Avoir entrepris de secouer le cocotier de la baisse des loyers est, en
soi, une bonne initiative. L'on ne peut en effet vouloir apprendre à
nager sans jamais se jeter à l'eau. Tout le monde ou presque veut et
souhaite la baisse des loyers. Les locataires la veulent et pour cause.
Ceux et celles qui sont soucieux du sort des personnes aux faibles
revenus la veulent. Les propriétaires lucides qui courent derrière de
longs mois d'impayés sans gros espoirs de recouvrer leur argent,
morosité économique ambiante oblige, la veulent. Il n' y a donc pas là
débat. Le bon débat porte sur comment mettre en oeivre une baisse
maîtrisée des loyers et pour qui on veut la baisse. Là-dessus, il semble
y avoir deux manières, deux voies pour approcher la question : celle du
gouvernement qui, au vu du projet de loi soumis aux députés, risque de
mener directement à l'impasse pour dire le moins et celle qui pourrait y
mener de façon concrète et durable, dans la paix et la bonne entente
indispensable au demeurant, entre locataires et propriétaires.
L'approche du gouvernement. Sauf révision de dernière minute, le projet
de loi soumis aux députés est l'exemple type de ce qu'il ne faut pas
faire. En voici les raisons : L'article premier dudit projet décline les
baisses ainsi qu'il suit :
- loyers inférieurs à 150.000 CFA, baisse de 29% ;
- loyers compris entre 150.000 CFA et 500.000 cfa, baisse de 14% ;
- loyers supérieurs à 500.000 CFA baisse de 4% ;
Voyons d'un point de vue simplement mathématique les incohérences de cette catégorisation :
Pour deux appartements similaires, Moussa fait payer à l'un de ses deux
locataires (Abdou) 145.000 CFA le mois, et à l'autre (Astou) 155.000
CFA soit une différence de 10.000 CFA.
Les effets de la loi entraîneraient ceci :
Sur la 1ère tranche, Moussa le propriétaire perd 42.500 cfa avec Abdou.
Avec Astou qui est sur la deuxième tranche, il perd 21.700. Celle-ci,
qui payait seulement 10.000 CFA de plus qu'Abdou avant la loi va payer
30.350 CFA de plus que Abdou avec la loi.
Sur la tranche la plus élevée, Assane qui loue sa villa à 510.000 cfa à
François ne perd lui que 20.400 CFA. (4% de 510.000). Suprême
paradoxe, Assane, qui est au sommet de l'échelle et qui loue à 510.000
CFA sa villa perd moins que Jean qui loue son "2 pièces" à 75.000cfa. En
effet (29% de 75.000CFA = 21750 cfa). C'est le montant qui correspond
aux pertes de Jean contre (4% de 510.000 CFA) soit 20.400 CFA pour
Assane.
D'ailleurs, toujours à cette échelle des hauts revenus, celui qui fait
payer 500.000 à son locataire perd avec la loi 70.000 CFA contre
20.400CFA seulement pour celui qui loue à 510.000. Ainsi donc, avec la
loi, celui qui payait juste 10.000 CFA de plus que son voisin de même
palier va devoir désormais payer 49.600cfa de plus que lui.
De telles incohérences traversent toute la grille parce qu'il n'y a pas
un système de progressivité des baisses qui eut assurer l'équité dans
les dégrèvements. Résultat : moins le propriétaire gagne, plus il perd.
Et à contrario, plus le loyer est élevé, moins le propriétaire perd. En
somme, les hauts revenus ne sont pratiquement pas concernés tant du
côté du locataire que de celui du propriétaire. Par contre, les revenus
intermédiaires des classes moyennes seront durement touchés au vu des
dispositions du projet puisqu'en définitive, ce sont ces classes
moyennes qui ont pu investir grâce à leurs économies complétées le plus
souvent par des prêts bancaires, pour réaliser de petits immeubles à
usage d'habitation. Comme nous l'avons vu ci-dessus, lorsque celui qui
percevait 75.000 CFA de location perd plus que celui qui percevait
510.000 CFA il y a problème. Posons-nous donc la question de savoir si
la loi va fonctionner. Non ! Ça ne marchera pas.
Si la démarche n'est pas corrigée, nous allons tout droit vers des
tensions extrêmes entre logeurs et locataires alors qu'il est possible
d'avoir une loi équitable dont l'application sera globalement acceptée.
De plus, tout comme dans la baisse des prix des denrées ou encore dans
la fixation du prix de l'arachide récemment, la baisse administrative
des loyers ne résistera pas aux dures lois économiques du terrain. On ne
peut pas faire plier les lois économiques par des lois administratives
et ce ne sont pas à des libéraux qu'il faut le rappeler.
