Le cardinal Philippe Barbarin a été interrogé par les policiers lyonnais sur ce qu’il savait d’une affaire de pédophilie survenue il y a 25 ans dans son diocèse et qui empoisonne l’Eglise de France depuis plusieurs mois.
Arrivé vers 8 heures à la Brigade départementale de protection de la famille, l’archevêque de Lyon en est ressorti «fatigué» vers 18 heures, selon l’avocat qui l’a assisté, Me Jean-Félix Luciani. «Il continuera à coopérer avec la justice dans la plus totale transparence (...) et forme le voeu que son témoignage contribue à la manifestation de la vérité et à l’oeuvre de la Justice», a déclaré pour sa part le Diocèse dans un communiqué.
Mgr Barbarin, l’une des personnalités les plus influentes de l’Eglise de France, avait été convoqué pour une audition libre - sans placement en garde à vue - dans le cadre d’une enquête préliminaire ordonnée en février par le parquet pour des faits de «non-dénonciation» d’agressions sexuelles.
Celle-ci touche à sa fin : il revient désormais au procureur de la République d’y donner suite ou non soit en classant l’affaire, soit en la renvoyant directement devant un tribunal, soit en saisissant un juge d’instruction, soit enfin en ordonnant des investigations complémentaires.
«Je pense qu’il n’y aura pas de suite car il n’y a pas d’infraction», a affirmé Me Luciani à la sortie du commissariat. Le cardinal Barbarin«souhaitait s’expliquer depuis de nombreux mois. Depuis très longtemps, il est traîné dans la boue et, à un moment donné, on a envie de répondre. (...) Il ne faut pas confondre le débat moral, les débats politiques ou de société avec le débat pénal, qui est une autre affaire», a-t-il ajouté.
Cette audition, après plusieurs mois de scandale, a été «à la hauteur des enjeux», a déclaré Bertrand Virieux, un des fondateurs de l’association de victimes «La parole libérée», pour qui «une mise en examen serait une vraie satisfaction».
Des faits anciens
L’archevêque, mis en cause aussi pour des faits de «mise en danger de la vie d’autrui», s’est expliqué sur le cas du père Bernard Preynat, mis en examen fin janvier pour des agressions sexuelles commises sur de jeunes scouts entre 1986 et 1991.
L’affaire est complexe car les faits sont anciens et parce que le cardinal Barbarin, qui assure n’avoir «jamais couvert le moindre acte de pédophilie», n’est arrivé dans le diocèse de Lyon qu’en 2002. Soit onze ans après le dernier fait retenu par la justice contre le père Bernard.
Depuis quand l’archevêque était-il au courant de ce passé ? De quoi a-t-il été informé et par qui ? Pourquoi avoir laissé ce prêtre exercer dans une paroisse au contact d’enfants jusqu’en août 2015 ? Sans dénoncer les faits à la justice ?
Les réponses publiques du diocèse ont varié : évoquant d’abord un premier contact avec une victime en 2014, le cardinal a ensuite précisé avoir entendu parler de l’affaire, via un tiers, dès 2007-2008. Date qui peut avoir de l’importance, la prescription en matière de non-dénonciation étant de trois ans.
Lors d’une réunion du clergé lyonnais, le 25 avril, le cardinal avait reconnu «des erreurs dans la gestion et la nomination de certains prêtres». Il a également demandé pardon aux victimes.
«Omerta»
Mais pour les victimes, l’archevêque a voulu étouffer les agissements de Bernard Preynat, en faisant perdurer «l’omerta» qui prévalait depuis les années 70. Au moins six d’entre elles ont porté plainte.
C’est le diocèse qui en octobre avait révélé l’enquête en cours sur le père Preynat. Les langues se déliant et d’autres affaires ayant refait surface, le scandale a depuis éclaboussé toute l’Eglise. La dernière assemblée des évêques, à la mi-mars à Lourdes, a été largement consacrée aux questions de pédophilie et tout un arsenal de mesures a été annoncé depuis.
D’autres membres du diocèse de Lyon visés par les plaintes ont été entendus et au moins deux perquisitions ont eu lieu à l’archevêché. Vendredi, la cour d’appel de Lyon doit se prononcer sur la prescription des faits reprochés au père Preynat. Si elle les déclarait prescrits, la défense de Mgr Barbarin estime qu’il ne serait plus possible de poursuivre le cardinal, mais les avis juridiques divergent. Un seul évêque français à ce jour a été condamné pour non-dénonciation, Mgr Pican en 2001, à trois mois de prison avec sursis.
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Anonyme
En Juin, 2016 (21:31 PM)Participer à la Discussion