La faim remonte dans le monde, le dérèglement climatique s'accélère et menace la production agricole: sur cette toile de fond préoccupante, l'ONU organise jeudi à New York un sommet mondial afin d'inciter les États à réformer leurs systèmes alimentaires pour tenter de répondre à ces défis.
"Je demande instamment à chacun de venir avec des engagements ambitieux pour nourrir l'espoir d'un avenir meilleur", souligne le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, dans une déclaration écrite.
"La communauté internationale a une occasion unique de contribuer à la réalisation" des Objectifs de développement durable (ODD) fixés par l'ONU pour 2030, "en transformant la façon dont nous produisons, transformons et consommons les aliments", poursuit-il.
Mais depuis plusieurs mois, certaines ONG critiquent les modalités inhabituelles d'organisation du sommet, les jugeant "opaques". Elles redoutent que les pistes retenues ne fassent la part belle à "l'agrobusiness" au détriment de l'agriculture paysanne.
Plus de 85 chefs d'État et de gouvernement devraient participer jeudi à ce sommet en virtuel. Ce sera "une journée marathon d'engagements de la part de gouvernements, de défenseurs de causes diverses, de communautés et d'entreprises", soulignent les organisateurs.
Les enjeux sont immenses. Les systèmes alimentaires sont jugés responsables d'environ un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Et la faim continue de progresser: elle touche 811 millions de personnes dans le monde tandis que 2,7 milliards de personnes n'ont pas accès à une alimentation saine, selon un rapport de l'ONU.
Dialogues
Le sommet a donné lieu à 18 mois de préparation depuis l'annonce de sa tenue en octobre 2019 par Antonio Guterres. Pour ses organisateurs, il s'agit d'un "Sommet des peuples" dédié pour la première fois aux "systèmes alimentaires" - qui vont des producteurs aux distributeurs, en passant par les industries alimentaires, les fabricants d'intrants, etc.
Pendant des mois, des "dialogues", impliquant toutes sortes d'acteurs et de parties prenantes, ont été menés dans 148 pays pour explorer les diverses façons de rendre les systèmes alimentaires plus équitables, plus efficaces et plus respectueux de l'environnement.
Plus de 80 pays ont déjà transmis leur "chemin national" pour y arriver, précisent les organisateurs du sommet.
Conseiller principal du sommet pour ces dialogues, David Nabarro relève que la question de l'alimentation y est traitée "d'une façon multisectorielle", avec l'implication de différents ministères, "ce qui est extrêmement important" car trop souvent, cela reste l'apanage des ministères de l'Agriculture.
"Ces chemins nationaux (...) montrent que les gouvernements sont prêts" à considérer l'alimentation comme un sujet relevant aussi des ministères de la Santé, de l'Environnement, du Développement économique etc., a-t-il estimé lundi lors d'un briefing.
Le sommet verra également le lancement de "coalitions" rassemblant États et acteurs divers autour de grands thèmes comme l'agroécologie, la restauration scolaire etc.
Règles du jeu
Les entreprises s'exprimeront par le biais d'une déclaration. Agnes Kalibata, envoyée spéciale du secrétaire général des Nations unies pour ce sommet, considère notamment que les industriels de l'agroalimentaire devraient "reformuler" leurs produits pour réduire la progression de l'obésité dans le monde.
Mais pour l'ONG Grain, qui défend les petits paysans, "le sommet a été détourné dès le début par les multinationales. Il est officiellement sponsorisé par le Forum économique mondial" de Davos.
L'ONG relève aussi qu'Agnes Kalibata préside l'Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), lancée par la Fondation Bill & Melinda Gates à qui elle reproche de promouvoir l'industrialisation de l'agriculture en Afrique.
De son côté, Action contre la faim estime que "les nouvelles règles du jeu" instaurées par ce sommet sont "très problématiques" et "floues". "Elles remettent en cause le multilatéralisme" et la négociation entre États, selon elle.
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