Jean-Claude Juncker a été désigné vendredi candidat pour la présidence de la Commission européenne par les dirigeants des Vingt-Huit, qui lui ont donné pour mandat d'oeuvrer pendant cinq ans en faveur de la croissance et de l'investissement.Le Conseil européen a été contraint à un vote à la majorité qualifiée par l'inflexibilité du Premier ministre britannique David Cameron, quasiment isolé mais résolu dans sa lutte contre un homme qu'il juge trop fédéraliste et contre le "coup d'Etat" du Parlement européen dont ses ex-alliés ont pris acte.L'ancien Premier ministre luxembourgeois a sans surprise été désigné avec 26 voix contre deux, la Hongrie y étant aussi hostile, et va donc se présenter devant le Parlement le 16 juillet, en vue d'une élection a priori formelle.
Il formera ensuite son équipe en coopération avec les Etats membres avant de subir avec la Commission européenne tout entière un vote d'investiture qui permettra au nouvel exécutif de l'UE d'entrer en fonctions le 1er novembre 2014.Candidat présenté par les conservateurs du PPE lors des élections, il a le soutien de son groupe mais aussi des sociaux-démocrates qui ont obtenu, sous l'impulsion de l'Italie et de la France, une inflexion pour la croissance et l'investissement adoptée à l'unanimité, ainsi que des libéraux et des Verts.David Cameron a pourtant bataillé jusqu'au bout et rappelé, lors du déjeuner des chefs d'Etat et de gouvernement, son hostilité au processus comme à l'ex-président de l'Eurogroupe."Nous devons accepter le résultat et le Royaume-Uni va maintenant travailler avec le président de la Commission comme le faisons toujours (...) Mais soyons absolument clairs : c'est une mauvaise journée pour l'Europe", a dit David Cameron.
MERKEL ET RENZI S'ACCORDENT
Le dirigeant britannique a en outre estimé que ce résultat lui compliquerait la tâche s'il devait être l'avocat du maintien de son pays dans l'UE lors du référendum qu'il prévoit pour 2017 et qu'il a menacé d'anticiper avant le sommet."Je crois que l'intérêt national du Royaume-Uni réside dans la réforme de l'UE, dans la tenue d'un référendum sur cette réforme et dans le fait de recommander que nous restions dans une UE réformée. Est-ce devenu plus dur ? Oui", a-t-il dit.Le résultat et les doutes qu'il fait peser sur l'implication britannique dans la construction européenne ont d'ailleurs accentué encore la notion d'Europe à deux vitesses, déjà actée par la zone euro.
"Cameron a souhaité que soit évoqué le fait que l'Europe puisse évoluer à plusieurs rythmes, à plusieurs vitesses (...) voilà ce qui peut, sans modifier les traités, être mené à bien sur les prochaines années", a jugé François Hollande.David Cameron en avait fait une question de principe et a demandé un vote qui lui permettra de se défendre au Royaume-Uni, où sa résistance l'a relancé après la percée des souverainistes de l'Ukip lors des élections européennes de fin mai dont les leçons ont été tirées lors de la définition des priorités.Le futur président de la Commission devra mettre en oeuvre la feuille de route adoptée par les Vingt-Huit sur leurs orientations pour les cinq ans à venir, pendant lesquels il conviendra de faire la "meilleure utilisation" des souplesses du pacte de stabilité pour évaluer les budgets.
Cette formule est issue d'un compromis trouvé notamment lors d'un entretien bilatéral entre Angela Merkel et le président du Conseil italien Matteo Renzi, durant lequel la chancelière a rappelé son attachement au respect des règles.Une phrase - "Nous respectons le pacte de stabilité et de croissance" - a ainsi été ajoutée dans la dernière version du Programme stratégique."Le texte dit très clairement que le pacte de stabilité et de croissance actuel est valide", a souligné Angela Merkel en conférence de presse à l'issue du sommet."Le meilleur usage de la flexibilité signifie le meilleur usage, pas le plus grand usage possible mais le meilleur, le plus approprié pour une situation donnée. Et ce ne sont pas les Etats membres qui décident, c'est la Commission européenne.
"LA COMMISSION DEVRA ALLER À L'ESSENTIEL
En contrepartie, Matteo Renzi et ses alliés sociaux-démocrates, dont la France, ont donc obtenu que soit rappelée la possibilité de bénéficier d'une certaine flexibilité.Le programme fait apparaître une inflexion en faveur de la croissance, comme le voulait le centre-gauche qui conditionnait à cela son soutien à Jean-Claude Juncker.Il reprend des propositions formulées cette semaine dans "l'initiative de croissance" adressée par la France à ses partenaires après un sommet des sociaux-démocrates à l'Elysée.Le texte appelle notamment à faire le "plein usage des fonds structurels de l'UE", à mobiliser les financements privés comme publics, dont ceux de la Banque européenne d'investissement, et donne comme priorité le financement des infrastructures de transports, d'énergie et de télécoms, dans l'efficacité énergétique, l'innovation et l'éducation.
"Pour moi, l'essentiel, c'était les orientations", a dit François Hollande. "Les cinq priorités correspondent à ce que nous avions souhaité", a-t-il ajouté, citant la croissance et l'emploi, l'emploi des jeunes, la politique énergétique commune, la maîtrise des frontières et l'Europe de la défense.Le texte final reprend en outre une position largement partagée sur les prérogatives de la Commission."L'Union doit concentrer son action sur les domaines où elle fait une vraie différence", dit-il, ajoutant qu'elle doit laisser faire les Etats là où ils sont tout aussi efficaces.(Gregory Blachier, avec Jan Strupczewski, Julia Floretti, Giselda Vagnoni et Alastair Macdonald, édité par Yves Clarisse)
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