Le président brésilien incarné par un vampire corrompu, le maire de Rio en épouvantail: la première soirée de défilés des écoles de samba a été placée sous le signe de la contestation.
Dans la nuit de dimanche à lundi, les plus de 72.000 spectateurs qui se sont massés au sambodrome ont vibré jusqu'à l'aube sous une chaleur étouffante, au son des percussions assourdissantes des sept premières écoles du "groupe spécial", l'élite de la samba, qui en compte 13 au total.
Mais au delà des plumes, des paillettes et de la sensualité exacerbée, le cru 2018 du "plus grand spectacle de la terre" incarnait aussi la révolte d'une population exaspérée par la violence et la corruption.
Même si le carnaval est vu comme une parenthèse pour oublier les problèmes du quotidien, certaines écoles de samba en ont profité pour délivrer de nombreux messages politiques.
Une des principales cibles: le maire Marcelo Crivella, qui a suscité de vivres critiques en divisant par deux les subventions octroyées aux écoles.
Ancien pasteur évangélique, l'édile est accusé de vouloir gâcher la fête de tous les excès à cause de ses convictions religieuses.
Dimanche soir, il a publié une vidéo sur Facebook annonçant qu'il s'envolait le soir même pour l'Europe, confirmant qu'il n'assisterait à aucun défilé, comme l'an dernier.
L'école Mangueira l'a gratifié de piques aiguisées, avec une chanson dont l'un des principaux refrain était "le péché, c'est de ne pas s'amuser au carnaval".
Sur un char, son effigie apparaît une corde au cou, comme un "mannequin de Judas", sorte d'épouvantail que les Brésiliens rouent de coups la veille de Pâques dans des fêtes populaires.
'Mannequin de Judas'
Un autre char montre une représentation du célèbre christ rédempteur avec une pancarte où l'on pouvait lire: "le maire ne sait pas ce qu'il fait".
"C'est notre réponse à ce maire qui coupe notre budget et tente de miner notre bonheur", explique à l'AFP Helton Dias, un des membres de l'école.
Le maire de Rio n'est pas le seul à en prendre pour son grade. L'école Paraiso do Tuiti, s'attaque directement au sommet de l'État.
"Je suis un vampire censé représenter le président de la République", explique Léo Morais, professeur d'histoire de 39 ans, le visage grimé en blanc pour incarner la version d'outre-tombe de Michel Temer, qui fait face à de graves accusations de corruption.
"Les écoles de samba ont un rôle social. Elles expriment ce que les gens normaux ressentent", conclut-il.
Muni d'une l'écharpe présidentielle jaune et verte, il était juché au sommet d'un char, sur un promontoire représentant un sac d'argent, avec des billets collés sur des plumes de paon et de grandes ailes noires de chauve-souris.
Son école a choisi pour thème les 130 ans de l'abolition de l'esclavage au Brésil -- dernier pays d'Amérique à l'abolir -- un sujet encore d'actualité alors que le gouvernement Temer a été critiqué il y quelques mois pour une ordonnance qui assouplissait les normes de lutte contre le travail forcé.
'Commme au Maracana'
Les thèmes ne sont pas choisis au hasard car, en plus d'émouvoir le public, il faut séduire les juges.
Le défilé des écoles de samba est non seulement un grand show haut en couleurs, mais aussi une âpre compétition: chacune des 13 formations est notée sur des critères très précis, comme la qualité de la musique, des chars ou des percussions.
Le travail d'une année entière est jugé en un peu plus d'une heure de défilé.
"C'est comme si on entrait dans le Maracana (mythique stade de football de Rio) pour jouer une finale, tout le monde nous applaudit, c'est magique", s'émeut Jorge Alves, 55 ans, qui a défilé pour Imperio Serrano en tenue de guerrier mongol avec un trident et un casque pointu à poils roux.
Les normes de sécurité ont été renforcées après les graves accidents avec des chars qui avaient provoqué la mort d'une journaliste et fait de nombreux blessés.
Cette fois, le dernier char de l'école Grande Rio a eu un problème de roue juste avant le défilé et n'a pas pu entrer dans le sambodrome, mais aucun blessé n'était à déplorer.
Le show continue dans la nuit de lundi mardi, avec six écoles et d'autres défilés au ton politique, notamment celui de Beija Flor, qui s'inspire de l'histoire de Frankenstein pour dépeindre un Brésil victime des attaques "monstres" de la corruption et de l'intolérance.
1 Commentaires
Anonyme
En Février, 2018 (20:23 PM)Participer à la Discussion