(voir ci-dessous en NB)
Cette décision régalienne de l'Etat va créer une instabilité regrettable dans les relations entre bailleurs et locataires qui avaient réussi à établir un accord privé et ne permettra pas, pour autant, de baisser le coût des loyers et de freiner la spéculation. Bien au contraire. En effet la mesure ne se prononce pas sur la fixation des prix des loyers mais seulement sur leur baisse s'ils ont été déjà fixés. Cela veut dire en terme pratique que le bailleur qui fixe son prix après le vote de cette loi ne sera pas concerné par la baisse imposée par l'Etat. Par conséquent, ce bailleur à qui on impose la baisse d'une location en cours peut se rattraper sur la fixation des prix dans le prochain contrat en majorant selon sa convenance. La loi se limite à exposer des fourchettes de prix sans aucune distinction liée au standing, à la zone d'habitation ou encore à la position d'habitation. Le bailleur est donc libre de choisir sa fourchette de prix et de la calquer sur ses intérêts économiques.
Il s'y ajoute que cette nouvelle loi légalise ce qui a été jusque là considéré comme illégal. En effet, il était exigé aux bailleurs de louer sur la base de la surface corrigée depuis le décret n°77-527 du 23 juin 1977 relatif au montant du loyer des locaux à usage d'habitation. Cette loi initiée par le gouvernement inaugure une possibilité de mettre son bien en location sans recourir à ce calcul d'où son intitulé : "Projet de loi n° 04/2014 portant baisse des loyers n'ayant pas été calculés suivant la surface corrigée".
En légalisant les locations sans recourir au calcul suivant la surface corrigée et en se contentant d'établir des fourchettes de prix sans aucune distinction liée au standing, à la zone d'habitation ou encore à la position d'habitation, l'Etat encourage et à la limite légalise la spéculation. Désormais, la seule obligation qui pèse sur le bailleur c'est de baisser le loyer en cours. Il peut par conséquent fixer ses prix selon sa convenance après s'être libéré du contrat qui le lie avec le locataire.
Le locataire qui avait bénéficié de la baisse de son loyer en cours et qui a décidé de changer de lieu d'habitation pour différentes raisons va donc se confronter aux dures réalités de la loi du marché aggravées par une décision régalienne de l'Etat. De même ceux qui vont bénéficier de la réduction et qui seraient tentés de changer de standing vont également retomber dans les mêmes travers de hausse de prix.
Il en est de même pour tous les nouveaux locataires qui envahissent le marché de la location. Ils risquent d'être accueillis avec des prix qui seront le fruit d'une spéculation "légalisée" par l'Etat du Sénégal.
Il s'y ajoute que les fourchettes retenues pour appliquer les taux sur les locations en cours ne répondent à aucun critère objectif. Le coût du loyer n'est pas un indicateur fiable pour identifier le pouvoir d'achat d'un locataire. Ceux qui sont logés dans les fourchettes à des taux inférieurs sont le plus souvent ceux qui ont en charge de grandes familles et qui méritent le plus d'être aidé. Par exemple, un célibataire qui loge dans un studio à 75 000 f CFA bénéficiera d'une baisse de 29% alors que son collègue marié de même catégorie professionnelle qui loge avec sa famille dans un appartement de 175 000 f CFA va juste bénéficier d'une baisse de 14%.
Le plus invraisemblable dans cette affaire est que l'Etat a décidé d'imposer une réforme sociale à incidence financière, sans aucune contre-partie financière de sa part. L'Etat va imposer aux bailleurs de réduire le loyer sans réduire lui-même les taxes qu'il leurs impose. C'est ainsi que l'impôt sur les revenus fonciers, la TOM, l'impôt sur le foncier bâti, la TVA sur les loyers mensuels... sont maintenus intacts. Ce qui constitue un abus de pouvoir manifeste.
L'argument soutenu par le gouvernement et selon lequel une étude a révélé que le coût de la construction n'a augmenté que de 44% alors que le coût du loyer est monté jusqu'à 256 % n'est pas un argument pertinent. Les faits révèlent que les coûts de matériaux de construction ont doublé. Il en est de même des taux d'emprunts bancaires qui sont parfois insupportables et peuvent évoluer de 7% à 10%. Quant au foncier, il fait l'objet d'une spéculation galopante. Le prix du m² a atteint des proportions inquiétantes dans certaines localités et l'Etat participe à cette spéculation à travers ses services. En effet les services fiscaux de l'Etat évaluent le foncier non pas sur la base de la loi mais sur la base du prix du marché, fruit de la spéculation. Par exemple le décret 2010-399 du 23 Mars 2010 portant fixation du barème des redevances pour occupation temporelle du domaine public de l'Etat fixe le barème le plus cher à Dakar à 300 000 f CFA le m² alors que l'évaluation des experts et des services fiscaux peuvent aboutir à des barèmes allant jusqu'à 1 000 000 f CFA le m². Une situation qui ne peut être sans conséquence sur le coût de la construction. L'argument de la régulation est donc une absurdité quand cette régulation se limite à la phase d'exploitation d'un investissement tout en ignorant le coût de l'investissement.
