Le porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux, a déclaré jeudi que les Françaises parties en Syrie rejoindre l‘Etat islamique et aujourd‘hui aux mains des forces kurdes avaient vocation à être jugées “là-bas”, si les institutions à même de leur assurer un procès équitable existaient. La question embarrasse de toute évidence les autorités françaises, alors que plusieurs de ces jeunes femmes, mères de famille, ont demandé ces derniers temps à être rapatriées avec leurs enfants et jugées en France.
C‘est le cas notamment d‘Emilie König, 33 ans, mère de cinq enfants dont trois nés sur place, radicalisée en 2010 au contact d‘un mari algérien, qui est allée dès 2012 en Syrie, où elle a rejoint Daech. Elle est notamment soupçonnée d‘avoir été une recruteuse de cette organisation extrémiste. Selon son avocat, Me Bruno Vinay, la jeune femme a été arrêtée il y a environ un mois chez elle, et non les armes à la main comme cela avait été dit par Benjamin Griveaux sur BFM TV. Elle a fait savoir par l‘intermédiaire de son avocat qu‘elle était à la disposition de la justice et des autorités françaises “dans un esprit de coopération”.
“Elle en appelle aux autorités publiques pour faciliter l‘exécution de son mandat d‘arrêt et lui permettre de s‘expliquer devant la justice”, a ajouté Me Vinay. Un autre jeune Française, semble-t-il détenue avec Emilie König et d‘autres compatriotes dans un camp kurde en Syrie, à proximité de la frontière turque, selon une source familière du dossier, en a pour sa part appelé au président Emmanuel Macron.
“PROCÈS ÉQUITABLE”
“Nous vous écrivons cette lettre afin que vous sachiez que des Françaises sont détenues dans un camp kurde en Syrie dans des conditions inadmissibles, avec des enfants, après avoir fui Daech et avoir ouvert les yeux sur ce groupe”, écrit-elle dans un message dont Reuters à eu copie. “Nous ne sommes pas des repenties mais des victimes d‘une propagande (à laquelle) nous n‘avons jamais adhéré”, ajoute cette mère de deux enfants en bas âge, nés en Syrie.
“C‘est pourquoi nous vous demandons de nous rapatrier. Nous sommes prêtes à assumer nos actes.” Son avocate, Me Marie Dosé, a également écrit au chef de l‘Etat pour faire état du souhait de sa cliente, poursuivie pour association de malfaiteurs. Interrogé par BFM TV, Benjamin Griveaux a estimé que la question était “surtout de savoir si (...) dans la partie kurde de la Syrie (...) il y a des institutions judiciaires qui sont à même d‘avoir un jugement respectueux des droits de la défense”.
“Il faut en avoir l‘assurance parce que (...) quel que soit le crime qui a été commis, y compris le plus abject, il faut que la défense soit assurée pour les ressortissants français à l’étranger”, a poursuivi le porte-parole du gouvernement. “S‘il y a des institutions judiciaires qui sont aujourd‘hui en capacité d‘assurer un procès équitable avec des droits de la défense assurés, elles seront jugées là-bas”, a-t-il ajouté. Tout en estimant que Benjamin Griveaux n‘avait “pas fermé la porte” à un rapatriement et un jugement en France, Me Bruno Vinay, interrogé par Reuters, a déploré un manque de courage.
“COURAGE”
Benjamin Griveaux rappelle certes une règle de droit international mais le Kurdistan syrien n‘est pas un Etat et ne dispose pas d‘institutions judiciaires internationalement reconnues, fait valoir l‘avocat d‘Emilie König. “Le départ en Syrie de ces djihadistes est avant tout un problème français”, a-t-il poursuivi. “Il faut avoir le courage et la responsabilité politique de les juger dans le cadre des institutions françaises, qui sont légitimes.
” “Les laisser aux bons soins d‘un pays étranger, ce n‘est pas régler le problème du terrorisme”, a-t-il ajouté. Il a également regretté que le porte-parole du gouvernement n‘ait pas dit un mot du sort des enfants. Me Vinay dit avoir engagé des démarches avec les Kurdes et les autorités françaises depuis plusieurs semaines mais admet qu‘il faudra sans doute des mois pour débloquer la situation. Me Dosé regrette pour sa part qu‘aucune Française détenue n‘ait eu jusqu‘ici de contact direct ou indirect avec les autorités ou les services de renseignement français.
Elle juge également impossible à ce stade de savoir sur quel critère Paris pourrait décider de les rapatrier au cas par cas. Interrogée sur le cas de ces femmes, la présidence de la République renvoie systématiquement sur le ministère des Affaires étrangères. Le ministère de la Justice est également resté jusqu‘ici extrêmement discret.
Edité par Elizabeth Pineau
0 Commentaires
Participer à la Discussion