Les Nations unies ont accusé mardi les talibans d'être responsables d'au moins 72 exécutions extrajudiciaires depuis le mois d'août, en dépit de leur promesse d'amnistie générale.
Entre août et novembre, l'ONU a reçu "des allégations crédibles faisant état de plus de 100 exécutions d'anciens membres des forces de sécurité nationales afghanes et d'autres personnes associées à l'ancien gouvernement, dont 72 au moins ont été attribués aux talibans", a déclaré la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Nada Al-Nashif, devant le Conseil des droits de l'homme.
"Je suis alarmée par les informations persistantes faisant état d'exécutions extrajudiciaires dans tout le pays, malgré l'amnistie générale annoncée par les talibans après le 15 août", a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, a poursuivi Mme Al-Nashif "dans la seule province de Nangarhar, au moins 50 exécutions extrajudiciaires de personnes soupçonnées d'être membres de l'EI-K (le groupe jihadiste État islamique - Khorasan, mouvement rival des talibans ndlr) semblent avoir été commises".
Les États-Unis et leurs alliés occidentaux se sont déjà montrés "préoccupés" par ces exécutions, révélées par des organisations de défense des droits humains, et ont demandé l'ouverture rapide d'enquêtes.
Mais les talibans ont rejeté ces accusations.
"Il y a eu des cas de meurtres d'anciens membres des forces de sécurité" du gouvernement renversé l'été dernier, "mais à cause de rivalités ou inimitiés personnelles", selon le porte-parole du ministère taliban de l'Intérieur, Qari Sayed Khosti.
“Faim et misère”
Mme Al-Nashif a par ailleurs alerté sur la souffrance du peuple afghan, confrontée, selon l'ONU, à l'une des pires catastrophes humanitaires au monde.
Soulignant que la crise "est aggravée par l'impact des sanctions et le gel des avoirs de l'État", elle a averti la communauté internationale que ses "choix politiques (...) sont une question de vie ou de mort" pour les Afghans.
Le Programme alimentaire mondial de l'ONU a aidé 15 millions de personnes jusqu'à présent en 2021 dans le pays, dont 7 millions rien qu'en novembre - contre 4 millions en septembre.
Et il a annoncé mardi qu'il allait accélérer ses opérations afin de venir en aide "à plus de 23 millions de personnes confrontées à la faim sévère" en Afghanistan, en proie aux effets combinés de la sécheresse causée par le réchauffement climatique et de la paralysie économique.
L'économie du pays est au point mort depuis l'arrivée au pouvoir des fondamentalistes, qui a amené la communauté internationale à geler l'aide sur laquelle elle reposait très largement.
"L'Afghanistan est confronté à une situation de faim et de misère comme je n'en ai jamais vue depuis plus de vingt ans que je travaille pour le PAM", a affirmé la responsable de l'agence dans le pays, Mary-Ellen McGroarty.
“Questions sans réponse”
Le retour au pouvoir commandes des talibans est survenu 20 ans après qu'ils en ont été chassés par les forces américaines, qui les avait punis d'avoir hébergé des leaders d'Al-Qaïda, auteurs des attentats du 11-Septembre quelques mois plus tôt.
Les États-Unis avaient mis fin à leur régime fondamentaliste, qui leur avait valu l'opprobre international en raison notamment du traitement brutal des femmes, de l'irrespect des droits humains et de l'interprétation rigoriste de l'islam.
Les dirigeants talibans d'aujourd'hui, désireux d'acquérir une respectabilité internationale, ont promis que leur régime serait différent.
Le 3 décembre, le chef suprême des talibans a demandé au gouvernement, dans un décret, de "prendre des mesures sérieuses pour faire respecter les droits des femmes" en Afghanistan, notamment contre les mariages forcés, sans mentionner le droit de travailler ou d'étudier.
Mardi, Mme Al-Nashif a qualifié ce décret de "signal important" mais qui "laisse de nombreuses questions sans réponse".
"Par exemple, a-t-elle dit, il n'indique pas clairement un âge minimum pour le mariage et ne fait pas référence aux droits plus larges des femmes et des filles à l'éducation, au travail, à la liberté de mouvement ou de participation à la vie publique".
Elle a également déploré le "déclin marqué" de la fréquentation de l'école secondaire par les filles, en raison notamment du manque d'enseignantes.
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