La loi portant baisse des loyers risque d'être totalement
contreproductive pour le logement social. En effet, l'on pourrait
assister à un phénomène de désinvestissement chez les épargnants qui
étaient dans la filière avec comme corollaire une offre qui se rétrécit
davantage et une augmentation subséquente du loyer. L'on pourrait aussi
assister à un phénomène de hausses compensatrices (comme mode de
résistance des propriétaires) qui alimenteraient dans les mêmes
conditions la spirale haussière des loyers. Et, dans un tel contexte,
l'absence de la SICAP et de la Snhlm dans le secteur de la construction
de masse depuis de très nombreuses années et les perspectives de
rétrécissement de l'offre ne seront pas de nature à simplifier la donne.
Les 4000 logements sociaux par an annoncés par le président de la
République seront une goutte d'eau dans l'océan à supposer que ces
promesses se réalisent.
Plus fondamentalement, il faut savoir que nous avons 25% de notre
population vivant sur les 0,3% du territoire que représente Dakar. Il
faut aussi savoir que 150.000 à 200.000 personnes viennent habiter à
Dakar chaque année. Il faut enfin rappeler que Dakar est une presqu'île
qui ne peut s'étendre comme le feraient Bamako ou Niamey ou encore
Ouagadougou et Ndiaména.
Aller dans le sens de la résolution structurelle du problème des loyers,
c'est aller dans deux directions : dans l'immédiat, il faut lancer
un programme de 20.000 logements sociaux par an pour assurer le succès
d'une politique de bas loyers qui soit durable et, dans un deuxième
temps, corréler les infrastructures routières et ferroviaires pour
sortir de Dakar à un programme de logements sociaux sur un triangle
Dakar, Kaolack, St-Louis qui inclut Touba. Ce sont des problèmes globaux
d'aménagement du territoire sénégalais. L'approche doit être globale et
intégrée et non consister à aborder les problèmes au coup par coup sous
la pression des urgences.
Concluons sur les perspectives. Une loi pour baisser les loyers, si elle
est le fruit d'un travail rigoureux fondé sur des études sérieuse et la
concertation entre les acteurs, est une bonne chose. C'est à cela qu'il
faut aller à la place de ce qui apparaît aujourd'hui comme une marche
forcée dont les raisons ne sont pas révélées.
Dakar ce mardi 14 janvier 2014
Coût des loyers : que veut le gouvernement ? La baisse ? La hausse ou le charivari ? Par Mamadou Diop "Decroix" Député non inscrit à l'Assemblée nationale.
Par: Mamadou Diop Decroix - Seneweb.com |
14 janvier, 2014 à 21:01:53
| Lu 18900 Fois |
27 Commentaires
Tags:
Coût des loyers gouvernement baisse hausse ou le charivari Mamadou Diop Decroix Député non inscrit Assemblée nationale
Auteur: Mamadou Diop Decroix - Seneweb.com
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20 Commentaires
Dethiogou
En Janvier, 2014 (21:54 PM)Lamine Cisse
En Janvier, 2014 (22:13 PM)Asterix
En Janvier, 2014 (22:36 PM)Il faut arreter cette mauvaise foi qui consiste à vouloir jeter du sable dans le couscous du gouvernement à tous les coups. Ce couscous-ci c'est le couscous de tous les sénégalais. C'est une bonne décision qu'il fait saluer.
Goor Yomboul
En Janvier, 2014 (22:58 PM)Proprio
En Janvier, 2014 (23:09 PM)Laye
En Janvier, 2014 (23:09 PM)Bil
En Janvier, 2014 (23:21 PM)Laye
En Janvier, 2014 (23:29 PM)Baye Lamine
En Janvier, 2014 (23:38 PM)Djaxlé
En Janvier, 2014 (00:15 AM)Tra
En Janvier, 2014 (00:34 AM)Oussou
En Janvier, 2014 (00:54 AM)Depute-qui-travaille
En Janvier, 2014 (01:01 AM)Any
En Janvier, 2014 (03:26 AM)Sdf
En Janvier, 2014 (04:37 AM)Oho
En Janvier, 2014 (07:41 AM)Lemzo
En Janvier, 2014 (08:24 AM)Moi
En Janvier, 2014 (08:32 AM)Allo
En Janvier, 2014 (09:11 AM)Au d opter pour la creation de cites nouvelles a l exterieur de Dakar sur des poles de devloppement, il veut se retourner contre ceux qui ont travaille dure et qui ont construit par eux meme une economie de rente. C est vraiment de l amateurisme. Une baisse du loyer ne peut se fonder sur des criteres de tarifs seulement, il faut aussi considerer la surface corrigee, les investissements du bailleurs. Vouloir inciter les locataires contre les bailleurs n est pas une solution. Est ce pour cela que nous vous avons elu?
Son Métier = Théoricien
En Janvier, 2014 (09:34 AM)Participer à la Discussion