Le président chinois Xi Jinping a été reconduit dimanche à la tête du Parti communiste, après avoir balayé toute contestation, devenant le dirigeant le plus puissant depuis Mao Tsé-toung, fondateur du régime.
L’homme fort de Pékin a été désigné pour un troisième mandat de cinq ans par un Comité central largement remanié du Parti communiste chinois (PCC). En une décennie à la tête du pays, Xi Jinping a réussi le pari de faire de la Chine la deuxième économie mondiale, dotée d’une des armées les plus puissantes au monde.
Malgré une concentration presque totale des pouvoirs, M. Xi devra faire face à une économie en fort ralentissement, notamment en raison de sa politique “zéro Covid”, une rivalité exacerbée avec les Etats-Unis et des critiques internationales sur les droits humains.
Poutine et Kim Jong Un adressent leurs félicitations
Le président russe Vladimir Poutine a adressé dimanche ses “félicitations les plus chaleureuses” à son homologue chinois Xi Jinping. “Je serai ravi de poursuivre notre dialogue constructif et notre travail commun étroit visant à renforcer les relations de partenariat global et de coopération stratégique entre nos Etats”, a souligné le président russe, cité dans un communiqué du Kremlin, en souhaitant au dirigeant chinois de “nouveaux succès (...), une santé robuste et la prospérité”.
Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a également envoyé dimanche ses “chaleureuses félicitations” au président chinois, souhaitant un “plus bel avenir” aux relations bilatérales, rapporte l’agence officielle KCNA. “Je construirai, avec vous, un plus bel avenir aux relations” entre la Corée du Nord et la Chine “pour satisfaire les exigences de notre époque”, a déclaré Kim dans ce communiqué publié par l’agence d’Etat de Pyongyang.
Alliés
Le 20e congrès du parti s’est refermé samedi après une semaine de délibérations à huis clos, avec le renouvellement de 65% des membres du Comité central, sorte de parlement interne au parti, selon des calculs de l’AFP. Au cours de leur première réunion dimanche matin, les 205 membres de ce parlement - dont 11 femmes seulement - ont désigné les 25 représentants du Bureau politique, l’instance de décision du PCC, ainsi que son Comité permanent. Cet organe tout-puissant détient la réalité du pouvoir en Chine.
Conformément à la coutume, les membres du Comité permanent sont annoncés par ordre d’importance, le numéro un étant le secrétaire général, Xi Jinping. Le dirigeant a placé plusieurs de ses alliés au sein du Comité permanent. Les quatre nouveaux membres du Comité sont des proches de Xi, renforçant sa position au sein du parti, où désormais la loyauté envers le secrétaire général prime avant tout, estiment plusieurs analystes.
Li Qiang, chef du parti à Shanghai, grimpe ainsi à la deuxième place dans le protocole, malgré sa gestion chaotique du long confinement de la ville au printemps. Il devrait donc, suivant la tradition, être nommé Premier ministre lors de l’assemblée annuelle en mars prochain, en remplacement de Li Keqiang, 67 ans, qui prendra sa retraite.
Ding Xuexiang, secrétaire particulier de Xi Jinping, Li Xi, chef du parti dans la province du Guangdong (sud) et Cai Qi, chef du parti à Pékin, rejoignent également le Comité permanent, selon les images de la télévision d’Etat depuis le Palais du peuple à Pékin. “Ce sont tous des hommes de Xi, cela montre qu’il veut gouverner au-delà d’un troisième mandat”, donc après 2027, souligne Alfred Wu Muluan, expert en politique chinoise à l’Université nationale de Singapour.
Ce remaniement au sommet du pouvoir survient à l’issue du congrès quinquennal du Parti communiste chinois, qui a renouvelé son Comité central, sorte de parlement du parti avec environ 200 membres. Ce dernier a tenu dimanche sa première réunion et a désigné son nouveau Comité permanent.
Lors d’une allocution devant la presse, le dirigeant a assuré dimanche que “la Chine ne peut pas se développer sans le monde, et le monde a aussi besoin de la Chine”, saluant les “deux miracles” réalisés dans le pays: “un développement économique rapide et une stabilité sociale sur le long terme”.
“Domination asymétrique”
Dans tous les cas, la composition du nouveau Comité permanent, qui fait généralement l’objet en coulisses d’âpres négociations pendant le congrès, confirmera la mainmise de Xi Jinping sur la formation politique, selon des analystes.
“Ce sera une victoire presque totale pour Xi Jinping” qui pourra placer une majorité de ses soutiens, pronostique Willy Lam, spécialiste du PCC à l’Université chinoise de Hong Kong. “Il y aura une domination anormalement asymétrique d’une seule faction: celle de Xi Jinping”, indique M. Lam à l’AFP.
Loin de son apparence homogène, le PCC est divisé en interne et plusieurs courants rivaux cohabitent, estiment des sinologues. Jusqu’à présent, des compromis existaient pour la répartition des postes dont Xi Jinping est un illustre exemple.
À défaut de s’entendre sur leur candidat respectif, les différentes factions du PCC avaient finalement placé au pouvoir un candidat de consensus en 2012. Mais Xi Jinping avait ensuite surpris tout le monde en éliminant ses rivaux pour concentrer peu à peu tous les pouvoirs à la tête du parti et de la Chine, tout en menant une répression sévère contre toute dissidence.
Aucune femme
Le Bureau politique, instance de décision du Parti communiste chinois (PCC), ne compte aucune femme pour la première fois en 25 ans, selon sa nouvelle composition dévoilée dimanche. Sun Chunlan, l’unique femme qui faisait partie de ce groupe de 25 personnes, a pris sa retraite et aucun des nouveaux membres n’est une femme.
