Entre tentation de dolce vita et rêve de come-back, Nicolas Sarkozy,
qui tient ce jeudi une conférence à New-York, est confronté au délicat
problème de la reconversion des chefs d'Etat battus, contraints de se
réinventer une vie après avoir connu l'ivresse du pouvoir.
"La sortie du pouvoir est une étape difficile à gérer pour tous chefs
d'Etat", souligne le professeur Pascal de Sutter, expert en psychologie
politique, coauteur de "Dans la tête des candidats".
"Quand
toute votre énergie a été consacrée à atteindre le pouvoir suprême,
lorsque vous avez vécu sous pression, entouré de courtisans qui vous
flattent et satisfont vos caprices, il est bien difficile d'accepter de
redevenir un citoyen presque ordinaire", dit-il. "Mais il y a une assez
grande différence entre les chefs d'Etat anglo-saxons et latins",
constate pour sa part Jean-Pierre Friedman, docteur en psychologie
auteur du livre "Du pouvoir et des hommes".
"Chez les premiers,
tout est business et à partir du moment où ils continuent à avoir des
conférences bien rémunérées, qu'on continue à parler d'eux, à les
consulter, ils n'ont pas l'impression d'être déchus", fait-il valoir,
"les latins en revanche vivent souvent la perte du pouvoir comme un
déshonneur, c'est une vision très monarchique des choses". Alors
immanquablement, se pose en France la question lancinante du retour aux
affaires.
Après une longue traversée du désert de douze ans, le
général de Gaulle avait réussi en 1958 un retour gagnant à l'occasion de
la guerre d'Algérie, avant de quitter le pouvoir onze ans plus tard
après l'échec d'un référendum. Il est mort un an plus tard, en 1970, au
même âge que François Mitterrand (79 ans). "Mitterrand n'avait peur de
rien sauf de la mort et avait le sentiment que seul le pouvoir pouvait
le maintenir en vie", explique Jean-Pierre Friedman. La maladie a elle
aussi rattrapé Jacques Chirac, très affaibli après 12 ans de pouvoir
(1995-2007), comme elle avait cueilli Georges Pompidou, mort en 1974
après cinq ans à l'Elysée.
Valéry Giscard d'Estaing, battu en
1981 par François Mitterrand alors qu'il n'avait que 55 ans, a lui rêvé
de prendre sa revanche sur une défaite qu'il considérait injuste en
repartant à la base: conseiller départemental, député, député européen,
chef de parti... mais sans jamais y parvenir. Edgar Faure, un hommme
politique décédé en 1988 et resté célèbre pour son humour, "racontait
que l'ex-président criait maison, maison comme E.T, à chaque fois que sa
voiture passait devant l'Elysée", se souvient Jean-Pierre Friedman.
Valéry Giscard d'Estaing a aussi subi une dépression après son départ
de l'Elysée, plutôt raté, où après avoir dit "au revoir" aux Français à
la télévision, il a laissé la caméra filmer une chaise vide. De ce point
de vue, Nicolas Sarkozy n'a pas insulté l'avenir au soir de sa défaite,
restant ambigü sur son retrait de la vie politique.
Alors, à 57
ans, Nicolas Sarkozy va-t-il couler des jours heureux, jouissant de sa
retraite d'ancien président et de ses indemnités de membre du Conseil
constitutionnel, avec des conférences internationales pour améliorer
l'ordinaire, ou va-t-il replonger dans le chaudron national? "Il peut
parier sur les difficultés de l'exécutif pour apparaître un jour comme
un recours", note Frédéric Dabi de l'institut Ifop alors qu'un sondage
Harris Interactive vient de le placer devant François Hollande en termes
de popularité.
Mais, prévient le politologue, le temps ne
jouera pas forcément en sa faveur avec un statut "de conférencier hors
sol, loin des réalités nationales" et "l'émergence d'un nouveau leader
de l'opposition" qui sera connu en novembre, soit l'ex-Premier ministre
François Fillon, soit le secrétaire général actuel du parti UMP,
Jean-François Copé. "On n'atterrit pas facilement quand on s'est éloigné
en politique", dit-il.
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