à petit un air de retour à la normale, Radia Na a décidé de mettre sur le marché "African King", le septième single de sa jeune carrière. Il s'agit d'une reprise d'"African Queen" du Nigérian 2face Idibia, un morceau avec lequel la Sénégalaise s'est autorisée quelques libertés : pour le titre, elle a opté pour "King" à la place de "Queen" et pour le personnage central de la vidéo, déjà disponible sur YouTube, un homme à la place d'une dame.
Son explication pourrait faire bondir les plus ultras des féministes : "L'idée est de renvoyer l'ascenseur aux hommes africains, à travers la chanson de 2face, qui célèbre la femme africaine. Je fais leur éloge et leur montre à quel point nous, les femmes, sommes fières de leur beauté, de leur bonté et de leur courage."
Ces trois derniers mois, à l'instar de nombre d'artistes, Ridia Na a galéré. La Covid-19 a chahuté la promotion de son premier album et durement éprouvé ses finances. Elle dit : "Nous avons enregistré d'importantes pertes de recettes.
Avant la pandémie, je jouais au moins deux fois par mois dans les hôtels et restaurants. Au Sénégal nous, les musiciens, sommes parmi les plus impactés par la crise économique consécutive à la crise sanitaire. Nous sommes au chômage depuis le mois de mars et, pour beaucoup d'entre nous, sans aucune possibilité de trouver des recettes alternatives."
La cheffe de pub senior a pu garder la tête hors de l'eau grâce à son salaire à l'agence de communication qui l'emploie à temps plein. "Encore que…, là aussi la Covid a frappé, on est payés 70%", relativise-t-elle en arborant un sourire amusé.
Résilience
Mais Ridia Na n'est pas du genre à s'apitoyer sur son sort ou à baisser les bras. Il en faut plus pour entamer sa joie de vivre et sa détermination à atteindre ses objectifs. Elle n'est pas cancer pour rien : les natifs de ce signe astrologique sont reconnus pour leur ténacité et leur créativité. Deux qualités requises pour qui veut traverser des crises comme celle qui sévit actuellement sans y laisser toutes ses plumes.
"Il fallait tenir bon, trouver le moyen d'exister, garder sa cote de popularité, malgré les restrictions liées à la pandémie. Personnellement, je me suis beaucoup servie du digital : j'ai essayé d'être active au mieux sur Instagram, WhatsApp, Twitter, Facebook ainsi que YouTube", confie-t-elle entre deux appels téléphoniques pour la promotion de son single.
Le tube de 2face Idibia, sorti en 2004 et qui compte actuellement plus de 13 millions de lectures sur Youtube, ne constitue pas uniquement pour la jeune chanteuse un moyen de fouetter l'orgueil du mâle dominant. Il représente plus que cela pour elle. "Cette chanson me rappelle mon passage de l'enfance à l'adolescence. Elle fait partie des coups de cœur qui m'ont plus donné envie de faire de la musique", révèle celle qui a déjà visité "Sodade" de Cesaria Evora et "Na Fanta" d'Ismaïla Lô.
Relancer "Delta"
Ridia Na est née à Médina Gounass, à Guédiawaye. Très tôt, elle est tombée amoureuse de l'art, la culture et la littérature. A 12 ans, elle commence a? interpre?ter des succès musicaux au sein des clubs espagnols, anglais et autres cercles de collégiens et de lycéens. Le bac en poche, elle de?cide de faire "le grand saut" dans le monde de la musique. Suivant ainsi les pas de son grand-frère, Ibrahima, chanteur et instrumentiste, surnommé "l'homme à la voix d'or".
Ibrahima est membre du groupe de sa sœur, Djinguily, et mène parallèlement une carrière solo.
La cheffe de pub est à la tête d'un orchestre de cinq musiciens (batteur, bassiste, claviériste, guitariste et percussionniste) avec lesquels elle se produit en live dans les hôtels, restaurants et autres palaces de Dakar et de l'intérieur du pays. Sa musique, colorée afro, de?voile son attachement a? la culture africaine et son patriotisme. Une preuve : en bonne avocate du Made in Senegal, elle a sorti en 2015 " Consommer local", une ode aux produits locaux chantée en featuring avec son grand fre?re. C'était son deuxième single après "Ji Gen", un hommage aux femmes mis dans les bacs la même année. Suivront deux autres ("Béét nga ma" en 2018, "No One" en 2016), son premier album (2019) puis deux autres singles ("Music" en 2019 et "African King" donc en 2020).
Ridia Na est actuellement en pleine promo de sa nouvelle création. Elle brille dans les médias et les réseaux sociaux. Parallèlement, elle prépare la sortie d'un EP (Extended Play, un format plus long qu'un single et plus court qu'un album). Au menu, des sujets autour de la condition des femmes : la scolarisation des filles, les mutilations génitales féminines, l'autonomisation des femmes. "Mon staff et moi espérons le mettre à la disposition du grand public en fin d'année InchAllah", confie-t-elle en croisant les doigts que d'ici là, "la Covid-19 soit vaincue" et qu'elle puisse reprendre la promotion de son album "Delta" et relancer sa carrière.
BIO EXPRESS
ÉTAT CIVIL Fatoumata Diarry Fall
NOM D'ARTISTE Ridia NA
GROUPE Djinguily
ALBUM Delta (2019)
SINGLES African King (2020), Music (2019), Béét nga ma et Sodade (2018), No One (2016), Ji Gen et Consommer local (2015)
0 Commentaires
Participer à la Discussion