À entendre le dressage de son portrait, l'on a du mal à croire que l'accusé Moustapha Diatta, est du nombre des inculpés dans l'affaire Imam Ndao. Agent immobilier chargé de gérer les recouvrements, marié et père de 4 enfants, l'accusé âgé d'une trentaine d'années, est aujourd'hui jugé devant la Chambre criminelle spéciale pour des faits graves : il s'agit, entre autres, de faits d'association de malfaiteurs, de blanchiment de capitaux, d'apologie du terrorisme et de détention d'arme sans autorisation administrative.
Devant le prétoire, il dit être membre de l'association des daawa (prêcheurs) du Sénégal et d'une entité qui se veut une structure chargée d'inhumer les dépouilles de personnes non-identifiées. Il a déroulé le film de son arrestation. "Mon arrestation s'est passée un après-midi. Je venais de finir mes opérations de recouvrements. C'était l'heure de la prière, je me suis alors rendu à la mosquée. À ma sortie j'ai vu quelques hommes me suivre. Ils m'ont trouvé sur ma moto et m'ont notifié mon arrestation. Ils ont ensuite récupéré la clé de la moto et m'ont conduit chez moi. Nous nous sommes par la suite rendus à la Dic (Division des investigations criminelle), a-t-il dit".
C'est alors que des questions ont commencé à pleuvoir. Le juge lui a alors demandé s'il avait effectué des voyages hors du territoire. "Je n'ai jamais quitté le Sénégal". Et à la question de savoir s'il avait des contacts hors du pays, ou plus précisément, en Libye, il confirme. "Oui, dernièrement, j'ai su que mon ami Abdallah Ba était là-bas. Mais il ne m'avait pas informé de son projet de se rendre dans ce pays". Parlant de ses amis en Libye, il dit ne connaitre qu'Abdallah Ba (alias Abu Zaid) et Abdallah Dieye. "J'habite à la Sicap-Baobab. Abdallah Ba était un ami. On a des liens fraternels. À chaque fois que j'étais à Gueule Tapée, on priait ensemble dans la même mosquée".
"Beaucoup de Sénégalais décédés sur le champ de bataille"
Le juge l'a alors interrogé sur le sort de l'épouse d'Abdallah Ba. Il a dit ne plus se souvenir de son nom. Et celui-ci de lui rafraichir la mémoire. "Elle s'appelle Ndèye Sy (née Penda Keïta) et d'après sa maman, elle a rejoint son époux en Libye", lui a soufflé le juge avant de préciser qu'il résultait du dossier, que l'accusé a aidé activement la dame à rejoindre son époux. Ce que celui-ci a contesté : "Non ! Ce n"est pas le cas. Sa situation n'étant pas assez stable, comme moi je gagnais un peu d'argent, grâce à mon travail, il nous arrivait de nous entraider. C'est ce qui nous a le plus lié, la famille de mon ami Abdalla et moi. Je les soutenais surtout au plan social, à chaque fois que possible pour les aider à assurer la dépense quotidienne. Ils ont déménagé à Khar Yalla (localité située près de Grand-Yoff), j'y suis passé un jour.
Et c'est quelques temps après que, de passage à Gueule Tapée, j'ai appris que la maman de Ndèye Sy (épouse d'Abdallah Ba) était passée au "Restaurant Ashanti" et avait annoncé le décès de mon ami. Des rumeurs qui circulaient ont indiqué qu'il est décédé sur le champ de bataille comme beaucoup de Sénégalais", a-t-il ajouté.
Sur la récurrence de ses rencontres avec son ami, il a confié : "Nous restions, des fois, un à deux mois, sans nous voir. On n'était pas constamment en contact, il logeait à Khar Yalla et moi à Baobab. Après avoir été informé de la volonté manifestée par la belle-maman d'Abdallah de me voir, je me suis rendu au marché de Soumbédioune où elle bosse. Elle m'a informé, alors que sa fille l'avait appelé pour lui annoncer le décès. Elle m'avait mal accueilli, oui. Peut-être qu'elle supposait que j'ai aidé sa fille à rejoindre son époux. Mais jamais je ne l'ai aidé. Si elle m'avait fait part de ce projet je l'en aurais dissuadé", a-t-il déclaré.
"La dernière fois que je l'ai vu …"
Pour son second ami, il n'en dira pas moins : "Abdallah Dièye, je l'ai connu grâce à Abdallah Ba. Lui, il est domicilié à Bambilor, il était souvent chez Abdallah et venait le plus souvent prier à la mosquée. Quant à son épouse, la dernière fois que je l'ai vue, c'était à Kaolack. Me souciant des amis de la daawa, j'ai été allé lui rendre visite. Elle s'appelle Abibatou, c'est elle qui m'a appelé une fois. Et comme je n'avais plus des nouvelles de ses enfants et d'elle, j'ai quitté Dakar et suis allé leur rendre visite à Kaolack. Elle habitait chez l'imam Ndao. On a été là-bas, un ami et moi pendant 3 heures environ. Et c'est après la prière que l'imam nous a reçus. Nos échanges ont porté sur la religion. J'ai posé des questions qui ont porté sur la prière, le fikh etc. Mais je ne me rappelle pas de tout, vu que cela fait longtemps. Concernant mon ami Abdallah Dieye, je n'ai plus de nouvelles de lui, rien de plus que des rumeurs".
