La télévision numérique terrestre (Tnt) était censée être une révolution technologique dans le secteur de l’audiovisuel. Depuis son lancement en juin 2017, non seulement elle tarde à décoller, mais elle semble beaucoup plus efficace pour un autre usage. En effet, depuis quelque temps, la Tnt se révèle plus un instrument de répression, un outil de pression contre les médias, surtout ceux qui ne courbent pas l’échine face au Prince.
Le dernier exemple est la suspension du direct de Walf Tv sur les manifestations à Mbacké et Touba des partisans de l’opposant Ousmane Sonko. Une décision à laquelle s’ajoute la suspension de la chaîne de front de terre pour 7 jours. Babacar Diagne et le Cnra ont ainsi décidé d’avoir la main ferme contre la télévision du défunt Sidy Lamine Niass.
Depuis l’avènement de la Tnt, c’est la énième fois qu’une telle mesure est prise. Bougane Guèye le patron de Dmédia l’a rappelé que la Sen Tv a subi cette pratique au moins à trois reprises. Le 4 mars 2021 déjà, lors des manifestations sur le dossier Sonko Adji Sarr, le Cnra a avait suspendu les signaux de Walf Tv et Sen Tv pour 72 heures. L’argument avancé par Babacar Diagne qui parle de ‘’couverture irresponsable’’ est qu’ils ont diffusé ‘’en boucle des images de violences’’.
Le 31 mars 2022, Sen Tv et Zik fm seront à nouveau suspendus jusqu’au 3 avril pour obliger le groupe à cesser de diffuser les revues de presse d’Ahmed Aïdara. Des revues de presse qui, même si elles violent les règles éthiques et déontologiques du journalisme, n’ont jamais posé de problème à Babacar Diagne, jusqu’à ce qu’Aïdara devienne maire de la ville de Guédiawaye, en remplacement du frère du président Macky, Aliou Sall, battu aux élections locales de janvier 2022.
« Le CNRA, il faut qu’il arrête ou qu’on l’arrête. S’il avait réellement joué son rôle de régulateur, on n’en serait pas là. Il est partisan et politique. Il faut qu’il arrête cette interprétation erronée de la loi », fustige Ibrahima Lissa Faye, suite à la suspension de Walf.
A la fin de chacun de ses communiqués, le Cnra mentionne ce qui suit : « La Société de Télédiffusion du Sénégal (TDS SA), la Société Canal+ Sénégal sont chargées de l’application de la présente décision… ». Ainsi donc, en une claque de doigt, Babacar Diagne et le Cnra peuvent couper le signal de n’importe quelle chaîne de télévision. On est donc loin de l’époque ou Abdou Karim Sall, directeur général de l’Artp se déplaçait jusqu’au siège de Walf Tv pour couper le signal.
Le groupe Emédia en sait quelque chose, lui qui a également vu le signal de sa chaîne Itv être coupé pendant la coupe du monde 2022 pour diffusion d’un match. Et apparemment, le rappel à l’ordre du Cdeps n’a servi à rien. Même les câblodistributeurs ont été menacés. Ce qui devait être un outil de promotion de la télévision au Sénégal est parti ainsi pour être une épée contre la liberté de presse.
Un lépreux qui soigne la lèpre
Le problème de fond ici est de savoir si le Cnra veut interdire les médias de diffuser les images de manifestations. Le Sénégal est-il une exception dans la couverture médiatique des évènements ? Il s’y ajoute que le Cnra se distingue par une politique de deux poids deux mesures. Autant il a une main ferme contre les médias privés, autant le régulateur ressemble à un agneau face à la Rts. La chaîne publique peut se rendre coupable de toutes les violations sans conséquence.
Enfin, ce qu’il y a de plus surprenant dans cette affaire est que Babacar Diagne est un lépreux qui prétend soigner la lèpre. En tant que Directeur général de la Rts, il ne s’est jamais signalé comme un chantre de l’équilibre et du respect de la réglementation. Le voilà aujourd’hui qui prétend faire le gendarme de l’audiovisuel.
Peut-être qu’il faut lui rappeler l’attitude de la Rts en 2011, notamment le message de Cheikh Béthio Thioune. Lui rappeler aussi les accusations de Macky Sall qui le soupçonnait de vouloir faire publier de faux résultats sur la Rts pour permettre à Wade de confisquer le suffrage des Sénégalais.
Il faut peut-être y ajouter le soutien de Macky à Walf, victime à l’époque du Cnra. « Il ne saurait être question de réduire en silence ce groupe Wal Fadjri ainsi que la presse sénégalaise. (…) J’encourage Sidy Lamine. Ce qui lui est arrivé est la preuve qu’il est sur la bonne voie », déclarait Macky Sall. On comprendra dès lors que rien n’a bougé sous le soleil des tropiques, sinon qu’il y a quelques acteurs qui ont changé de siège.
4 Commentaires
Karim$
En Février, 2023 (12:06 PM)Karthiak
En Février, 2023 (12:43 PM)Participer à la Discussion