Plusieurs milliers de musulmans se sont rassemblés vendredi autour l'ex-basilique Sainte-Sophie pour prendre part, en présence du président Recep Tayyip Erdogan, à la première prière depuis la reconversion en mosquée de cet édifice emblématique d'Istanbul.
Malgré l'épidémie de nouveau coronavirus, des foules compactes se sont formées dans la matinée autour de Sainte-Sophie pour prendre part à la prière prévue vers 10h00 GMT (12h00 HB), ont constaté des journalistes de l'AFP. Plusieurs fidèles ont passé la nuit sur place.
Oeuvre architecturale majeure construite au VIe siècle et monument le plus visité d'Istanbul, Sainte-Sophie a successivement été une basilique byzantine, une mosquée ottomane et un musée. Le 10 juillet, M. Erdogan a décidé de rendre l'édifice au culte musulman après une décision de justice révoquant son statut de musée.
Cette mesure a suscité la colère de certains pays, notamment la Grèce qui suit de près le devenir du patrimoine byzantin en Turquie.
Des fidèles pas tous masqués
Des récitations coraniques avaient lieu dans la matinée à Sainte-Sophie, avant la prière du vendredi à laquelle plusieurs hauts responsables étrangers ont été invités. M. Erdogan est arrivé sur place vers midi (heure locale).
Pandémie oblige, les autorités ont indiqué qu'un millier de fidèles au maximum pourront prier à l'intérieur de la mosquée. Mais de nombreuses personnes pourront se recueillir aux abords de l'édifice.
Face à l'afflux de fidèles, dont certains ne portaient pas de masque, le gouverneur d'Istanbul Ali Yerlikaya a indiqué en fin de matinée que les espaces prévus à l'extérieur étaient pleins.
Signe du chaos ambiant, plusieurs dizaines de personnes ont forcé un cordon policier pour sprinter vers Sainte-Sophie, selon une vidéo diffusée par des médias turcs.
Pour nombre d'observateurs, la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée par M. Erdogan vise à galvaniser sa base électorale conservatrice et nationaliste dans un contexte de difficultés économiques aggravées par la pandémie.
Sainte-Sophie, l’emblème de la Turquie laïque voulue par Mustafa Kemal
En prenant cette décision, le chef de l'État, souvent accusé de dérive islamiste, s'attaque aussi à l'héritage du fondateur de la République, Mustafa Kemal, qui avait transformé Sainte-Sophie en musée en 1934 pour en faire l'emblème d'une Turquie laïque.
Comme un symbole, M. Erdogan a choisi pour la première prière le jour du 97e anniversaire du traité de Lausanne qui fixe les frontières de la Turquie moderne et que le président, nostalgique de l'Empire ottoman, appelle souvent à réviser.
Sainte-Sophie reste en Turquie étroitement associée à la prise de Constantinople en 1453 par le sultan Mehmet II, dit le Conquérant. Une fanfare ottomane était d'ailleurs présente sur le parvis de l'édifice vendredi.
Les touristes toujours les bienvenus
En guise de protestation en Grèce, les églises orthodoxes vont faire sonner leurs cloches à midi vendredi. "C'est un jour de deuil pour (...) toute la chrétienté", a déclaré le chef de l'Église grecque, l'archevêque Iéronymos.
Mais Ankara a rejeté les critiques au nom de la "souveraineté", soulignant que les touristes pourront continuer de visiter cet édifice classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco.
0 Commentaires
Participer à la Discussion