Le procureur, après l'avoir écouté, s'est interrogé pour savoir comment plusieurs personnes qui se rencontraient au Restaurant Ashanti de Gueule Tapée, se sont retrouvées en Libye ? Une question restée sans réponse. Et ce fut l'occasion pour le juge d'ouvrir une fenêtre sur la détention illégale d'arme. L'accusé passe aux aveux : "Lors de la perquisition effectuée chez moi, des munitions en vrac de calibre 4- 5 destinées à la chasse de pigeons ont été trouvées. Je n'ai pas une autorisation pour chasser. J'avais une arme de type Hatsan 137. Mais cette arme ne nécessite pas d'autorisation. C'est une carabine à plomb. C'est à l'armurerie dakaroise que je l'ai acquise. Mais, avant l'achat, j'ai vérifié sur la légalisation des armes et j'ai vu qu'il ne nécessitait pas d"autorisation administrative. J'ai appris que c'était aussi destiné aux mineurs. J'ai aussi vu que même en France, il faut une autorisation parentale pour les moins de 18 ans. Je suis parti à l'armurerie, j'ai demandé au major, il m'a informé qu'il en vendait des milliers sans nécessité d'autorisation de port d'arme", a-t-il dit.
"J'avais une arme de type Hatsan 137"
Seulement, au moment de la perquisition, l'arme n'a pas été retrouvée. La détention de ces munitions est réprimée, lui a dit le juge. L'accusé de lui notifier, alors, avoir vendu l'arme. Arrêté, c'est un an après qu'on a ajouté les faits de détention d'arme, a-t-il ajouté avant de préciser que c'est un fusil à air comprimé.
Sur les motivations de son ami, il a juste indiqué qu'Abdallah Ba lui avait expliqué que c'était sa situation familiale qui l'a poussé à quitter le pays pour aller vivre dans un état musulman où vivre la charria et chercher du travail. Et ce sont les membres de la famille de la femme qui ont eu à saisir les autorités pour le dénoncer, lui l'accusé. D'ailleurs, le père de Penda, Mbaye Keïta, entendu, sur procès-verbal, a déclaré que certes sa femme et ses filles étaient voilées, mais depuis le mariage de sa fille avec Abdallah Ba, celle-ci avait renforcé son voile avec une burqa intégrale. Similie Keïta, la tante paternelle a déclaré qu'elle avait surpris Ba et l'accusé qui s'étaient retranchés pour regarder une vidéo en arabe. C'est depuis qu'ils ont commencé à venir à la maison que la dame a commencé à adopter un islam "avec rigueur".
Moustapha Diatta qui a été interrogé pendant 4 heures, a déclaré n'avoir jamais envisagé de se rendre aux côtés des djihadistes. "Je suis père de deux familles. Mon papa est décédé, je gère les dépenses quotidiennes. Moi je ne partirai jamais et laisser ma famille. Si les deux sont partis, je pense que c'est une affaire de maturité. (…). Mon papa s'est converti à l'âge de 12 ans. Il a épousé ma maman et elle l'a converti à l'islam. Nous sommes nés musulmans. Mon papa décédé, après mes études, j'ai fait la cordonnerie, la pêche, gérant de cyber, infographe. Et c'est là-bas ou j'ai été débauché par la société immobilière qui m'emploie. Je n'avais jamais fait la prison. Ma maman est malade depuis des années. Si je pars, ce serait ingrat de ma part".
"J'ai fait la formation militaire à Bango"
"Je suis persuadé que votre place n'est pas dans ce dossier", a dit Me Khoureychi Ba. Son confrère, Me Ousseynou Ngom de déterrer le passé de son client : "Dans ma vie, j'ai fait la formation militaire à Bango (Saint Louis). Dans les années 97, l'on avait connu beaucoup d'agressions. Vu la situation, j'ai voulu intégrer l'armée. J'y étais en 2000, malheureusement, j'ai été réformé". Qualifié de sociable, trop généreux, il s'explique : "J'avais vu que sa situation sociale était très difficile. Même avec mon salaire de 35 000 f Cfa je le partageais avec lui. Des fois, il m'arrivait moi-même d'avoir des difficultés pour avoir la dépense. C'est dire que nos relations étaient vielles de plusieurs années. Jamais je n'ai intentionnellement aidé l'épouse de Ba à se rendre en Libye, idem pour Mme Dièye.
Pour la famille Keita, je peux dire que de retour d'Espagne, le vieux Keita m'a appelé et m'a reproché le fait que sa fille soit partie rejoindre son époux. Il m'a traité de tous les noms d'oiseaux. Il vivait en Europe et pendant 15 ans, il n'est venu que 3 fois au Sénégal. Mais, il ne sait pas qu'en son absence, on a pris soin de sa famille", a dit l'accusé avant de plaider la clémence : "J'ai un Cdi. C'est trop difficile à obtenir de nos jours au Sénégal".
4 Commentaires
Senegal En Danger
En Avril, 2018 (19:18 PM)Fafou
En Avril, 2018 (20:16 PM)Anonyme
En Avril, 2018 (20:16 PM)Anonyme
En Avril, 2018 (09:51 AM)Participer à la Discussion