Les juges ont ordonné un procès pour "harcèlement moral" contre France Telecom et son ex-PDG, Didier Lombard, dans l'affaire de la vague de suicides de salariés à la fin des années 2000, ont révélé des sources judiciaires vendredi.
À LA UNELa vague de suicides à France Telecom au début des années 2000 était devenue symbole de la souffrance au travail : neuf ans après les premières plaintes, les juges d'instruction ont ordonné, vendredi 15 juin, un procès pour harcèlement moral de France Telecom et de son ancien patron Didier Lombard mis en cause pour une vaste politique visant à "déstabiliser les salariés".
Au côté de la personne morale France Telecom, devenue Orange, et de son ancien patron Didier Lombard, les juges d'instruction ont renvoyé six autres dirigeants et cadres devant le tribunal correctionnel de Paris, conformément aux réquisitions du parquet de Paris, selon leur ordonnance du 12 juin consultée par l'AFP.
Mobilités "forcées", missions "dévalorisantes", "isolement"...
Louis-Pierre Wenes, ex-numéro 2, et Olivier Barberot, ex-responsable des ressources humaines, sont renvoyés pour "harcèlement moral" tandis que quatre cadres le sont pour "complicité" de ce délit. Les juges ont retenu à l'encontre de ces derniers leur participation comme "complices" à la politique du groupe, même en "l'absence de lien hiérarchique avec certains" des salariés, un point contesté par deux d'entre eux lors de l'instruction.
"Incitations répétées au départ", mobilités "forcées", missions "dévalorisantes", "isolement" : dans leur ordonnance de plus de 650 pages, les juges ont retenu une longue liste de pratiques "répétées" qui ont forgé selon eux, "une politique d'entreprise visant à déstabiliser les salariés" et "à créer un climat professionnel anxiogène".
Frappée par une épidémie de suicides en 2008 et 2009, France Telecom a été la première entreprise du CAC 40 mise en examen pour harcèlement moral, un délit puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Pour la première fois, la justice aura à trancher une affaire de harcèlement moral d'une telle ampleur au sein d'une entreprise de cette taille, neuf ans après les premières plaintes.
Trente-cinq suicides en 2008 et 2009
Sollicité par l'AFP, Me Jean Veil, l'avocat de Didier Lombard, n'a pas souhaité faire de commentaires.Dans un communiqué, le syndicat CFE-CGC, partie civile, "se félicite de cette décision" mais "regrette cependant que le chef d'homicide involontaire n'ait pas été retenu" par les juges.
L'enquête confiée à des juges en avril 2010 a examiné les cas de 39 salariés : dix-neuf se sont suicidés, douze ont tenté de le faire, et huit ont subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail. Selon les syndicats et la direction, 35 salariés s'étaient donné la mort en 2008 et 2009.
Alors engagé dans le délicat virage de la privatisation et des nouvelles technologies, le groupe, ancien fleuron du service public, voulait supprimer 22 000 postes entre 2006 et 2008 et procéder à 10 000 changements de métier, dans le cadre de son plan de réorganisation "NEXT", dont le volet concernant le personnel, intitulé ACT, était considéré comme un "plan social déguisé" selon les juges.
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