Le nouveau Bureau politique compte cette fois 24 membres. Samedi, la nouvelle composition du Comité central, sorte de parlement du parti avec 205 membres, avait montré la présence de seulement 11 femmes. “Les femmes continuent d’être fortement sous-représentées au sommet de la politique chinoise”, note dimanche la lettre d’information spécialisée Neican China.
Elle note que le pourcentage de femmes au nouveau Comité central a même reculé, passant de 5,4% à 4,9%. “Pour mémoire, les femmes représentent 48,8% de la population chinoise et 29,4% des membres du Parti communiste”, souligne la publication.
“Le rêve chinois”
Quand Xi Jinping a pris le pouvoir en 2012 en Chine, les observateurs prédisaient qu’il serait le dirigeant le plus progressiste de l’histoire du Parti communiste (PCC), en raison de son profil discret et de son histoire familiale. Dix ans plus tard, les prédictions sont réduites en miettes. Devenu dimanche le gouvernant le plus puissant de Chine depuis Mao Zedong, Xi s’est au contraire montré d’une ambition impitoyable et intolérant à la dissidence, son désir de contrôle s’immisçant dans la quasi-totalité des rouages de la Chine moderne.
L’homme fort de Pékin ne se bat cependant pas “pour le pouvoir dans le seul intérêt du pouvoir”, selon Alfred L. Chan, auteur d’un livre sur la vie de Xi. “Il lutte pour le pouvoir (et en use) comme d’un instrument pour réaliser sa vision” de l’avenir, explique-t-il à l’AFP. “Il veut voir la Chine comme le pays le plus puissant du monde”, déclare à l’AFP un autre biographe, Adrian Geiges, qui ne pense pas que Xi soit motivé par un désir d’enrichissement, contrairement à ce qui a été dit de sa richesse familiale dans les médias internationaux.
Au cœur de cette vision - ce que Xi appelle le “rêve chinois” ou “grand rajeunissement de la nation chinoise” -, se trouve le Parti communiste. “Xi est un homme de foi... pour lui, Dieu est le parti communiste”, a écrit Kerry Brown, auteur de “Xi: A Study in Power”. “La plus grande erreur que le reste du monde commette à propos de Xi est de ne pas prendre cette foi au sérieux.”
“Traumatisé”
Son enfance ne laissait pas vraiment présager d’une telle ascension au PCC. Son père Xi Zhongxun, un héros révolutionnaire devenu vice-Premier ministre, a été pris pour cible par Mao pendant la Révolution culturelle. “Xi et sa famille ont été traumatisés”, selon M. Chan.
Jinping a perdu son statut du jour au lendemain, l’une de ses demi-sœurs se serait suicidée à cause de ces persécutions. Il a lui-même déclaré avoir été ostracisé par ses camarades de classe, une expérience qui, selon le politologue David Shambaugh, a contribué à lui donner “un sentiment de détachement émotionnel et psychologique et d’autonomie dès son plus jeune âge”.
À tout juste 15 ans, Xi est envoyé aux travaux forcés à la campagne, transportant des céréales et dormant dans une grotte, au point de se dire “choqué” par cette période. Il a aussi raconté au Washington Post en 1992 les séances au cours desquelles il devait dénoncer son père. “Même si vous ne comprenez pas, vous êtes forcés de comprendre”, confiait-il alors. “Cela vous fait mûrir plus tôt.” Depuis, “il a tendance à aller au casse-pipe”, selon M. Chan, “mais il a aussi une certaine appréciation de l’arbitraire du pouvoir”.
“Têtu et dictatorial”
Aujourd’hui, la grotte dans laquelle il a dormi est devenue une attraction touristique, pour montrer sa préoccupation pour les plus pauvres. Avant d’être acceptée, sa demande d’adhésion au PCC a été rejetée plusieurs fois, à cause de l’héritage paternel.
D’abord chef du parti dans un village en 1974, Xi a “commencé à un niveau très bas”, selon M. Geiges, gravissant les échelons jusqu’au poste de gouverneur de la province de Fujian en 1999, puis de chef du parti de Zhejiang en 2002 et enfin de Shanghai en 2007. Le père de Xi a été réhabilité à la fin des années 1970 après la mort de Mao, ce qui a renforcé sa position.
Après avoir divorcé de sa première femme, Xi a épousé la soprano superstar Peng Liyuan en 1987, à une époque où elle était beaucoup plus connue que lui. Cai Xia, une ancienne cadre du PCC qui vit en exil aux États-Unis, estime qu’”il souffre d’un complexe d’infériorité, sachant qu’il est peu éduqué par rapport aux autres hauts dirigeants du PCC”. En conséquence, il est “susceptible, têtu et dictatorial”, a-t-elle écrit dans Foreign Affairs.
“Héritier de la révolution”
Xi s’est toujours considéré “comme un héritier de la révolution”, selon M. Chan. En 2007, il a été nommé au comité permanent du Bureau politique (ou “Politburo”), la plus haute instance décisionnelle du parti.
Lorsqu’il a remplacé Hu Jintao cinq ans plus tard, son bilan ne laissait guère présager de ses actions: répression des mouvements sociaux, des médias indépendants, accusations d’exactions et de génocide dans le Xinjiang ou encore promotion d’une politique étrangère forte. L’importance du parti et de sa mission “qui consiste à refaire de la Chine un grand pays, est évidente”, écrit M. Brown.
Mais il est également manifeste qu’il craint que son emprise sur le pouvoir ne décline. “La chute de l’Union soviétique et du socialisme en Europe de l’Est a été un grand choc”, estime M. Geiges, ajoutant que Xi attribue cet effondrement à l’ouverture politique. “Il a donc décidé que cela ne devait pas arriver à la Chine... C’est pourquoi il veut une direction forte du parti communiste, avec un leader fort.”
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