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Visa pour l'image: veuves, la double peine

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Visa pour l'image: veuves, la double peine

Dans certaines régions du monde, une femme cesse d'exister socialement lorsqu'elle perd son mari. C'est la problématique à laquelle s'est intéressée la photographe américaine Amy Toensing pour le National Geographic. Son reportage est exposé au festival Visa pour l'image à Perpignan, jusqu'au 17 septembre.

Inde, Ouganda, Bosnie. A priori, ces trois pays éloignés de plusieurs milliers de kilomètres, n’ont pas grand-chose en commun. Si ce n’est que la photographe Amy Toensing s’est penchée sur le sort fait aux veuves.

« J’ai réalisé que comprendre le statut d’une veuve dans un pays, c'est réfléchir sur le statut de la femme globalement. C’est pour cela que je m’y suis intéressée », explique la photographe dont le travail, publié par le National Geographic, est exposé à Visa pour l’image. La dernière fois c’était en 2012 pour un reportage sur la culture aborigène.

« En Inde, quand vous n'êtes pas mariée, vous n'êtes rien »

Vulnérables, stigmatisées, rejetées, marginalisées… Dans certaines régions du monde, pour une femme, perdre son époux, c’est voir signer son arrêt de mort. Sociale au moins. Dans les cas les plus extrêmes, en Inde, on a vu des femmes se jeter elles-mêmes sur le bûcher funéraire de leur mari.

Plus couramment, dans certaines communautés de ce pays où vivraient près de 40 millions de veuves, les femmes doivent porter le deuil le reste de leur existence. Une peine à perpétuité et une vie de paria. Sans ressources, elles se retrouvent exposées à tous les abus. Des histoires dont on fait peu de cas dans le pays. « En Inde, quand vous n’êtes pas mariée, vous n’êtes rien », insiste la photojournaliste.

Des milliers d’entre elles se réfugient alors dans des villes saintes comme Vrindavan et Varanasi pour finir leur vie dans un ashram. Là-bas, elles mènent une vie misérable, mendiant pour survivre.

En 2005, la jeune photographe s’y était rendue pour étudier cette problématique. Mais ce n’est qu’en 2013 qu’elle a obtenu une bourse du Pulitzer Center on Crisis Reporting qui lui a permis d’aller passer un mois là-bas avec un rédacteur.

D’autres pays suivront. Sur une photo prise en Ouganda, Solome, 54 ans vient de perdre son mari, la semaine précédente. « Son histoire m’a beaucoup touchée, raconte la photographe. Cette relation avec cet homme qu’elle avait épousé à 17 ans... Donc elle avait bien sûr le cœur complètement brisé, et en même temps elle devait gérer le fait que sa belle-famille essayait de la chasser de sa maison. Elle avait très peur parce qu’ils étaient vraiment durs avec elle, très menaçants. Mais j’ai été très impressionnée par sa force. »

Terres, maison et parfois même enfants… Dans la tradition ougandaise, les femmes n’ont aucun droit en matière d’héritage. Quand un mari décède, sa famille peut venir prendre tous les biens de la veuve. Parfois, elle-même fait aussi partie de l’héritage ; elle peut être donnée comme épouse à un parent du défunt.

Une problématique pas évidente à rendre en image. « Salome a très bien compris l’intérêt qu’elle avait à ce que son histoire sorte. Elle a bien compris aussi qu’elle pouvait inspirer d’autres femmes à se battre pour leurs droits », rapporte Amy Toensing. La photoreporter, qui a travaillé en Ouganda avec l’ONG International Justice Mission, précise son ambition : « Je voulais seulement observer ces femmes dans leurs vies de tous les jours et essayer de comprendre qui elles étaient, leur histoire. »

« Ça change... lentement »

Dans ces pays, des lois existent pourtant qui régissent l’héritage. « Mais elles ne sont pas appliquées, et il faut bien comprendre que ces filles sont souvent sans instruction », souligne la photojournaliste américaine. Dans ces conditions, difficile de faire valoir ses droits.

Sur l’un des clichés d’Amy Toensing, un homme est noyé sous des montagnes de dossiers en souffrance dans un tribunal ougandais.

« Ça change, hésite-t-elle. Lentement, mais les choses changent. En Inde, par exemple, certaines jeunes femmes refusent de porter les marques de leur veuvage : se raser la tête, s’habiller en blanc. Donc si elles se promènent dans la rue, on ne peut pas savoir qu’elles sont veuves. Mais économiquement, le problème reste le même. »

La Bosnie occupe une place à part dans ce reportage. « C’est triste évidemment, mais c’est très différent. » Le massacre de Srebrenica en 1995 a fait des milliers de veuves. Des villages entiers ont vu leur population masculine décimée. Plus de 20 ans après, les veuves, devenues les piliers de la communauté, se battent toujours pour que les droits des victimes de ce génocide soient reconnus. « Une respiration », précise la jeune femme, car contrairement aux deux autres pays, ici les veuves ne sont pas rejetées. Elles sont très soutenues.

Le projet sur les veuves continuera sans doute dans d’autres coins du globe. En attendant, Amy Toensing, qui enseigne à l’université du Michigan, étudie les mouvements féministes en Afrique et en Inde. Elle sourit : « Je ne sais pas encore quel projet il en sortira »



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