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Joe Biden jure de rassembler l’Amérique

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Joe Biden jure de rassembler l’Amérique
Le 46e président des États-Unis a prêté serment sans heurts, mercredi, dans une capi tale sous très haute surveillance. Un nouvel épisode du feuilleton planétaire qu’est devenue la politique américaine vient de commencer par l’investiture de Joe Biden. Mercredi à midi, l’ancien vice-président d’Obama et ex-sénateur du Delaware est devenu le 46e président des États-Unis, au cours d’une cérémonie d’investiture qui s’est déroulée sans public, dans une capitale transformée en camp retranché et sous forte protection militaire.

Les circonstances de son entrée en fonction auraient difficilement pu être plus défavorables. À 78 ans, à l’âge où d’autres profitent de leur retraite, Biden prend la tête d’un pays plongé dans une grave crise sanitaire et profondément divisé politiquement, dont la moitié ne reconnaît pas la légalité de son élection. Il hérite de la tâche immédiate de juguler la pandémie de Covid-19 tout en luttant contre la politisation extrême qui entoure la moindre mesure de santé publique.


Après les deux mois et demi d’incertitude qui ont suivi le scrutin présidentiel, contesté jusqu’au bout par Trump et ses partisans, la cérémonie d’entrée en fonction de Joe Biden avait l’allure d’un exorcisme collectif. En présence de trois anciens présidents, Clinton, Bush et Obama (Carter ayant été empêché par son grand âge), mais aussi de responsables républicains comme le sénateur Mitch McConnell, ou le vice-président Mike Pence, qui se sont opposés aux tentatives de Trump pour renverser le résultat du scrutin, Biden a lancé un appel à l’union.


«C’est le jour de l’Amérique! C’est le jour de la démocratie, a-t-il dit dans son discours inaugural, tradition qui remonte à George Washington. Aujourd’hui, nous célébrons le triomphe non pas d’un candidat, mais d’une cause, la cause de la démocratie. Le peuple, la volonté du peuple, a été entendu et la volonté du peuple a été prise en compte».


«Une fois de plus l’Amérique a été mise à l’épreuve, une fois de plus l’Amérique a relevé le défi», a-t-il ajouté, en référence directe aux événements du Capitole, sur les lieux mêmes où l’émeute avait, quinze jours plus tôt, tenté d’interrompre la certification de sa victoire. «Nous avons appris une fois de plus que la démocratie est précieuse, que la démocratie est fragile. À cette heure, mes amis, la démocratie l’a emporté… Désormais, sur cette terre sacrée où, il y a quelques jours encore, la violence cherchait à ébranler les fondements mêmes du Capitole, nous nous rassemblons en une seule nation, sous l’égide de Dieu, indivisible, pour procéder à la passation pacifique du pouvoir, comme nous le faisons depuis plus de deux siècles.»


De la même façon que son prédécesseur s’était soigneusement abstenu de prononcer son nom depuis l’élection, Biden n’a pas une seule fois mentionné celui de Donald Trump pendant son allocution. Mais ses appels à surmonter les divisions et l’esprit partisan étaient largement dirigés contre le président sortant, souvent prompt à recourir à la polémique et aux attaques ad hominem. «Un désaccord ne doit pas conduire à la désunion. Je vous le promets, je serai un président pour tous les Américains, et je me battrai aussi bien pour ceux qui ne m’ont pas soutenu que pour ceux qui l’ont fait», a dit Biden en reprenant un de ses thèmes de campagne.


Apaiser les tensions


Il a aussi mis en garde contre ce qu’il a appelé une «guerre d’incivilité», dont l’attaque contre le Capitole a été la dernière manifestation en date, et la plus éclatante. «Je sais que parler d’unité peut paraître de nos jours relever d’une folle fantaisie, a dit le nouveau président américain. Je sais aussi que les forces qui nous divisent sont profondes et réelles, mais je sais aussi qu’elles ne sont pas nouvelles. Notre histoire a été une lutte constante entre l’idéal américain selon lequel nous sommes tous créés égaux et la dure et laide réalité que sont le racisme, le nativisme, la peur, la diabolisation, et qui nous ont longtemps déchirés. La bataille est perpétuelle et la victoire n’est jamais assurée.»


