PORTRAIT – Auteur de l'hymne des Bleus pour l'Euro, le rappeur Youssoupha est attaqué par le Rassemblement national, qui lui reproche d'anciens textes sulfureux contre Marine Le Pen et Eric Zemmour. Retour sur la carrière du natif de Kinshasa, représentant d'un hip-hop engagé depuis plus de 15 ans.
La première polémique de l'Euro 2021 se joue hors des terrains. Mercredi, la Fédération Française de Football mettait en ligne le clip de "Écris mon nom en bleu", un titre composé et interprété par le rappeur Youssoupha pour accompagner les joueurs de Didier Deschamps dans leur quête du titre continental. Ce jeudi, c'est Jordan Bardella, la tête du liste du Rassemblement national aux Régionales en Île-de-France, qui s'en est pris le premier à l'artiste, évoquant plusieurs "punchlines" issues de son répertoire. "Ça me choque qu'on choisisse quelqu'un comme cela pour représenter la France à l'Euro", a-t-il ainsi déclaré sur le plateau de FranceInfo.
Le n°2 du RN fait référence à deux chansons, sortis à des périodes différentes. "J'mélange mes fantasmes et mes peines. Comme dans c'rêve où ma semence de nègre fout en cloque cette chienne de Marine Le Pen", scandait en 2007 Youssoupha sur Eternel Recommencement, un titre extrait de son tout premier album qui n'avait, à l'époque, entraîné aucune réaction de la part de la future candidate à la présidentielle. Ce vendredi, elle a appelé la FFF à "renoncer au choix du rappeur Yousoupha, dont les propos insultants et outranciers choquent bon nombre de Français".
Deux ans plus tard, Eric Zemmour avait en revanche décidé de porter plainte contre le rappeur pour "menaces de crimes et injures publiques" après avoir découvert les paroles de la chanson "A force de le dire", issu de l'album Sur les chemins du retour. "À force de juger nos gueules, les gens le savent, qu'à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards", dénonçait l'intéressé, "chaque fois que ça pète on dit qu'c'est nous, j'mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d'Éric Zemmour".
Si le tribunal correctionnel de Paris avait donné raison au polémiste en première instance, fin 2011, la cour d'appel avait jugé quelques mois plus tard que ces propos n'étaient pas diffamatoires car ils "n'excédaient pas les limites admissibles en matière de liberté d'expression artistique". Une décision à laquelle Youssoupha fera référence, en 2015, sur le titre "Où est l'amour" : "Dites à Zemmour qu'il s'étouffe, j'suis jugé non coupable".
Youssoupha, 41 ans, n'a pas encore réagi à la polémique. Né à Kinshasa, au Congo, avant de déménager en France à l'âge de 12 ans, d'abord à Béziers puis en région parisienne, ce représentant du rap "conscient", antithèse engagée du hip-hop bling-bling, n'a jamais caché ses convictions politiques. Quand bien même il a refusé de se produire aux côtés du candidat François Hollande en 2012. "Je ne me voyais pas être l'homme d'une chapelle et je ne savais pas pour qui j'allais voter", expliquera-t-il plus tard à L'Obs.
Dans ses textes, comme dans ses interventions publiques, Youssoupha évoque régulièrement la difficulté d'être Noir en France, comme dans cette interview accordée à Libération, en 2015, à la sortie de l'album NGRTD, contraction de Négritude, qui lui vaut une nomination aux Victoires de la musique. "On demande aux Noirs, aux Maghrébins d'être français, et on veut être français, mais on rencontre toujours des difficultés à l'école, devant la justice ou lorsque l'on cherche un emploi", déplore-t-il.
La même année, il s'en prend au débat récurrent sur l'identité nationale et défend les vertus du métissage, citant Malcolm X et Nina Simone lorsqu'il ne sample pas Aimé Césaire. "Je suis noir, musulman, d'origine congolaise, né à Kinshasa. Ma femme, née en France, est d'origine tchadienne et chrétienne", explique-t-il à L'Humanité. "Il faut accepter de basculer dans l'autre société avec ces nouveaux Français, ces nouveaux Européens, ces nouvelles cultures. Jeanne d'Arc, Vercingétorix, Versailles, Daniel Guichard, c'est fait. Maintenant, on passe à autre chose."
Depuis 5 ans, c'est en famille que Youssoupha a décidé d'aller s'installer à Abidjan, en Côte d'Ivoire, où il a notamment fait office de coach dans la version locale de The Voice. Une décision qu'il expliquait sur Europe 1 au printemps dernier, à l'occasion de la sortie de son nouvel album, Neptune Terminus. "Je suis étonné par la manière dont les gens ont réagi quand j'ai dit que je retournais vivre en Afrique", racontait-il. "Ils me disent 'Mais pourquoi tu fais ce sacrifice ?', alors que c'est tout le contraire : j'ai une plus grande maison, une meilleure qualité de vie, et mes enfants sont plus épanouis."
2 Commentaires
Finess
En Mai, 2021 (08:42 AM)j'en peut plus de ces privilegies noirs ou blancs qui donnent des lecons de savoir vivre
Reply_author
En Mai, 2021 (14:29 PM)Participer à la Discussion