A 46 ans et demi, ce Noir originaire du Kenya né musulman, converti au christianisme évangélique, et défenseur décomplexé des homosexuels et des lesbiennes, vit une histoire extraordinaire. Cela se passe aux Etats-Unis et nulle part ailleurs.
Il a un prénom musulman, donc «bizarre», alors il est forcément soumis à la loi des suspicions. L’Amérique, depuis les explosions du World Trade Center en septembre 2001, s’est construite une psychologie de méfiance, de médisance et de mensonge dont les tentacules dépassent l’extrême limite des frontières de la folie. On y «aime bien» le fait que Obama s’appelle en réalité, «Barack Hussein Obama». Petit-fils d’une vieille dame «elle-même musulmane». Fils d’un notable de confession «musulmane», allié puis adversaire de Jomo Kenyatta, premier président du Kenya indépendant, qui a sombré dans l’alcool avant sa déchéance finale. Dans ce processus de lapidation entretenu à travers des médias (trop) proches de la droite conservatrice, ses détracteurs en «oublient» même que sa femme, Michelle Robinson, qu’il épouse en 1992, elle, est «chrétienne», démocrate, avocate de renom, diplômée de Harvard. Que sa mère, Ann Dunham, est une anthropologue issue du mythique Wasp (White anglo-saxon people) si chère à l’Amérique des profondeurs. Daniel Pipes, intellectuel homophobe notoire et une des plumes des néocons y est allé de son «doute», en faisant semblant de s’interroger : «Barack Obama a-t-il été musulman ?» Mais le pic, c’est lorsque la chaîne de télévision Fox News du magnat américano-australien Rupert Murdoch, lieu d’épanchement de l’ultra conservatisme républicain et religieux aux Etats-Unis, «révéla» à ses téléspectateurs en janvier 2007 que BHO a «suivi» des cours d’«islamisme radical» dans une école coranique dans le plus grand des pays musulmans de la planète, l’Indonésie, où sa mère s’était installée après un second mariage ! Une simple enquête de terrain à Jakarta permit à la rivale CNN d’infirmer «l’information» grâce au témoignage de l’actuel directeur de la même école. Dans l’Iowa, étape d’ouverture des primaires, Becky Michael, une dame de 58 ans alarmée par les tromperies médiatiques sur la religion du candidat à l’investiture démocrate, se rendit à l’évidence quand Obama lui-même, lui récita ce qu’était «être chrétien». «C’est très important qu’il ne soit pas musulman», conclut-elle devant l’assistance. Elle a raison.
Barack Hussein OBAMA, «éruption d’éloquence, de sensibilité et d’espoir», n’a de musulman que ses deux prénoms. En termes convenus, cet homme de 47 ans bientôt, est un produit naturel du «rêve américain». Ce «dream» qui rend toutes choses possibles en tenant compte des barrières infranchissables. A partir de ses origines et de son cursus, Obama a réussi à construire en peu de temps, une ascension politique impressionnante de sérénité et de certitude qui fait vaciller aujourd’hui les fondations du clan Clinton, assis sur l’expérience de huit années de Maison Blanche. Ce «Michael Jordan de la politique», black décomplexé, sûr de lui-même, de son charme et de ses ambitions, refuse les schémas réducteurs de la distorsion sociale américaine. «J’ai appris à passer de mon monde noir à mon monde blanc. Conscient que chacun d’eux possédait son langage, ses coutumes et ses signes, convaincu qu’il suffisait d’un effort de traduction de ma part pour qu’ils se rejoignent», dit-il, hors toute illusion, dans son autobiographie, «Les rêves de mon père», écrite en 1995. Gratitude envers ses grands-parents : «C’est un effet de la simple décence de leur culture du Midwest.»
«IL EST IMPORTANT QU’IL NE SOIT PAS MUSULMAN»
Son histoire, Obama la résume en toute simplicité : «Un rêve commun né sur deux continents», entre un Africain parlant swahili et une Américaine blanche du Kansas. Il y fait allusion d’ailleurs dans le désormais célèbre «discours de Boston». «Je me présente à vous, plein de gratitude pour mon héritage, conscient que mon histoire appartient à la plus ample histoire américaine, et qu’elle n’aurait été possible dans nul autre pays.» Imaginons Samir Abourizk devenir président de la République du Sénégal au second tour d’une élection présidentielle, ou Rama Yade prenant possession du Palais de l’Elysée !
Comme Martin Luther King ou Al Sharpton, figures emblématiques de la galaxie black de défense des droits civiques, Barack Obama est de ceux qui refusent de lier son destin à la couleur de sa peau. Il se veut un soldat de l’humanisme universel. Point. Ironie de l’histoire, par sa mère Ann, d’ascendance cherokee, il est entré tout autant dans la descendance de Jefferson Davis, président des Etats confédérés lors de la Guerre de sécession. Cette valeur-là, il la tient en partie de son père, un «surdoué» d’économétrie repéré par des missionnaires anglicans établis sur les bords du Lac Victoria au Kenya et envoyé à l’université de Hawaï. C’est ici que Barack Obama Sr. fit la connaissance de Ann, la mère de BHO, qu’il épousera en 1960. Père noir, mère blanche, le choc des cultures et la crise identitaire n’épargnent pas le tout jeune «prince» d’ethnie luo, féru de basket-ball, un moment tenté, mais tenté seulement, de revenir au pays natal pour reprendre son sceptre. A deux ans, il assiste à la séparation de ses parents. Sa mère ne perd pas de temps. Elle s’envole en 1968 pour Jakarta où elle s’amourache d’un étudiant indonésien. Un exil feu de paille. Deux fois deux ans passés dans une école publique de quartier, puis dans un établissement catholique, permettent de constater son inadaptation à ce contexte nouveau où l’obstacle de la langue lui est intolérable. Avant de divorcer de ce second mariage et de revenir au pays, Ann le rapatrie à Honolulu où il réintègre le système éducatif américain. C’est la période où BHO apprend à découvrir la vraie réalité sociale dans son pays. Celle par laquelle les Etats-Unis d’Amérique ont construit l’une des parties sombres de leur belle histoire. Le racisme, les ghettos, la séparation par la couleur de la peau dans les lieux publics et privés… Mais il croit déjà à la rédemption. Même si, une fois à Hawaï, une femme, évidemment blanche, hurla de terreur en le rencontrant dans un ascenseur… A posteriori, une banale petite histoire comme il en existe des milliers aux Usa, indissociable d’un grand destin.