C'est également une absurdité que de comparer les prix des loyers avec les prix des denrées de premières nécessités. La détermination du prix des loyers par les bailleurs obéit à des spécificités qui ne peuvent s'accommoder à une application généraliste de la loi. Les bailleurs ne peuvent et ne doivent pas être vus du même œil. Certes, les bailleurs spéculateurs existent bel et bien mais l'Etat doit faire l'effort de les identifier et de les sanctionner en application des lois existantes. A côté du bailleur spéculateur, il y'a le bailleur qui fixe un prix raisonnable et qui ne fait pas recours à la surface corrigée. De même ils sont nombreux ces bailleurs qui tirent leurs revenus exclusivement de la location et dont le loyer est parfois adossé à un prêt bancaire. Ils ont le plus souvent une fourchette de location de moins de 150 000 f CFA et vont donc subir une baisse de 29% sur leurs revenus mensuels de survie en plus des charges d'emprunts bancaires.
D'un autre point de vue, la loi étant d'ordre général et impersonnel les taux fixés par l'Etat sont appliqués jusque dans les localités où aucune spéculation n'est notée. Or, il se trouve que dans certaines villes de l'intérieur du pays des bailleurs sont parfois obligés de réduire considérablement leurs prix de location compte tenu de la rareté de la demande.
Les bailleurs qui vivent des situations différentes vont subir les taux imposés par l'état sans distinction aucune.
Le Gouvernement sénégalais a finalement décidé de gérer une question plus que sérieuse sous le prisme du populisme. Son empressement à récolter des dividendes nous expose à une situation insolite qui ne réglera pas pour autant le problème crucial du loyer.
La responsabilité d'un Etat qui veut assister ses administrés qui vivent dans la situation décrite est d'agir sur le marché en diminuant la pression de la demande et en augmentant l'offre. Dakar représente 0,28 % du territoire national, concentre 25% de la population et 80% de l'activité économique. La situation de la capitale ne peut être sans conséquence sur le marché de l'offre et de la demande dans le secteur du loyer. L'Etat a la responsabilité de désengorger la capitale sénégalaise qui étouffe du fait de la concentration des activités économiques et administratives. Il doit favoriser la création de pôles de développement économique à travers le pays qui puissent permettre de fixer les populations et de freiner l'exode rural. L'Etat a la responsabilité de faire l'audit du foncier, de confier à ses structures comme la SN HLM et la SICAP la mission d'engager un vaste programme de construction de vrais logements sociaux et de veiller à ce que ces structures n'arriment pas leurs prix de vente sur les prix du marché, fruits de la spéculation. L'Etat ne peut, non plus, se soustraire de sa responsabilité de multiplier les sources de revenus dans les familles en créant des emplois et ainsi permettre à ces familles de supporter le coût de la vie qui ne se résume pas à la cherté du loyer.
Thierno Bocoum
Député à l'assemblée nationale
thbocoum@gmail.com
https://www.facebook.com/
NB: Le projet de loi n° 04/2014 portant baisse des loyers n'ayant pas été calculés suivant la surface corrigée consacre à son article premier une diminution de 29% pour les loyers inférieur à 150 000 f, 14% pour ceux compris entre 150 000 f à 500 000 f, 4% pour les loyers supérieurs à 500 000 f. L'article 2 dispose que cette loi " s'applique à tous les baux à usage d'habitation en cours". Et enfin le troisième et dernier article dispose que "toute violation de la présente loi expose son auteur aux sanctions prévues par la loi n° 81-21 du 25 juin 1981 réprimant la hausse illicite du loyer des locaux à usage d'habitation".
22 Commentaires
Papineau
En Janvier, 2014 (08:54 AM)Coc
En Janvier, 2014 (09:02 AM)Ben
En Janvier, 2014 (09:14 AM)From Zion
En Janvier, 2014 (09:17 AM)Harouna
En Janvier, 2014 (09:25 AM)Allo
En Janvier, 2014 (09:31 AM)Au lieu d opter pour la creation de cites nouvelles a l exterieur de Dakar sur des poles de devloppement, il veut se retourner contre ceux qui ont travaille dure et qui ont construit par eux meme une economie de rente. C est vraiment de l amateurisme. Une baisse du loyer ne peut se fonder sur des criteres de tarifs seulement, il faut aussi considerer la surface corrigee, les investissements du bailleurs. Vouloir inciter les locataires contre les bailleurs n est pas une solution. Est ce pour cela que nous vous avons elu? Le niveau d etude de ce projet gouvernemental est trop bas. Maintenant j ai une idee de ceux qui st au pouvoir car les cancres et paresseux sont bcp plus nombreux. Il n y a que des applaudissseurs et des griots. Laisse mouton pisser Tabaski viendra.
Bailleur
En Janvier, 2014 (09:31 AM)Best
Boy Saloum
En Janvier, 2014 (09:31 AM)Brisons nos glasses et regardons la vérité en face
Habiter à Dakar devient un privilège. Louer un appartement y est désormais un parcours du combattant : les propriétaires sont des véritables sangsues et rendent la vie des locataires un cauchemar.
