Les footeux répondent à Hollande: "Moi footballeur..."

Le petit monde du football français s'est empressé de réagir aux virulentes critiques du président Hollande contenues dans un livre d'entretiens écrit par deux journalistes. En 1998, le sélectionneur français Aimé Jacquet conseillait à son milieu offensif Robert Pirès de "muscler son jeu." Une scène devenue culte du documentaire "Les yeux dans les Bleus" tourné durant le Mondial. Après les muscles, le cerveau En 2016, les footballeurs français ne sont plus tenus de muscler leur jeu, mais bien "leur cerveau", dixit le président de la République François Hollande.

Un président qui se voulait "normal" mais que l'on découvre pas si "flamby" que ça dans "Un président ne devrait pas dire ça...", un livre écrit par les journalistes du Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet (sortie aujourd'hui). Plutôt Chirac que Sarkozy question football Alors qu'il se rapprochait davantage d'un Chirac que d'un Sarkozy dans sa relation avec le monde du football, François Hollande ne tient visiblement pas les footeux en si haute estime que ça. "Des gosses mal éduqués", un peu limités, devenus "des vedettes sans y être préparés", "des gamins des cités" se fichant du maillot bleu...

Bref, des propos que l'on entend habituellement au bistrot du coin, moins dans la bouche d'un président qui se voulait rassembleur. Manu Petit: "Cela ne me surprend pas" Des critiques qui passent mal dans le microcosme du football hexagonal. Et notamment dans les oreilles de Manu Petit, ancien pilier de l'Equipe de France (le troisième but face au Brésil, c'était lui). Aujourd'hui consultant pour RMC, l'ancien Gunner a dégainé avec précision et efficacité au micro de son média. Si Petit dit comprendre les critiques, il condamne surtout l'amalgame fait par François Hollande, et en profite pour tacler avec subtilité la classe politique.

"Ça me déçoit, mais ça ne me surprend pas. Depuis trop longtemps, nous les sportifs, les footballeurs, sommes regardés avec beaucoup de condescendance par nos chers politiciens. C'est vrai que nous, on n'a pas la chance de faire l'ENA. Mais je donnerais bien des cours de musculation du cerveau, et même de probité, à la classe politique. Notamment dans l'honnêteté intellectuelle, l'honnêteté tout court", répond Emmanuel Petit. "Moi footballeur..." L'ancien Montpelliérain Jonas Martin, aujourd'hui actif au Betis Séville, a réagi de manière aussi originale qu'intelligente aux piques lancées par son président.

Le joueur a donc répondu par une anaphore, similaire à celle du fameux "moi président", dans laquelle il met en exergue les approximations de François Hollande. Lettre ouverte d'un ballon à Hollande Mais la réaction qui a sans doute le plus fait parler d'elle est celle de l'UNFP, le syndicat des joueurs professionnels. Avec sa "lettre ouverte d'un ballon à François Hollande", le syndicat s'est ainsi fendu d'un communiqué surréaliste qui n'est pas passé inaperçu. Un message dans lequel l'organisation se fait passer pour un ballon qui exprime sa colère au président. "Au moment où nous allions écrire un communiqué pour répondre aux scandaleuses déclarations de François Hollande sur les footballeurs, nous avons reçu, à l'UNFP, une lettre ouverte écrite par un ballon, qui connaît, lui, parfaitement bien les bipèdes à crampons", écrit le syndicat en guise d'introduction.

"Je n'aimerais pas être à votre place -je ne parle pas de la tribune présidentielle du stade de France ou de celle du Parc des Princes, où je vous vois régulièrement, écharpe et sourires complaisants de rigueur-, à gouverner un peuple de sans-dents et à aimer -oui, aimer, et pas seulement à des fins électoralistes, rassurez-moi- un sport pratiqué par des êtres mous du cerveau, si tant est qu'ils en aient un, si j'ai bien compris le fond de votre pensée", ironise le "ballon" dans sa lettre ouverte. Entre deux rappels de dérapages présidentiels, L'UNFP s'en prend ensuite aux manœuvres électoralistes de François Hollande.

"Qu'ont donc bien pu vous faire mes amis footballeurs pour que vous soyez ainsi, tout marri ? Trompé. Est-ce les 94 % du taux d'adhésion à leur syndicat, l'UNFP, leur solidarité, que vous avez du mal à avaler?", se demande le syndicat. "Ils vous ont aidé, pourtant, à remonter la pente l'été dernier, mais il ne faut pas croire qu'un succès à l'Euro de la bande à Deschamps vous aurait, forcément, ouvert toutes grandes les portes d'un second mandat. Vous ne leur en voulez pas pour cela, j'espère, puisque vous les avez remerciés pour ce moment en les invitant à l'Elysée?" se moque enfin l'UNFP. Déjà isolé et au plus bas dans l'opinion publique, François Hollande ne pourra manifestement pas compter sur le soutien des footeux dans sa tentative -toujours incertaine- de briguer un deuxième mandat présidentiel.