Son sobriquet n’est plus commun sur Facebook, Buur Guédé a su construire, avec le temps, une forte communauté sur ce réseau social bleu. Le moindre de ses posts devient vite viral. De son vrai nom Ibrahima Sall, l’homme marque la nuance dès le début : «Buur Guédé rapporte l’information en temps réel alors que Ibrahima Sall doit attendre le lendemain pour publier l’information à Vox Populi. Les mêmes règles d’éthique et de déontologie sont valables pour les deux cas dans le traitement de l’information».
Avec une page Buur News, qui compte plus de 75 milles abonnés et des centaines de milliers de vue, il se définit comme journaliste-blogger et se démarque de l’activisme qui est, pour lui, «différent du métier de journaliste. Je suis d’avis qu’un journaliste ne peut pas s’identifier comme activiste mais plutôt blogger».
Sur les réseaux sociaux, il est parfois difficile de voir la différence entre l’activisme et le journalisme, car ils disposent parfois du même canal de communication. Mamadou Ndiaye, docteur en communication, par ailleurs directeur du Cesti de l’Ucad, remarque que l’activisme est mal cerné sous nos tropiques. Il indique que certains usagers du Web et des réseaux sociaux se disent activistes, et qu’il faut quand même reconnaître que c’est «un concept flou, fluctuant et qui ne recouvre pas une même acception selon les acteurs interrogés. Certains même disent qu’ils ne sont pas activistes alors que pratiquement tout le monde les voit ainsi».
Et M. Ndiaye d’ajouter que «globalement, un activiste est une sorte de lanceur d’alerte, un citoyen qui s’engage pour des causes de manière désintéressée. Il utilise très souvent les réseaux sociaux numériques pour atteindre sa cible et, par-delà, ses objectifs».
Sa présence active dans les réseaux sociaux et sa prise de position sur les questions du pays ont fait de lui un activiste reconnu : Moriba Cissokho arrive à informer sans être journaliste. Pas de confusion : il est activiste. Pour lui : «est activiste toute personne qui se démarque progressivement du militantisme politique ou de la partisannerie politicienne. Internet, les réseaux sociaux étant le réceptacle des frustrations, il est donc normal que tout individu qui porte une cause, une lutte se considère activiste.»
Journalisme et activisme incompatibles ?
Le journalisme se soumet à certaines règles tandis que, l’activisme est synonyme de prise de position. Au Sénégal, contrairement aux journalistes, les activistes ne sont pas saisis par le droit. Pour Moustapha Fall, docteur en Droit public : «il s’agit d’une posture fourre-tout pouvant être revendiquée par n’importe qui. En outre, l’activisme doit s’inscrire dans un cadre précis. Il n y’a aucun statut particulier reconnu aux activistes qu’on pourrait même qualifier de contestataires de l’autorité politique voire de l’État». Il reste persuadé que l’encadrement de l’activisme est nécessaire pour éviter toute confusion ou mélange de genre. Il souligne que «l’activiste n’a pas une mission éditorialiste ou journalistique. S’il se confond avec le journaliste, c’est parce qu’il divulgue des informations. Mais ceci ne saurait en aucun cas assimilable à du journalisme. Le journaliste n’est ni militant ni politique mais garant du droit du public à l’information». Ces deux acteurs de premier plan dans la distribution et la diffusion de l’information ne sont pas assujettis par les même règles et principes. Dr Mamadou Ndiaye rappelle que «le journalisme est un métier normé selon des principes éthiques et des règles déontologiques».
Ibrahima Sall souligne l’importance d’Internet qui a pratiquement changé la pratique de son métier. «Nous avons révolutionné la façon de faire le journalisme en permettant à nos internautes de vivre en temps réel ce qui se passe sur le terrain. L’information sans censure. Ils nous ont aussi, en ce qui me concerne, permis de gagner la confiance de mes followers en terme de crédibilité mais aussi de notoriété J’ai fait presque 10 ans à Vox Populi, mais les Sénégalais connaissent mieux Buur Guédé de la page BuurNews que le reporter dudit quotidien», dit-il.
Journaliste vs Activistes : «je t’aime moi non plus»
C’est devenu un principe des réseaux sociaux, chaque utilisateur a le pouvoir d’informer et de s’informer. Les gros comptes utilisent de leur notoriété. Moriba Cissokho explique que « souvent certaines personnes influentes préfèrent passer par les activistes pour passer un message – il y’a pas mal de choses qui atterrissent dans nos inbox qu’on ne peut pas partager, par exemple, sur le cas Fallou Sene, sur le Gaz, les dossiers sur la passation de marché entre la Sde et Suez, l’affaire Hiba Thiam, etc.». L’activiste déplore une prudence parfois non justifiée qui amène certains journalistes à se méfier de certaines informations qui émanent des activistes.
«Ce que je ne tolère pas aux journalistes c’est d’être paresseux – ils veulent avoir toutes les informations via WhatsApp ou Messenger. Ensuite souvent les activistes sont considérés comme des agitateurs faisant souvent le buzz. Ce qu’ils partagent, font souvent peur au point que les journalistes sont hésitants à les exploiter », peste-t-il. Ce que tente de justifier l’administrateur de la page BuurNews : « n’avons pas le même combat ni les mêmes prérogatives. Nous sommes régis par des règles d’éthique et de déontologie. Ce qui n’est pas le cas des activistes ».
Mais cette cohabitation entre journalistes et activistes, qui semble difficile, est analysée par Dr Mamadou Ndiaye : « les journalistes semblent dénier toute légitimité aux activistes dans la transmission de l’information. Les activistes de leur côté, se servant de la vitalité des réseaux sociaux numériques, se passent de plus en plus des médias traditionnels dans le cadre de leur campagne ».
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