Six jeunes Espagnols font face à la justice pour violences sexuelles sur une adolescente de 14 ans. Le ministère public local a cependant réfuté les charges de viol car la jeune fille, ivre et sous influence de drogues au moment des faits, ne s’est physiquement pas suffisamment débattue contre ses agresseurs. Cela revient, selon lui, à un consentement tacite.
En octobre 2016, la jeune fille de 14 ans originaire de Manresa, dans le nord-est de l’Espagne, a été victime selon ses dires d’un viol en réunion commis par six jeunes hommes. Ces derniers avaient emmené leur victime dans une usine abandonnée et l’avaient tous violée tour à tour tandis qu’un septième homme les observait, lit-on dans l’acte d’accusation.
L’avocat de la victime a insisté sur la gravité des faits et a demandé que la culpabilité pour viol soit reconnue envers tous les participants et qu’y soient assorties des peines de 15 à 20 ans de prison. Les procureurs espagnols, eux, sont plutôt d’avis que le réquisitoire pour viol ne tient pas la route car l’adolescente, même si elle n’a pas exprimé son consentement en tant que tel, ne s’est pas non plus ostensiblement opposée à ces rapports en groupe.
La victime était, au moment des faits, sous l’influence de l’alcool et de drogues et ne s’est physiquement pas défendue. Les procureurs penchent donc pour de “simples” violences sexuelles, passibles de 12 ans d’emprisonnement maximum. La jeune fille s’exprimera une nouvelle fois à la barre lundi afin de plaider sa propre cause et obtenir que ses agresseurs soient bel et bien jugés pour viol.
Se battre ou consentir?
Ce dossier très médiatisé en Espagne cristallise les opinions divergentes sur la question du consentement. Il rouvre un débat farouche sur les lois espagnoles à double sens sur le viol. En effet, dans la loi espagnole, le viol n’est effectif que lorsque la victime s’est défendue de manière visible face à son agresseur et lui a clairement fait comprendre par une opposition physique violente qu’elle refusait le rapport sexuel.
Le fait que la victime ne se débatte pas, peu importe que cela soit par peur ou parce que son état physique ne le lui permet pas, induirait son consentement. Un raisonnement problématique, s’indignent les experts. Car il est fréquent qu’une victime présente une sorte de “paralysie involontaire” lors d’abus sexuels. Il s’agit d'une réaction tant psychologique que physique à une expérience extrêmement traumatique. De plus, les victimes droguées ou ivres ne sont souvent pas en mesure de se débattre. Cela ne signifie pas que toutes ces personnes sont consentantes.
Orgie et tournante, pas le même combat
L’affaire évoque une autre du genre, lors du jugement du viol collectif d’une autre adolescente espagnole en 2016 à Pampelune. De la même manière, dans cette affaire dite de “la Meute”, un premier juge avait interprété le droit espagnol en estimant qu’il n’y avait pas viol vu que la victime ne s’était pas battue avec ses cinq agresseurs.
En guise de protestation face à ce jugement, des milliers de manifestants avaient exprimé leur colère dans les rues durant un an. Finalement, la cour suprême espagnole a décidé, le mois dernier, d’alourdir les peines des auteurs en statuant sur le viol effectif car la victime était tout simplement trop effrayée lors des faits pour réagir. Mais le dossier de Manresa prouve une nouvelle fois qu’en Espagne, il y a encore beaucoup à faire pour qu’il y ait enfin une distinction claire entre orgie et tournante.
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