L'attribution la semaine dernière de la Légion d'honneur, la plus haute distinction française, au prince héritier d'Arabie Saoudite a plongé l'exécutif français dans l'embarras, la publication de courriels diplomatiques par un magazine donnant l'impression que Paris s'est plié sans hésiter à une demande de Ryad.
Interrogées après la diffusion par le mensuel féminin Causette de ces échanges entre diplomates français, les autorités françaises n'ont ni démenti ni confirmé leur teneur, se refusant à tout commentaire.
La France entretient des relations très suivies avec l'Arabie saoudite, qu'elle présente comme un allié important en Syrie dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI), et avec laquelle elle a conclu d'importants contrats d'armement.
Officiellement, les responsables français assurent parler de la question des droits de l'Homme avec leurs interlocuteurs saoudiens à chaque occasion mais la realpolitik à la française apparaît sous une lumière très crue avec l'affaire de la Légion d'honneur.
Il ressort des écrits reproduits par le magazine Causette que c'est à la demande de l'Arabie saoudite que la distinction a été remise le 4 mars en catimini au prince Mohammed ben Nayef, ce dernier souhaitant "renforcer sa stature internationale".
Le prince héritier est aussi le ministre de l'Intérieur de son pays, où, en 2015, 153 personnes ont été exécutées, selon un comptage de l'AFP reposant sur des chiffres officiels saoudiens. Un niveau inégalé en 20 ans en Arabie saoudite, royaume ultra-conservateur régi par une interprétation rigoriste de la loi islamique.
"Je sais que certains s'interrogent sur l'opportunité de décorer maintenant le prince héritier (...) Certes, le royaume n'a pas bonne presse", écrit l'ambassadeur de France à Ryad dans un email envoyé à des conseillers à l'Elysée et au Quai d'Orsay et mentionné par le magazine Causette.
"Aucune raison de ne pas le faire : il faut que ce soit discret vis-à-vis des médias mais sans dissimulation", lui est-il répondu dans un courriel attribué au directeur Afrique du Nord/Moyen-Orient du Quai d'Orsay.
"Si nous ne le faisons pas, ce sera vu comme un camouflet, et, si on nous interroge, on répondra lutte contre Daech (acronyme arabe de l'EI, ndlr) et partenariat économique et stratégique. Rajoutons, pour faire bonne mesure, des éléments droits de l'Homme dans les éléments de langage bien sûr", poursuit-il.
La décision de décorer Mohammed ben Nayef est prise quelques heures plus tard, après le feu vert du président François Hollande, selon d'autres échanges de courriels avec son conseiller pour le Moyen-Orient.
Un familier des cercles diplomatiques souligne que les diplomates français possèdent sur leur ordinateur une fonction permettant de crypter leurs écrits; mais qu'en l'occurrence, "cela ne semble pas avoir été fait".
La remise de la Légion d'honneur au responsable saoudien s'est déroulée le 4 mars au palais de l'Elysée mais la présidence française ne l'a confirmé que le 6 mars en réponse à une question de l'AFP. Entre-temps, l'agence de presse saoudienne SPA en avait fait état.
Dès la révélation de cet événement, les critiques ont fusé chez des politiques de droite et de gauche et sur les réseaux sociaux, en raison du bilan en matière de droits de l'Homme de l'Arabie saoudite, qui a procédé depuis le début de l'année à 70 exécutions capitales.
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault s'est efforcé de déminer la polémique en invoquant une "tradition diplomatique" et une cérémonie qui n'avait "rien de solennel", même s'il a dit "comprendre" les réactions négatives.
Car outre son bilan en matière de droits de l'Homme, le royaume est aussi très critiqué pour la guerre au Yémen, ou son rôle dans la diffusion de l'idéologie wahhabite dans le monde.
Il y a moins de deux semaines, le Parlement européen avait voté à une large majorité une résolution demandant un embargo sur les livraisons d'armes à l'Arabie saoudite, critiquant ses frappes aériennes au Yémen et le blocus maritime imposé à ce pays, qui ont fait "des milliers de morts".
La Légion d'honneur est attribuée chaque année à environ 3.000 personnes, dont quelque 400 étrangers. D'autres remises de la Légion d'honneur, notamment à Vladimir Poutine en 2006 et au patron du contre-espionnage marocain Abdellatif Hammouchi en 2015, ont déjà suscité par le passé des protestations.
1 Commentaires
Osez
En Mars, 2016 (14:18 PM)Pour souvenir , NOTRE ADORABLE GENERAL DE GAULE AVAIT L'HABITUDE DE DIRE COMME SUIT : ' LES FRANÇAIS , C'EST DES VEAUX ' , CES ADVERSAIRES LUI REPLIQUAIENT DIXIT : ' GROS CON ' , LUI À SON TOUR SORT CARRÉMENT DU CONTINIUM ,EN LEUR DISANT : ' VASTE PROGRAMME ' .
Tout ceci , pour vous dire à un moment , c'est bon , il ne faut pas trop tirer sur le bouchon !
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