C’est à Chicago, épicentre de la ségrégation, qu’Obama («la lance enflammée en swahili») s’enracine et fait ses classes d’homme politique du futur. Auparavant, après que sa mère, une agnostique increvable, l’a découragé de la religion, il choisit une voie qui lui donne l’opportunité de la synthèse de ses convictions. Si Hillary Clinton reste une chrétienne méthodiste repliée sur sa foi, Obama se retrouve mieux dans l’univers de la congrégation progressiste où il peut concilier foi et engagement politique. «Les jeunes chrétiens sont fatigués de l’association entre républicains et chrétiens conservateurs, et surtout de leur obsession de l’avortement et de l’homosexualité», souligne Carlos Stouffer, un bouquiniste fondateur du groupe dénommé «Les évangéliques pour Obama», cité dans rue89.com. Un choix stratégique, «pas opportuniste», qui lui permet de retrouver les conservateurs sur le terrain de la morale et de la religion déserté par les Démocrates. La politique est souvent un «tout». Diplômé de science politique à Columbia, puis de droit à Harvard, il préfère s’investir comme modérateur social dans des quartiers noirs difficiles de Chicago, là où chômage, délinquance, crime de sang sont la règle. Les pasteurs du coin voient en lui un «concurrent déloyal» sur leurs terres de prédilection, il n’en a cure. Il s’investit dans tout ou presque : logement, transports urbains, recherche d’emplois pour les jeunes blacks désoeuvrés qu’il veut réintroduire au cœur des affaires de la cité. Occasion formidable de développer un réseau dense de relations dont partie lui est encore utile aujourd’hui, dans la course à l’investiture démocrate. A Chicago, «Barack a trouvé (…) sa vraie patrie. Une famille, une identité noire et un tremplin rêvé pour ses ambitions», selon «son mentor» Jerry Kellman, celui-là même qui l’avait recruté pour en faire un médiateur social.
L’HOMMAGE DE BILL CLINTON
Catalogué libéral (au sens américain, c’est-à-dire «progressiste») et gauchiste, défenseur décomplexé des homosexuels et des lesbiennes, partisan déclaré de l’avortement, Barack Obama n’est plus un candidat sans illusions depuis que les résultats des primaires du Parti démocrate le mettent au coude à coude avec Hillary Clinton. Il n’est plus ce petit trouble-fête juste bon à affaiblir son camp au profit des Républicains, confrontés à la gestion du désastreux héritage de Georges Walker Bush. De celui-ci, il dénonce les «errements» et «l’extrémisme diviseur» qui valent aux Etats-Unis d’aujourd’hui, un niveau de réputation sulfureuse inégalé. Dans un pays transformé en un immense monolithisme idéologique après les attentats du 11 septembre, Barack Obama peut se targuer d’avoir été l’un des rares hommes politiques américains à s’être opposé à l’invasion de l’Irak. Il en tire les bénéfices politiques aujourd’hui face à son adversaire démocrate.
Le jeune homme originaire du Kenya veut donc changer son pays. «Je voulais le changement. Un changement à la Maison Blanche, où (Ronald) Reagan faisait son sale boulot ; changement au Congrès, docile et corrompu. Changement dans l’humeur du pays, folle et introvertie. Mais aucun changement ne vient d’en haut. Il ne peut provenir que d’une base mobilisée. J’allais donc mobiliser les Noirs !» Les Noirs, seuls, ne gagneront pas pour lui le 4 novembre 2008, c’est clair. L’establishment militaro-industriel, les lobbies sionistes qui constituent la garde avancée de l’Etat d’Israël aux Etats-Unis, divers autres mouvements influents sans oublier l’Amérique des profondeurs pourraient être indispensables à sa grande aventure. Steven Spielberg l’a «trahi» en allant rejoindre la mouvance clintonienne, il peut compter sur quelques célébrités étasuniennes d’Hollywood dont Oprah Winfrey, Georges Clooney, Matt Damon, Eddie Murphy, Sidney Poitier et sur le scientologue, Will Smith. Des Noirs et des Blancs.
Même s’il n’est retourné au Kenya qu’une fois pour voir sa tribu de sept demi-frères et sœurs, même s’il regrette de n’avoir pas «pleuré» à la mort d’un père qui les avait quittés «pour satisfaire sa seule ambition», BHO s’attache à être quelqu’un. Unique sénateur africain-américain au Sénat de la puissante Amérique, il est déjà quelqu’un. Hommage d’un ex-jeune premier qui reviendrait à la Maison Blanche par la fenêtre : «Arrêtons les balivernes ! (Obama) c’est le plus beau conte de fées que j’ai jamais entendu.» Signé Bill Clinton. Témoignage empoisonné ?
Sources : L’Express et al.
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