Un chef d'entreprise de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), soupçonné d'avoir commandité pour une raison inconnue l'agression en décembre d'une adjointe au maire qui a choqué l'opinion publique, est jugé mardi au tribunal correctionnel de Bobigny.
Serial entrepreneur de la ville qui a fait l'objet de plusieurs portraits dans la presse pour son engagement social, Mouloud B., 57 ans, est soupçonné d'avoir payé plusieurs milliers d'euros des jeunes pour frapper l'élue Oriane Filhol, une attaque sans revendication publique ni motif apparent.
Arrêté début mars par les policiers de la Sûreté territoriale, le mis en cause a reconnu en garde à vue sa présence sur les lieux mais s'est dit "complètement étranger aux faits", avait à l'époque indiqué à l'AFP le parquet de Bobigny.
Traduit en comparution immédiate, l'audience avait été renvoyée au 4 juin.
Le 20 décembre 2023 au soir, la trentenaire, sixième adjointe au maire en charge des solidarités, est suivie dans la rue à Saint-Denis par deux hommes alors qu'elle sort du conseil d'administration du bailleur social de la ville et rentre à son domicile. Rattrapée par les individus, elle est passée à tabac.
Dans un contexte de recrudescence nationale des violences contre les élus, l'agression provoque un tollé.
En janvier, trois jeunes hommes de Saint-Denis, âgés de 18 à 22 ans, sont arrêtés par les enquêteurs.
A leur procès, ils expliquent s'être vu promettre 2.500 euros chacun par un mystérieux commanditaire dont ils taisent le nom - un "daron", un "blédard" - pour frapper une personne qu'ils ne connaissaient pas.
Les images de vidéosurveillance de la ville montrent un homme, non identifié à l'époque mais aujourd'hui suspecté d'être Mouloud B., désigner du doigt aux exécutants Oriane Filhol quand elle sort de sa réunion.
"Il fallait juste taper et rien dire, pas de vol, rien. Moi pour 2.500 euros je frappe, même si c'est une femme", raconte aux enquêteurs celui qui a frappé la victime.
- "Vraiment trop gros" -
La justice a condamné les agresseurs à des peines allant de huit mois de prison avec sursis probatoire à dix-huit mois de prison dont six avec sursis probatoire. Le tribunal a estimé que deux d'entre eux ne connaissaient pas la qualité d'élue de la victime.
En découvrant les images de son agression, Oriane Filhol croit reconnaître dans le donneur d'ordres Mouloud B.. Cependant, elle écarte aussitôt cette hypothèse car "cela semblait vraiment trop gros".
"C'est le genre de mec qui est un peu copain avec tout le monde, cela me semblait complètement aberrant que ce soit lui", racontait-elle en mars à l'AFP. "Je l'avais croisé quelques jours après mon agression, il s'était inquiété de mon état de santé, etc..."
Mais début mars, le chef d'entreprise vient s'asseoir à côté de l'adjointe à un gala de boxe pour prendre de ses nouvelles. De but en blanc, son interlocuteur tente de justifier son absence le soir des faits à la réunion dont Oriane Filhol sortait lorsqu'elle a été attaquée.
"Au moment où il s'est assis à côté de moi, j'ai développé l'intime conviction que c'était lui", a relaté Mme Filhol, s'apercevant qu'il portait les mêmes chaussures noires à semelle blanche que l'inconnu de la vidéosurveillance.
Sur ses indications, l'enquête est alors relancée et, après des recoupements, Mouloud B. interpellé.
Le mobile du passage à tabac reste encore nébuleux, la mairie et la victime disant ne pas avoir de litige avec l'entrepreneur. "Tout cela nous apparaît complètement flou et incompréhensible", déclarait en mars le maire PS Mathieu Hanotin.
Selon le ministère de l'Intérieur, les agressions envers les élus devraient augmenter de 15% en 2023, après une hausse de 32% en 2022 (2.265 plaintes et signalements).
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