La situation des journalistes a empiré après les séismes en Turquie du fait de l'état d'urgence, selon l'International Press Institute (IPI), organisation de défense de la liberté de la presse qui redoute davantage de pressions à l'approche des élections mi-mai. «La liberté d'expression s'est dégradée au fil des années en Turquie et l'état d'urgence a ajouté des complications supplémentaires pour les journalistes», a affirmé mercredi 15 mars au soir à l'AFP le directeur de l'IPI, Frane Maroevic, en visite à Ankara.
Deux jours après le séisme qui a fait plus de 48.000 morts le 6 février dans le sud et le sud-est de la Turquie, l'État d'urgence a été déclaré dans les onze provinces sinistrées, imposant davantage de restrictions à la presse. Une accréditation auprès de la présidence turque a été rendue obligatoire pour travailler dans les régions sinistrées. Surtout, les articles critiquant la gestion du désastre par le gouvernement, jugée tardive, ont coûté des interpellations à des journalistes et Twitter a même été brièvement suspendu dans les jours qui ont suivi.
«Faire entendre la voix des rescapés»
«Il est clair que les autorités empêchent les journalistes de travailler de manière indépendante sur le terrain», estime Frane Maroevic qui s'est rendu mardi à Antakya (Sud), dévastée par le séisme. Sur place, Frane Maroevic a rencontré des journalistes turcs qui persistent à travailler malgré la situation humanitaire «catastrophique» et les restrictions imposées par les autorités. «Ils continuent car ils sont convaincus qu'il est important de faire entendre la voix des rescapés», affirme le responsable de l'organisation basée à Vienne.
Pour lui, les journalistes risquent de subir «davantage de pressions» à l'approche des élections présidentielle et législatives prévues le 14 mai. La Turquie a adopté mi-octobre une loi décriée sur la désinformation qui punit jusqu'à trois ans de prison toute personne accusée de répandre des «informations fausses ou trompeuses». «La diabolisation des journalistes (...) les met en danger. Cela provoque une atmosphère où des individus jugent légitime de les attaquer», redoute Frane Maroevic. «Sans liberté d'expression, il est presque impossible d'avoir des élections libres», prévient-il.
Le responsable a souhaité rencontrer les autorités turques au cours de sa visite mais il affirme que sa demande de rendez-vous est restée sans réponse cette année, alors que l'IPI avait pu dialoguer avec Ankara par le passé, rappelle-t-il. Initialement prévue, sa rencontre avec le candidat de l'alliance de l'opposition à la présidentielle, Kemal Kilicdaroglu, a été annulée à cause des inondations qui ont fait près d'une vingtaine de morts et disparus mercredi en Turquie. Il a néanmoins salué «de nombreux engagements en faveur de la liberté de la presse dans le programme de l'opposition». «Mais il faudra surveiller leur application si elle arrive au pouvoir», a-t-il relevé.
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