Inconnue hors d’Alaska, Sarah Palin, serait propulsée numéro deux des Etats-Unis par les républicains. Un bon calcul ? Il y a deux ans seulement, Sarah Palin, était maire d’un village de 7 000 habitants (une activité qui n’incluait même pas le ramassage des poubelles). A 44 ans, elle n’a jamais mis les pieds à Washington. Elle n’a un passeport que depuis un an. Et c’est elle, ancienne miss Alaska aujourd’hui gouverneur d’Alaska, que John McCain a choisie pour être sa candidate vice-présidente, pour devenir présidente des Etats-Unis s’il arrivait quelque chose à cet homme de 72 ans. Quel calcul John McCain a-t-il en tête pour faire d’elle sa numéro deux ? Récupérer le vote féminin et les électeurs d’Hillary Clinton qui n’aiment pas Obama.
Les femmes sont plus enclines que les hommes à voter démocrate. Ce fut particulièrement le cas en 2004, après une campagne Bush-Cheney dopée à la testostérone de discours sécuritaires. Là, McCain féminise son ticket avec la présence d’une mère de cinq enfants (dont un bébé), qui a commencé sa vie politique dans les associations de parents d’élèves. Pour sa première présentation, Sarah Palin a fait référence aux dix-huit millions d’électeurs d’Hillary aux primaires. Elle s’est déjà adressée aux électrices d’Hillary Clinton en leur signifiant qu’en votant pour elle (et McCain), elles iraient au bout de leur vote des primaires et verraient une femme à la Maison-Blanche.
Galvaniser le vote évangélisteLa droite évangéliste, que le choix de McCain chez les républicains n’enthousiasmait pas, est aux anges. Sarah Palin est protestante pratiquante. Elle est opposée à l’avortement (elle n’a pas avorté quand elle a su qu’elle était enceinte d’un enfant trisomique) et défend l’enseignement du créationisme.
Réaffirmer son image d’indépendantAlors qu’Obama cherche à l’associer à Bush, McCain essaie de revernir sa vieille image de franc-tireur qui lui a valu sa popularité auprès des électeurs indépendants. Le choix de Sarah Palin, inconnue du grand public (mais avec un taux de popularité de 79% en Alaska) nourrit cette image. C’est une femme au parcours atypique (ancienne Miss Alaska, puis journaliste, marathonienne, mère de famille, maire, gouverneure…). Dans ses fonctions, elle a défendu des solutions originales, comme de vendre sur eBay le jet du gouverneur qui lui avait précédé.
Polir son image de politicien propreMcCain se dit opposé à la culture de Washington. Sarah Palin n’y a jamais mis les pieds. Gouverneur d’Alaska, elle a déjà pris des décisions qui déplaisaient aux compagnies pétrolières. En campagne avec McCain, elle fait souvent référence à son refus de recevoir des subventions du congrès pour construire un pont vers un village de 5000 habitants, estimant que c’était un pont vers nulle part.
Séduire l’OuestL’Ouest des Etats-Unis compte cette année de nombreux « swing states », ces états clés dont les grands électeurs peuvent basculer dans un camp ou l’autre : le Nevada, le Nouveau-Mexique, le Colorado, l’Oregon, l’Etat de Washington, le Montana (qu’Obama voudrait ébranler grâce à son populaire gouverneur démocrate). Sarah Palin, qui chasse le caribou, pêche, est membre de la NRA (l’association de défense du droit aux armes à feu), mariée avec un champion de course de traineaux est une parfaite figure de l’Ouest (une culture que l’Alaska incarne parfaitement).
Prendre la campagne d’Obama par surprise.L’équipe d’Obama s’était préparée à dénigrer des choix plus attendus de vice-président républicain (comme l’ex-gouverneur milliardaire Mitt Romney ou le gouverneur du Minnesota Tim Pawlenty), le choix de Palin, personnage à la biographie pittoresque, l’a prise de cours.
Les fruits peu mûrs que McCain pourrait récolter de cette stratégieConvaincre les électrices d’Hillary Clinton de voter pour Obama. John McCain croît-il vraiment que les féministes qui soutenaient Hillary Clinton vont se rabattre sur une autre femme, si celle-ci est une farouche adversaire du droit à l’avortement et créationiste ?
Attirer l’attention sur son âge avancéChaque mention des 44 ans et de la jeunesse de Sarah Palin est une occasion de rappeler les 72 ans de McCain
Affaiblir ses attaques contre Barack ObamaMcCain a passé les derniers mois à expliquer que Barack Obama n’avait pas suffisamment d’expérience pour être président et qu’il était simplement un objet de curiosité médiatique à cause de son parcours atypique. L’argument s’émousse avec le choix d’une vice-présidente qui en a encore moins que lui. Les chaînes se sont déjà amusées à repasser les images d’une interview de Palin sur C-NBC il y a quelques mois : à une question sur la vice-présidence, elle répond qu’il faudrait déjà qu’on lui explique ce qu’un vice-président fait de ses journées.
La légèreté du CV politique de Palin est d’autant plus inquiétante pour McCain qu’il a 72 ans et un cancer de la peau : la question de sa succession au pied levé se pose plus sérieusement que pour Obama. Comme l’a dit le porte-parole de la campagne d’Obama :
« Aujourd’hui, John McCain a placé l’ancienne maire d’une ville de 9 000 habitants avec zéro expérience de politique étrangère à un battement cardiaque de la présidence. »
Brouiller son image de monsieur propreLe choix de Sarah Palin s’est fait tellement rapidement que les médias américains se demandent si le camp McCain a suffisamment examiné les détails de la biographie de l’élue pour s’assurer que rien d’embarrassant ne puisse sortir de ses placards d’ici novembre. Par exemple, des conflits d’intérêt liés aux participations de son mari dans des activités pétrolières, ou les résultats d’une enquête attendus pour octobre qui doivent indiquer si Palin a profité de ses fonctions pour faire virer son beau-frère de la police d’Etat, en représailles d’un divorce pénible avec sa sœur.
Donner le sentiment d’un fonctionnement impulsifAutant que ses politiques, les Américains reprochent à Bush sa gestion chaotique des problèmes, son immaturité politique (obstination, copinage etc.). Là, McCain n’avait rencontré Sarah Palin qu’une fois en février et n’a eu ensuite qu’une conversation téléphonique avec elle avant de lui proposer la vice-présidence.
Soucieuse de faire bouger le jeu politique entre les deux candidats, la stratégie de McCain semble très très risquée. Pour le moment le dernier sondage Zogby donne au duo McCain-Palin deux points d’avance sur le ticket Obama-Biden. Est-ce que ça peut durer ?
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