"Je ne comprends pas, la France a toujours eu besoin d'immigrés pour se développer", confie Abdoulaye Bathily, employé de ménage malien installé à Paris. Au lendemain de la poussée de l'extrême droite aux européennes, des étrangers confient leur amertume et leurs peurs.
"La nouvelle loi immigration est déjà très dure pour nous, et c'est très compliqué de renouveler sa carte de séjour, mais ce le sera encore plus avec l'extrême droite" au pouvoir, commente dépité M. Bathily, 59 ans, dont 35 ans en France.
Le principal parti d'extrême droite en France a recueilli 32% des voix aux élections européennes de dimanche, près de deux fois le score du parti présidentiel, conduisant le président Emmanuel Macron à dissoudre l'Assemblée nationale et à annoncer des législatives, au risque d'amener pour la première fois par les urnes l'extrême droite au pouvoir en France.
Abdoulaye Bathily est "inquiet" de la victoire historique de l'extrême droite dont l'immigration est l'un des thèmes favoris. "C'est absurde de dire qu'il y a trop d'immigrés en France", "on occupe les boulots dans l'hôtellerie, la restauration, le BTP: des métiers durs, que les Français ne veulent pas faire", souligne celui qui se lève aux aurores pour faire le ménage dans des entreprises.
En région parisienne, les immigrés représentent 40 à 62% des travailleurs des branches de l'aide à domicile, de la construction, de l'hôtellerie-restauration, du nettoyage, de la sécurité et de l'agro-alimentaire, selon des statistiques officielles de 2022.
Le quinquagénaire, dont la demande de naturalisation a été refusée, dit se sentir comme un citoyen de "troisième zone" et réfute l'idée que les immigrés profitent des aides. "Certes, il y a des salauds, mais comme parmi les Français qui sont aussi nombreux à mal se comporter".
- "Immigration de masse" -
Dimanche soir, après l'annonce de législatives anticipées, la cheffe de file de l'extrême droite française Marine Le Pen a assuré que son parti était "prêt à défendre les intérêts des Français, prêts à mettre fin à cette immigration de masse".
Sonia, une Algérienne qui a obtenu un titre de séjour d'un an il y a un mois, dit aussi son angoisse: "J'ai peur qu'on me renvoie dans mon pays", raconte cette femme de 38 ans, désormais en règle après neuf ans de présence irrégulière en France.
Femme de ménage, mais aussi aide à domicile pour personnes âgées ou baby-sitter, elle explique travailler "beaucoup": tard le soir, le weekend. "Je ne prends jamais de vacances, même pendant le Covid on faisait appel à moi", souligne cette petite-fille de harki installée à Marseille, dans le sud de la France.
"On nous dit que l'on ne veut pas de nous, pourtant je dois refuser du travail, faute de temps", insiste cette habitante des quartiers pauvres du nord de Marseille qui "ne comprend pas trop" ce qu'on reproche aux immigrés.
- "Pays métissé -
A la tête de Singa, organisation internationale favorisant l'inclusion des personnes nouvelles arrivantes dans l'emploi, Benoît Hamon dénonce une vision de l'immigration basée sur des "croyances", selon lesquelles les étrangers vivraient "sur le dos des Français", et des "politiques qui ne connaissent rien à la réalité des migrations".
"Comment va-t-on faire sans les cotisations des travailleurs étrangers pour la retraite ?", souligne l'ancien candidat socialiste à la présidentielle.
Vendeur de vêtements de luxe au Bon Marché à Paris, Daniel Lago, Ivoirien, assure qu'il "ne veut prendre la place de personne".
Régularisé après six ans d'errance et de petits boulots, l'ancien livreur dit être "inquiet pour (ses) frères qui n'ont pas de papiers" dans le cas où l'extrême droite accèderait au pouvoir.
"On ne quitte pas sa terre natale par plaisir, c'est parce qu'on n'a pas le choix", insiste le trentenaire, confiant dans le fait que la France soit "un pays métissé" et que ceux qui n'ont pas voté aux européennes se déplaceront aux législatives, face à l'enjeu.
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En Juin, 2024 (00:13 AM)Reply_author
En Juin, 2024 (19:05 PM)Participer à la Discussion