Les 156 millions de Brésiliens ont commencé à voter dimanche à 8h00 (13h00 heure belge) pour une présidentielle décisive qui se joue entre l'ex-président de gauche Lula, le grand favori, et le président sortant d'extrême droite Jair Bolsonaro.
Luiz Inacio Lula da Silva pourrait l'emporter dès ce premier tour, mais Jair Bolsonaro a menacé depuis des mois de ne pas reconnaître le résultat si l'élection n'est pas "transparente".
“Suspense jusqu’à la fin” barrait la Une du grand quotidien O Globo qui soulignait aussi “l’instabilité qui a marqué toute la campagne” électorale.
Parmi les premiers électeurs qui commençaient à voter, Edmilson Dias da Silva, un retraité de 72 ans, a déjà choisi Bolsonaro, pour son “bon gouvernement”. Mais ajoute-t-il prudemment, “on va attendre que l’arbitre siffle la fin de la partie”.
Un grand favori, mais un second tour?
Pour cette élection cruciale pour l’avenir de la jeune démocratie au Brésil, le choc au sommet entre Jair Bolsonaro, 67 ans, et Luiz Inacio Lula da Silva, 76 ans, a relégué les neuf autres candidats au rang de figurants. L’ex-président Lula (2003-2010) était toujours le grand favori dans le dernier sondage Datafolha samedi soir, avec 50% contre 36% à Bolsonaro.
“La question est de savoir s’il y aura un 2e tour ou non, et c’est impossible à prédire”, déclare à l’AFP Adriano Laureno, analyste chez les consultants Prospectiva.
Corruption
L’autre question était de savoir si Bolsonaro respecterait le verdict des urnes. Une victoire de Lula, qui a marqué la vie politique brésilienne depuis un demi-siècle et concourt à sa 6e présidentielle, signerait un comeback inespéré quatre ans après son incarcération controversée pour des soupçons de corruption.
Le dernier débat présidentiel jeudi a illustré le degré de haine entre les deux favoris qui se sont écharpés, s’accusant d’être “menteur” ou “corrompu”. La campagne, menée en gilet pare-balle par les candidats, a elle aussi été tendue. Elle a charrié des tombereaux d’attaques personnelles, livré peu de projets pour le Brésil, et s’est déroulée dans un climat délétère.
Ainsi pour de nombreux Brésiliens, l’élection de Lula dès le premier tour permettrait d”’en finir” et d’échapper à quatre semaines supplémentaires de campagne à couteaux tirés jusqu’à un second tour le 30 octobre.
Appui de Trump, Netanyahou et Orban
Mais un second tour pourrait permettre à Bolsonaro de galvaniser ses troupes et de trouver un nouvel élan. Sur son compte Twitter, il a publié les messages de soutien de ses rares alliés: l’ancien président américain Donald Trump qui appelle les Brésiliens à “réélire l’un des plus grands présidents d’aucun pays dans le monde”, de même que l’ex-Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou ou le Premier ministre hongrois Viktor Orban.
Mais espérant une victoire dès le 1er tour, l’équipe de Lula a fait campagne pour le “vote utile”, lorgnant du côté des électeurs de Ciro Gomes (centre gauche), 4e dans les sondages avec 5% des intentions de vote.
Un remake de l’assaut du Capitole?
Jair Bolsonaro a affirmé qu’il serait “anormal” qu’il n’obtienne pas au moins 60% des voix dimanche et rejette les sondages “mensongers”. “Je pense qu’il va contester le résultat s’il perd” dit M. Laureno, “mais cela ne veut pas dire qu’il va réussir. La communauté internationale va reconnaître le résultat rapidement”.
L’ex-capitaine de l’armée a lancé des attaques innombrables contre la fiabilité des urnes électroniques, laissant planer la menace d’un remake brésilien de l’assaut du Capitole à Washington en 2021 après la défaite de Trump. L’armée n’a donné aucun signe d’agitation et les États-Unis ont indiqué qu’ils allaient “suivre de près” l’élection. Plus de 500.000 membres des forces de l’ordre doivent assurer la sécurité et des dizaines d’observateurs étrangers surveiller le déroulement du vote jusqu’à 17H00 (20H00 GMT).
Lula devait, lui, voter en matinée à Sao Bernardo do Campo, près de Sao Paulo, et Bolsonaro à Rio, avant de suivre à Brasilia les résultats attendus dans la nuit.
Les évangéliques, l’agronégoce, les pro-armes dans les rangs de Bolsonaro
Lula, le chef du Parti des Travailleurs (PT), a réuni une vaste coalition de dix partis allant jusqu’au centre droit de son colistier, l’ex-gouverneur de Sao Paulo Geraldo Alckmin, choisi pour rassurer les milieux économiques.
Bolsonaro se présente sous l’étiquette du petit Parti libéral (PL) et bénéficie du soutien enthousiaste des évangéliques, du lobby de l’agronégoce et des pro-armes, et de l’appui, plus réservé, du patronat.
La majorité des Brésiliens attendent de leur président qu’il lutte contre la faim dont souffrent 30 millions d’entre eux, l’inflation et le chômage qui ont renforcé la précarité et la corruption.
Les Brésiliens élisent aussi dimanche leurs 513 députés fédéraux, les gouverneurs des 27 Etats et les députés des assemblées des Etats. Comme le président, tous ont un mandat de quatre ans. Un tiers des 81 sièges du Sénat seront aussi renouvelés, mais pour huit ans.
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