La Cour de cassation a confirmé jeudi l'annulation de l'arbitrage qui a accordé 404 millions d'euros à Bernard Tapie en 2008 pour solder son litige avec le Crédit lyonnais sur la revente d'Adidas. La défense de l'homme d'affaires s'était pourvue en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait annulé les sentences arbitrales, le 17 février 2015. Mais la plus haute juridiction a rejeté ses pourvois.
Dans son arrêt, la Cour de cassation valide l'analyse de la cour d'appel, qui concluait à la "fraude" civile, soulignant l'existence de "liens personnels anciens, étroits et répétés" entre Bernard Tapie et l'un des trois juges arbitres, Pierre Estoup, et leur "dissimulation". "Cette dissimulation participait de l'accomplissement du dessein, ourdi par l'arbitre, de concert avec M. Tapie et son représentant, de favoriser, au cours de l'arbitrage, les intérêts de cette partie", ajoute la plus haute juridiction.
La Cour de cassation reconnaît également la compétence de la cour d'appel de Paris, contestée par les avocats de l'homme d'affaires. Ces derniers soutenaient que l'arbitrage était international, et non interne, et plaidaient pour un jugement devant un tribunal arbitral nouvellement constitué. "Les litiges dont les arbitres étaient saisis ne portaient plus que sur des opérations qui se dénouaient économiquement en France", tranche finalement la Cour de cassation.
Me Jean-Pierre Martel, avocat du Consortium de réalisation (CDR), structure publique créée en 1995 pour gérer le passif du Crédit Lyonnais après sa quasi-faillite, s'est réjoui de cette décision. "La cour d'appel était compétente, le concert frauduleux est absolument établi. Cette fois-ci, c'est définitif", a-t-il dit à Reuters. "C'est une étape importante."
ENQUÊTE CLOSE AU PÉNAL, LE REMBOURSEMENT EN SUSPENS
"Le combat continue", a quant à lui prévenu Frédéric Thiriez, qui représente Bernard Tapie. "On a peut-être perdu une bataille, mais on n'a pas perdu la guerre", a-t-il ajouté. Un autre recours de l'homme d'affaires est en effet devant la Cour de cassation, a-t-il rappelé. Bernard Tapie a formé un pourvoi contre un second arrêt de la cour d'appel qui, le 3 décembre dernier, l'a condamné à rembourser les sommes versées à l'occasion de l'arbitrage controversé.
L'homme d'affaires a par ailleurs engagé une procédure devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour procès inéquitable, et n'hésitera pas à saisir les juridictions compétentes pour faire rejuger le litige qui l'a opposé au Crédit Lyonnais, assure son avocat. Frédéric Thiriez dit notamment s'étonner de la reconnaissance d'une "fraude" au civil, alors même que les juges qui enquêtent au pénal sur ces soupçons de fraude n'ont pas encore rendu leur ordonnance, de renvoi ou de non-lieu. "La justice a marché à l'envers, elle s'est précipitée pour trancher une affaire civile alors que le pénal n'était pas terminé", regrette-t-il.
PROCÉDURE DE SAUVEGARDE
Les juges d'instruction chargés de ce dossier ont clos leur enquête fin juin, d'après une source judiciaire. Six personnes, dont Bernard Tapie et Pierre Estoup, ont été mises en examen. La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, qui était ministre de l'Economie à l'époque des faits, a quant à elle été renvoyée devant la Cour de justice de la République dans cette affaire, mais elle s'est pourvue en cassation. Son recours sera examiné vendredi.
Pour Bernard Tapie, la prochaine étape de ce feuilleton judiciaire sera l'examen, par la Cour de cassation, de son pourvoi contre sa condamnation à rembourser les sommes perçues. D'ici là, et bien que ce recours ne soit pas suspensif, la procédure de recouvrement des sommes ne pourra pas être engagée. Le tribunal de commerce de Paris a en effet placé sous procédure de sauvegarde les deux sociétés autour desquelles Bernard Tapie a organisé ses activités et son patrimoine.
Les poursuites individuelles les visant sont ainsi de facto suspendues jusqu'à fin novembre, selon des sources proches du dossier. La procédure de sauvegarde peut déboucher sur deux situations : l'adoption d'un plan de sauvegarde ou la liquidation judiciaire, rappelle une source judiciaire. En tout état de cause, "des mesures conservatoires ont été prises", souligne-t-on du côté de l'Etat. Des juges d'instruction ont saisi 92 millions d'euros de son patrimoine, dont des contrats d'assurance-vie et une villa à Saint-Tropez, apprenait-on en décembre de source proche du dossier.
(Edité par Yves Clarisse)
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