Défenseur des droits des milliers de victimes de Hissein Habré, Me Assane Diomma Ndiaye voudrait que la Chambre d’Appel des Chambres africaines extraordinaires (Cae) opère quelques corrections sur la décision rendue en première instance. Au Tribunal de grande instance de Dakar où se tient le procès en appel de l’ancien président tchadien, il a invité les juges à revoir certains aspects du jugement rendu par leurs prédécesseurs.
«Si on suit le jugement, on se rend compte que la moitié des victimes a été écartée par le premier jugement, leurs constitutions de partie civile ont été déclarées irrecevables, au motif qu’elles n’ont pas apporté la preuve de leur identité. Or, nous savons qu’en matière de Justice pénale internationale, les critères sont plus souples que le droit interne. Et manifestement, les premiers juges ont fait une application du droit interne en exigeant soit un jugement d’hérédité soit une preuve quelconque qui établirait un lien entre le préjudice et le fait allégué». Mais, indique-t-il, compte tenu de la situation du Tchad et surtout du fait que la majeure partie des victimes sont (originaires) des campagnes, il était difficile d’apporter la preuve par l’Etat civil.
C’est, selon lui, l’une des raisons pour lesquelles, ses confrères et lui ont invité aujourd’hui «la Chambre d’Appel à corriger ces critères qui ont été établis par les premiers juges et surtout à se coller à la jurisprudence notamment les Chambres au niveau des tribunaux cambodgiens qui ont eu le même cas, et qui ont admis des victimes qui avaient ces preuves d’établissement de leur identité, et la preuve de leur qualité de victimes et également les statuts qui prévoient même que les victimes qui n’ont pas participé au procès peuvent quand même bénéficier de réparation. Donc, ce sont toutes ces corrections que nous demandons aujourd’hui aux juges en plus des réparations collectives».
Erection de monument ou de mémorial pour les victimes
Dans le lot de leur sollicitation, l’on retient le souhait de voir les sites où les victimes étaient torturées, érigés en lieux de recueillement. «Nous estimons qu’il faut ériger certains endroits qui ont été le théâtre des crimes en Mémorial ou Monument de manière à permettre aux victimes de pouvoir se recueillir», a souligné Me. Ndiaye. Il sollicite également «que la Chambre d’appel fasse en sorte que les victimes qui, aujourd’hui traînent des séquelles extrêmement graves puissent recevoir des traitements adéquats. Et comme c’est la faute de M. Hissein Habré, il a demandé que celui-ci soit condamné à assurer ces traitements dans des centres médicaux spécialisés».
Me Assane Dioma Ndiaye qui est revenu sur les plaidoiries de ses confrères de la défense, dit avoir compris leur démarche. «On a entrevu, à travers leur plaidoirie une perche qui est faite à la Chambre d’appel dans l’hypothèse d’une confirmation de la culpabilité au moins, compte tenu des circonstances atténuantes qui peuvent lui être accordées de revoir la perpétuité. Mais là également, ce qu’ils oublient, c’est que les juges apprécient à la fois les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes. Et on a compris, à travers la décision des premiers juges que les circonstances aggravantes étaient beaucoup plus importantes même si des circonstances atténuantes ont été reconnues à M. Habré».
Il s’agit, selon lui, notamment du défi que M. Habré avait lancé aux Chambres ; le manque de respect qui est notoire ; des propos discourtois qui ont été prononcés à l’égard de la Cae. Cela a été retenu. Si bien que les premiers juges n’avaient pas tenu compte de ces circonstances atténuantes. Mais c’est vrai qu’ils ont essayé de tendre cette perche dans l’hypothèse d’une confirmation sur la culpabilité au moins, que ces circonstances puissent faire en sorte que la peine puisse descendre».
Youssoupha MINE
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