Le fragile gouvernement conservateur de Theresa May, divisé sur le Brexit et dopé in extremis par les voix des unionistes nord-irlandais, va affronter jeudi un vote de confiance périlleux au parlement britannique. Les débats sur son programme ont repris en milieu de journée et le verdict des députés est prévu en fin d'après-midi, alors que l'autorité de la Première ministre est contestée y compris dans ses propres rangs. La cheffe du gouvernement a même écourté un déplacement à Berlin, où elle préparait le prochain G20 avec d'autres dirigeants, afin de rentrer dans les temps à Londres pour pouvoir participer au vote.
Mme May a résisté aux multiples appels à la démission depuis les résultats calamiteux des législatives du 8 juin. Elle avait convoqué le scrutin par anticipation, persuadée de l'emporter haut la main, pour finalement y perdre sa majorité absolue. Mais les médias continuent à spéculer sur le nombre de mois, voire de semaines, qui lui resteraient à Downing Street. L'avenir de Mme May peut être scellé dans la soirée si son gouvernement échoue à faire valider son programme législatif, concentré sur le Brexit. Le Parti conservateur ne dispose plus que de 317 sièges sur 650 à la Chambre des Communes.
En embuscade, Jeremy Corbyn, le chef des travaillistes, s'est d'ores et déjà dit "prêt", avec ses 262 députés, à former son propre gouvernement si Mme May n'obtient pas la confiance du parlement. May devrait éviter le pire L'accord controversé conclu lundi avec le parti nord-irlandais DUP devrait toutefois permettre à Mme May d'éviter le pire. Moyennant une rallonge de 1 milliard de livres, les dix députés unionistes ont promis de soutenir le gouvernement lors des votes importants, ce qui devrait suffire, pour l'instant. La mise en échec, par 323 voix contre 309, d'un amendement de l'opposition sur les mesures d'austérité a envoyé un signal encourageant mercredi soir.
A terme, Mme May n'est cependant pas à l'abri d'une rébellion dans ses rangs, surtout sur le Brexit, un dossier qui divise eurosceptiques et europhiles. Chantier pharaonique qui occupera les soirées des députés pendant un bon moment, le Brexit phagocyte la feuille de route gouvernementale. Les premières propositions de Mme May, sur l'avenir des citoyens européens, ont été accueillies très fraîchement par Bruxelles et laissent présager des négociations ardues dans les semaines qui viennent.
Gouvernement divisé Au-delà des désaccords avec le reste de l'UE, c'est toute la stratégie de Mme May pour un Brexit "dur", comprenant la sortie du marché unique, qui est remise en cause depuis la claque des législatives. Les appels se multiplient pour privilégier les emplois et la croissance. Le gouvernement est, lui, clairement divisé entre le ministre des Finances Philip Hammond, d'un côté, et les champions d'une sortie de l'UE de l'autre, à commencer par les ministres des Affaires étrangères, Boris Johnson, et du Brexit, David Davis.
Avec pour résultat une grande cacophonie, comme lorsque M. Hammond insiste sur le besoin impérieux d'une période transitoire post-Brexit alors que M. Davis ne la juge pas nécessaire. Une porte-parole de Mme May a assuré que "tout le monde est sur la même longueur d'onde". "Quoiqu'en disent Mme May et M. Davis en public, la position britannique sur le Brexit fluctue sans arrêt", estime cependant Charles Grant, directeur du cercle de réflexion Centre for European Reform. Selon l'analyste, Theresa May serait bien inspirée d'écouter son ministre des Finances, mais aussi les conservateurs écossais qui privilégient un Brexit "doux".
"Le plus simple pour elle serait de continuer vers le Brexit que sa droite dure lui réclame, dit-il. Mais ce serait intenable à long terme. Si elle ne se réinvente pas comme une adepte d'un Brexit doux, elle est probablement condamnée". Interrogée sur la BBC, Nicky Morgan, une ancienne ministre de David Cameron renvoyée par Theresa May, a estimé qu'une fois l'accord élaboré, le Parti conservateur "ne devra pas manquer l'opportunité de réfléchir à ses futurs dirigeants".
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