Attention, cet article dévoile des éléments de l’intrigue de la série.
Game of Thrones est une grande saga politique. Despotes intransigeants, fiefs irréconciliables, conjurations de conseillers, guerres de succession, alliances bafouées, idéaux trahis, raison d’Etat cruelle, la série scénarise avec méthode les manières les plus tortueuses, parfois les plus effroyables, de déstabiliser, de prendre et de garder le pouvoir – mobilisant la réflexion de nombreux philosophes, historiens, politistes, jusqu’aux leaders du parti d’extrême gauche espagnol Podemos.
L’éprouvante scène, en fin de première saison, dans laquelle Eddard Stark, seigneur de Winterfell, est décapité à Port-Réal devant ses enfants constitue le trauma politique originel de la série – un moment de « stupeur », comme l’ont confié quantité de spectateurs sur les forums. Loyal, décidé à servir les intérêts de la couronne, Lord Eddard est un « héros positif ». Il entend mettre fin à la corruption de la cour et aux dépenses somptuaires. Il s’oppose au roi quand celui-ci veut faire assassiner sa rivale, Daenerys Targaryen : ce serait, dit-il, « un déshonneur ». Il prévient la reine Ceirsei, pour la sauver, qu’il sait que ses enfants ne sont pas du roi.
Finalement, Eddard Stark est décapité par ses ennemis, plus roués que lui. Exit le héros vertueux. George R.R. Martin l’a confié plusieurs fois : il a voulu insuffler du réalisme politique dans l’heroic fantasy médiévale, regrettant, dans un entretien accordé à Times Entertainment, en avril 2011, qu’elle dépeigne trop souvent « un Moyen Age digne de Disneyland ». Lui nous installe de plain-pied, comme le constate le médiéviste William Blanc dans l’ouvrage collectif Games of Thrones. Série noire (Les Prairie ordinaires, 2015), au cœur d’un univers proche des Rois maudits, de Maurice Druon, qui déroule le tragique destin des rois capétiens, ou encore du Nom de la rose, d’Umberto Eco, hanté par les sombres manigances de la papauté et de l’Inquisition.
0 Commentaires
Participer à la Discussion