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Explosions à Beyrouth : "Je ne vois pas comment le Liban pourrait se relever de cette nouvelle tragédie"

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Explosions à Beyrouth : "Je ne vois pas comment le Liban pourrait se relever de cette nouvelle tragédie"
Au lendemain de la double explosion survenue dans le port de Beyrouth, la capitale du Liban est dévastée. Les Libanais sont sous le choc d’une tragédie perçue comme le coup de trop dans un pays déjà très fragilisé par une grave crise économique, politique et sanitaire. 

Lourd bilan humain, scènes apocalyptiques, destructions monstres... Le Liban s’est réveillé groggy, toujours sous le choc des gigantesques explosions survenues, mardi 4 août, dans le port de Beyrouth. Le désastre qui a secoué le pays du Cèdre a fait plus de 100 morts et 4 000 blessés, et frappé de plein fouet plusieurs quartiers limitrophes de la capitale.

Endeuillés, les Libanais vont devoir une énième fois panser leurs plaies et encaisser un nouveau choc. Le pays est plongé dans une crise économique aiguë, la monnaie nationale est en chute libre, l’appauvrissement de la population s’accélère. Sans compter la pandémie de Covid-19 venue aggraver une situation, qui échappe au contrôle d’un pouvoir contesté dans la rue et accusé d’être corrompu et incompétent.

"Il ne nous manquait plus que ça, alors que les Libanais sont démoralisés et à bout de force... Tout a implosé hier, un peu à l’image du pays depuis quelques temps, confie Fadi, un ingénieur civil joint par France 24, qui a été projeté à un mètre dans son appartement au moment de l'explosion. Avec toutes les crises qui nous frappent en même temps nous pensions avoir touché le fond mais avec cette explosion on se demande quand est-ce que cette spirale dramatique prendra fin".

"Beyrouth est détruite, mon cœur est dévasté"

Sidérés par ce nouveau drame, les Libanais ont découvert, mercredi matin, une capitale meurtrie. Les dégâts s’étendent dans un rayon de plusieurs kilomètres autour du port, lui-même presque entièrement rasé. Dans le cœur de Beyrouth, des logements ont été dévastés et les vitres soufflées. La puissance cataclysmique de l’explosion a même provoqué l’effondrement total ou partiel de certains bâtiments.

"C’est comme si un tremblement de terre avait frappé le Liban tout entier et sa capitale", a indiqué le président du conseil municipal de Beyrouth, Jamal Itani.

Dans certains quartiers de la capitale durement touchés, comme Achrafiyé, Dora, ou encore Gemmayzé et Mar Mikhael, d’ordinaire très prisés par les noctambules, les rues sont jonchées de débris et de voitures écrasées. L'étendue des dégâts et la désolation qui y règnent rappellent des scènes de guerre (1975-1990) toujours vives dans les mémoires libanaises.

"Nous n'avons pas dormi de la nuit. Notre logement est sinistré, nous n’avons plus de porte, plus de fenêtre, nous ne faisons que pleurer. Nous ne pouvons rien faire d’autre, raconte à France 24 Maya, une avocate beyrouthine. Ma ville, celle de mon enfance et de mes enfants, a été soufflée, des innocents sont morts. Je n’ai jamais vécu un choc pareil et j’ai pourtant vécu la guerre. Beyrouth est détruite, mon cœur est dévasté".

Les commerces du centre-ville, reconstruits après la fin de la guerre du Liban et situés à quelques kilomètres du port, ont eux aussi été violemment frappés par le souffle de l’explosion. La déflagration, qualifiée de "Beyrouthshima" par des médias locaux, en référence à l’attaque nucléaire d’Hiroshima, a également provoqué des dégâts matériels dans la proche banlieue de Beyrouth, à plus de 10 kilomètres du port.

Le gouverneur de Beyrouth, Marwan Aboud, a indiqué que 300 000 des deux millions d'habitants que compte la capitale sont désormais sans domicile à cause de l’explosion, qui a "détruit ou touché près de la moitié de la ville". Selon lui, les dommages pourraient s'élever “à entre trois et cinq milliards de dollars".