Le Cinq (5) du mois, jadis période d’harmonie dans les familles sénégalaises, est devenu le moment fade et d’inquiétude.
Les propriétaires et les intermédiaires mènent une véritable raquette en réclamant des pléthores de garanties et mènent une pression inhumaine sur les pauvres locataires.
Quelle attitude voulez vous que le président prenne ?
Le président en homme de devoir et de pragmatisme n’a jamais fui devant ses responsabilités et nous savons carrément que son règne sera marqué par le saut de la protection du peuple.
Ceux qui qualifient cette mesure de populiste ne comprennent même pas la vision du président.
Dés le premier paragraphe de son pacte avec le peuple le président avait dit averti les renards libres que : « L’Etat et ses partenaires ont trop souvent considéré qu’il s’agissait là d’un coût ou d’une dépense inutile alors qu’il s’agit de l’essence même de tout développement : la protection de ses concitoyens » (programme yoni yokkuté)
La polémique de la baisse du loyer savamment planifiée par les bourreaux du peuple m’oblige à poser cette question.
Est-ce que le pauvre peuple ne mérite pas le sourire ?
Pourquoi la baisse de la taxe sur le revenu des sociétés ne suscitait pas la même ampleur ?
D’un passé récent, le Président WADE avait baissé l’ISR qui était de 33% à 25% et cela n’avait pas suscité aucun bruit.
J’espère que vous n’ignorez pas ce que représente la taxe( ISR ) dans la vie de cette couche sociale. Quand le peuple consentait des sacrifices vous applaudissiez et c’est votre tour chez le coiffeur vous criez sur tous les toits.
Oh l’égoïsme quand tu ne tiens !
Votre argumentaire basé sur le libre échange n’est pas adapté à la réalité socio-économique de notre chère patrie.
Monsieur le président ! Continuons à arroser l’arbre pour que ses fruits ressemblent à la promesse de ses fleurs au bonheur de notre progéniture.
Mauvaisemesure
En Janvier, 2014 (09:33 AM)Dos Argenté
En Janvier, 2014 (10:23 AM)Sagesse
En Janvier, 2014 (10:36 AM)ces juste une question de priorité;
un locataire avec deux ou trois drillanqués / le bailleur une seul femme
un locataire avec une voiture dernier cri, valeur marchande à plus de 10 millions
/ le bailleur se transporte par car rapide et Ndiaga Ndiaye
locataire fréquente les boites de nuits et les stades / le bailleur la mosquée
les exemples sont nombreux.
Jules10
En Janvier, 2014 (11:51 AM)Seul problème, le texte est un peu lourd, on se lasse.
Mozd
En Janvier, 2014 (12:08 PM)Néanmoins M. BOCOUM, je dois préciser que la TVA n'est pas due sur les loyers à usage d'habitation.
Immigré
En Janvier, 2014 (19:05 PM)il a tout juste oublier de parler du risque pour l'investissement prive à cause de cette mesure idiote et démagogique
ou sont les conseillers de MACKY franchement IBA DER ou IBA DERNIER repli toi à la mosqué et prie pour nous et epargne nous de tes idées à la con
Nobody
En Janvier, 2014 (20:15 PM)Basyl
En Janvier, 2014 (15:31 PM)Ouz
En Janvier, 2014 (11:27 AM)Reply_author
il y a 3 semaines (08:01 AM)Reply_author
il y a 3 semaines (08:02 AM)Reply_author
il y a 3 semaines (08:21 AM)Je connais des personnes handicapées, comme ma grande sœur, qui ont su réussir dans la vie malgré leur handicap. Ce que j'ai remarqué en elle, c'est qu'elle a accepté son handicap et ce très tôt. elle a fait des études universitaires, a eu ses diplômes, et travaille dans l'administration.
Le handicap n'est pas un obstacle à la réussite. Je sais que cela demande des efforts supplémentaires, si l'on se compare aux "valides", mais avec une acceptation de sa situation, la personnes handicapée pourrait se surpasser. Seulement, il ne faut jamais oublier que c'est l'effort qui vous incombe car la réussite dépend du Maitre du destin, Allah swt.
Qu'Allah nous soutienne tous.
Gelwaar
En Janvier, 2014 (14:15 PM)Document
En Janvier, 2014 (17:58 PM)@ Boucoum
En Janvier, 2014 (09:29 AM)Alors t'entendre, c'est au locataire de payer la depense quotidienne du bailleur, la scolarite de ses enfants, ses soins de sante lui et sa famille, ses factures d'electricite etc...etc.
Et le locataire lui qui va lui regler ses problemes?
Je commence á croire que tu as eu des difficultes á l'universite. En effet l'Etat en baissant le montant du loyer, baisse automatiquement la TVA qui s'y applique.
Quel bailleur reverse cette TVA?
Schutt
En Février, 2014 (00:05 AM)Milko
En Février, 2014 (11:18 AM)Participer à la Discussion