«Mais pendant la guerre de Sécession, la Grande Dépression, les guerres mondiales, le 11 Septembre, notre meilleur côté a toujours triomphé… L’histoire, la foi et la raison nous montrent la voie, qui est celle de l’unité. Nous pouvons nous voir non pas comme des adversaires, mais comme des voisins. Nous pouvons nous traiter les uns les autres avec dignité et respect. Nous pouvons unir nos forces, arrêter de crier et faire baisser les tensions.»


«Mes amis, c’est le moment de vérité. Nous sommes confrontés à une attaque contre notre démocratie et contre la vérité elle-même, à un virus qui échappe à tout contrôle, aux inégalités croissantes, au racisme, à la crise climatique, à la dégradation de l’image de l’Amérique dans le monde. Chacun de ces éléments est à lui seul un défi. Il est temps de faire preuve d’audace, car il y a tant à faire. Une chose est sûre, c’est que nous serons jugés, vous et moi, par la façon dont nous résoudrons l’accumulation de ces crises de notre temps.»


Biden a aussi adressé son message au reste du monde, qui assiste depuis deux mois médusé à la crise politique américaine: «À ceux qui se trouvent au-delà de nos frontières, l’Amérique a été mise à l’épreuve et nous en sommes sortis plus forts. Nous allons réparer nos alliances et nous engager à nouveau avec le monde. Non pas pour relever les défis d’hier, mais plutôt les défis d’aujourd’hui et de demain. Et nous mènerons, non seulement par l’exemple de notre puissance, mais par la puissance de notre exemple. Nous serons un partenaire solide et digne de confiance pour la paix, le progrès et la sécurité.»


Soigneusement chorégraphiée, l’investiture comportait tout le sérieux que mettent les Américains dans leurs cérémonies politiques, et tout le décorum dont ils entourent leurs institutions. En l’absence d’autre public que le millier d’invités officiels et leurs familles, la foule avait été remplacée par des petits drapeaux américains plantés le long du Mall, la grande esplanade du centre de Washington. Et une partie des troupes de la Garde nationale déployée en renfort de la police dans la capitale, a pu applaudir le nouveau président.


Son âge, qui fait de lui le plus vieux président de l’histoire du pays, lui donne aussi le recul nécessaire vis-à-vis des passions du moment.
L’élection à la présidence des États-Unis de ce vieux monsieur un peu frêle, parfois irascible et aux talents d’orateur limités n’est pas l’événement le moins étrange de cette période. Mais, de la même façon qu’il a surpris ses adversaires comme ses concurrents pendant la primaire du Parti démocrate, puis pendant l’élection présidentielle, Biden possède des ressources dont disposent rarement les politiciens.


Trente-six ans passés au Sénat, suivis par huit années comme vice-président, lui laissent une connaissance des rouages institutionnels et du fonctionnement du système politique, dont n’a bénéficié aucun président américain depuis Lyndon Johnson.

Son âge, qui fait de lui le plus vieux président de l’histoire du pays, lui donne aussi le recul nécessaire vis-à-vis des passions du moment. Présenté par Trump tantôt comme un endormi, tantôt comme un socialiste extrémiste, Biden s’est comporté depuis l’élection du 3 novembre avec une grande retenue. Pendant que son prédécesseur fulminait contre une fraude qu’il n’est jamais parvenu à prouver, et se laissait entraîner vers des tentatives de plus en plus hasardeuses pour renverser ce résultat, Biden s’est abstenu de polémiquer avec lui.

Choisi par défaut par une majorité d’électeurs déterminés à ce que Trump n’ait pas de deuxième mandat, porté par une pandémie qui a révélé les limites des capacités de son prédécesseur à gouverner, Biden va devoir à présent montrer qu’il est à la hauteur des espoirs qui ont été placés en lui.  


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