Alors que les secouristes tentent toujours de retrouver des victimes parmi les débris du port, et que de nombreuses personnes sont encore portées disparues, le bilan humain de la double explosion, provoquée, selon les autorités, par l’explosion d’un entrepôt contenant 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium, risque de s’alourdir. 


Les hôpitaux de la capitale, dont certains ont été touchés par l'explosion, et déjà sous pression en raison du Covid-19 et en manque de matériels en raison de la crise économique, ont été contraints de rediriger un certain nombre de victimes vers des établissements hospitaliers en banlieue et dans les régions plus éloignées.

"Nous sommes confrontés, et c’est la première fois depuis des dizaines d’années, à une catastrophe d’une ampleur exceptionnelle", a indiqué à France 24 le secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise, George Kettaneh.

"Notre capacité de résilience légendaire est presque épuisée"

Les Libanais redoutent déjà les conséquences sociaux-économiques de cette tragédie dans ce pays qui affiche une dette abyssale. D’autant plus que le port de Beyrouth, principale portée d’entrée d’un pays qui importe 80 % de ses besoins, qu’il s’agisse de produits agricoles ou agro-industriels, risque de rester longtemps paralysé. L'Agence des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation, la FAO, a dit craindre à court terme un problème de disponibilité de farine pour le Liban, des silos de céréales installés près du port ayant été éventrés et détruits.

"Comment allons-nous vivre sans nos morts ? Qui va réparer les dégâts de cette catastrophe ? Comment allons-nous faire pour nous nourrir ? Qui va réparer nos logements et nos commerces ? Le pays est à terre, les gens sont ruinés, je ne vois pas comment le Liban pourra se relever d’une telle tragédie", poursuit Maya.

"Les catastrophes se succèdent pour le Liban, la descente aux enfers se poursuit. Qui peut supporter une telle malédiction, une telle succession de malheurs ? Notre capacité de résilience légendaire est presque épuisée. C’est terminé, il ne reste plus que le désespoir”, explique Fadi. Se décrivant comme un patriote amoureux de son pays, il confie envisager sérieusement d’émigrer avec sa famille. "On ne peut plus vivre au Liban, c’est devenu impossible. Nous sommes dans de la survie".

Depuis mardi, de nombreux pays ont proposé de l’aide au Liban, dont les États-Unis, l’Iran et certains pays arabes comme le Qatar. De son côté, l'Union européenne va envoyer à Beyrouth une centaine de pompiers spécialisés pour aider les recherches et est prête à mobiliser une aide supplémentaire, a annoncé mardi le commissaire européen chargé de la gestion des crises.

La France, qui entretient des relations historiques avec le pays du Cèdre, va envoyer un détachement de la sécurité civile et "plusieurs tonnes de matériel sanitaire", a annoncé le président Emmanuel Macron sur Twitter. L'Élysée a également annoncé que le chef de l'État se rendra jeudi au Liban pour "rencontrer l'ensemble des acteurs politiques".

"C’est du jamais vu dans le pays même en temps de guerre. Cette tragédie tombe au plus mauvais moment, alors que le gouvernement ne répond en rien aux demandes du peuple, qui manifeste depuis le mois d’octobre contre le pouvoir, souligne Ziad Baroud, ancien ministre de l’Intérieur, interrogé par France 24. Le drame est immense mais ce qui est désolant, c’est que nous sommes en pleine crise économique et sanitaire. La population va donc devoir faire face à de nombreux défis avec très peu de moyens et d’outils pour les affronter".

Sur les réseaux sociaux, la colère gronde contre les dirigeants libanais accusés d’avoir plongé le pays dans le chaos et d’être, par incompétence, à l’origine du désastre du 4 août.

"Cette classe politique, qui nous vole et nous ment depuis des années, qui nous prive d’électricité chaque jour, nous tuait à petit feu. Avec cette explosion, c’est son incompétence qui nous tue tout court, bientôt ils nous auront tous", conclut Maya.  


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