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Libye-Tunisie : le rapatriement d'armes françaises tourne au feuilleton

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Des voitures attendent du côté tunisien de la frontière avec la Libye à Ras Jedir, le 22 mars 2016.

Intercepté le 14 avril à la frontière tunisienne en provenance de Tripoli, un convoi français à plaques diplomatiques a vu son chargement consigné par les douanes. L’arsenal saisi a alimenté toutes les spéculations.

Fonctionnaires français interceptés à la frontière tuniso-libyenne : retour sur un feuilleton qui a fait couler beaucoup d’encre.

Jeudi 4 avril, le maréchal Haftar ordonnait à son armée d’entrer à Tripoli, déclenchant une offensive meurtrière en Libye. Les chancelleries occidentales sur place se sont alors préparées à être évacuées si les combats perduraient. C’est ainsi que la semaine suivante, onze Européens membres de la mission d’assistance européenne EUBAM en Libye rejoignaient la Tunisie par voie maritime.

Quatre jours plus tard, le 14 avril, treize Français se présentaient à l’un des deux postes-frontière du sud-est de la Tunisie pour se rendre à Tunis.

Ces deux opérations devaient rester discrètes et n’étaient pas connues des autorités libyennes. Révélées au même moment, elles ont pourtant alimenté chaque jour les médias locaux. En particulier la caravane française, qui avait choisi la route pour gagner la Tunisie.

Qui étaient ces treize Français ? Conseillers secrets de chefs de guerre ? Agents des renseignements ? Agents de sécurité auprès de l’ambassade de France à Tripoli ? Depuis ce 14 avril, toutes les versions ont circulé.

Treize gendarmes de l’ambassade à Tripoli avec un grand arsenal militaire

Selon nos dernières informations, il s’agirait de treize gendarmes chargés de la protection de l’ambassadrice de France à Tripoli. Ils circulaient à bord de six véhicules 4x4 et auraient patienté plus de vingt heures au poste de Ras Jedir.

Selon une source proche du dossier, côté tunisien, les ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur avaient été prévenus par la France de ce déplacement décidé moins de 48 heures auparavant.

Mais le renforcement des contrôles frontaliers après l’offensive du maréchal Haftar a imposé un inventaire complet des armes et des matériels de renseignement transportés par les véhicules à plaques diplomatiques. Plusieurs centaines de grenades, des casques, des gilets pare-balles, des lance-missiles et lance-roquettes et du matériel de communication ont alors été saisis. Ils ont été stockés dans l’entrepôt des douanes tunisiennes.

Finalement, il a fallu qu’un diplomate français se déplace de Tunis, à 600 km de là, pour permettre le passage des treize personnels de sécurité français qui, pour leur travail en Libye, possédaient des passeports diplomatiques. Ces treize fonctionnaires français ont dû laisser leurs armes et leur matériel au poste-frontière.

De groupes armés « sous couverture diplomatique » pour la Défense tunisienne

L’affaire aurait pu en rester là, mais le ministre tunisien de la Défense, qui de source fiable n’était pas dans la « chaîne de communication entre Paris et Tunis », s’est saisi du sujet : il a évoqué une « tentative d’infiltration dans le territoire national de groupes armés en provenance de Libye », qualifiant les Français interceptés d’« hommes sous couverture diplomatique ».

Seul ministre à avoir exprimé ses doutes sur la version française de ce feuilleton, Abdelkarim Zbidi n’a jamais démenti ses accusations et les a même répétées.

Dans un contexte interne préélectoral, l’homme, qui nourrit des ambitions présidentielles au scrutin prévu pour l’automne, semble se positionner comme nouvel homme providentiel capable de défendre les intérêts tunisiens au plus haut niveau et la souveraineté du pays. Cela au moment où les deux voisins traversent des crises qui pourraient déstabiliser la Tunisie.

Sa version est rapidement devenue virale, tant sur les réseaux sociaux que sur les sites d’information arabophones, alimentant les accusations de soutien militaire français au maréchal Haftar.

Dans le même temps, une déclaration du ministre tunisien n’a pas manqué de faire réagir, au sein même de militaires travaillant sous ses ordres : « Il a voulu se payer les Français, quitte à sacrifier les intérêts bilatéraux sur l’autel de ses projets politiques », confiait à RFI l’un d’eux, ajoutant que « le retour de bâton pourrait être brutal pour le ministre. »

Les autres membres du gouvernement se sont gardés de mettre de l’huile sur le feu.

Le ministre tunisien de l’Intérieur, en visite à la frontière quelques heures après l’incident, n’a pas commenté l’affaire. Il s’est contenté de souligner le renforcement effectif des contrôles à la frontière « afin d’éviter l’intrusion d’éléments terroristes fuyant les combats ».

Un imbroglio réglé « selon les usages diplomatiques »

Lundi 22 avril, le ministre tunisien des Affaires étrangères a reçu les ambassadeurs de France en Tunisie et en Libye. Appelant à un cessez-le-feu à Tripoli, Khemaies Jhinaoui entendait clore ce chapitre de tensions diplomatiques suscité par l’interception du détachement français.

Le lendemain, mardi 23 avril, RFI a cité une source haut placée à la présidence tunisienne déclarant que les treize Français interceptés le 14 avril auraient été des agents des renseignements. Aussitôt, la présidence tunisienne a apporté un démenti catégorique à cette source, affirmant que la question du convoi diplomatique français « a été réglée dans un cadre légal et selon les usages diplomatiques. »

Selon nos informations, les armes et le matériel saisis vont être rapatriés en France sous supervision tunisienne avant la fin du mois d’avril. L’arsenal mis sous scellé par les douanes correspondrait au stock d’armes en surplus à l’ambassade de France en Libye, selon une source proche du dossier. Cela, car « il était hors de question, au vu de l’évolution de la situation, d’évacuer les lieux en le laissant sur place. »

Après le syndicat UGTT, qui s’est placé cet hiver en défenseur de la souveraineté économique de la Tunisie face au FMI, il semble que la souveraineté territoriale nationale soit en train de devenir un thème de campagne porteur en vue des élections législatives et présidentielles prévues dans six mois.



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