Theresa May a fortement suspecté, ce lundi, la Russie d'être «responsable» de l'empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia à Salisbury. Elle a donné jusqu'à mardi soir à Moscou pour fournir des explications sous peine de sanctions.
Theresa May est au pied du mur. Plus d'une semaine après l'empoisonnement de l'ex-espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia à Salisbury (sud-ouest de l'Angleterre), la première ministre est poussée à réagir avec fermeté, rapidement. Après avoir présidé ce lundi matin une réunion du Conseil de sécurité nationale pour faire le point sur l'enquête et les commanditaires de l'attaque, la chef du gouvernement a affirmé, en début de soirée dans une déclaration devant les députés britanniques, qu'il était «très probable que la Russie soit responsable» de cet empoisonnement.
Soulignant que le produit innervant utilisé contre l'ex-agent double et sa fille Youlia était une substance «de qualité militaire» développée par la Russie, Theresa May a donné jusqu'à mardi soir à Moscou pour fournir des explications à l'Organisation pour la prohibition des armes chimiques. Londres est accusé de lenteur dans sa réaction à la tentative de meurtre commise à l'aide d'un agent neurotoxique, dimanche 4 mars. Lors d'un conseil des ministres, mardi, Theresa May avait résisté aux pressions de son ministre des Affaires étrangères Boris Johnson de débattre du sujet, au motif que l'enquête n'avait pas suffisamment avancé. Deux autres poids lourds du gouvernement, dont le ministre de la Défense, Gavin Williamson, se seraient agacés de l'approche «molle» de Theresa May, taxée d'être «dans le déni».
Moscou accuse Londre de jouer à un «jeu très dangereux»
Le président russe, Vladimir Poutine, a conseillé ce lundi à Londres de «tirer les choses au clair». Interrogé par la BBC sur une éventuelle responsabilité de la Russie, le chef de l'État a répondu, selon les agences de presse russes: «Tirer les choses au clair de votre côté et après nous en parlerons avec vous». L'ambassade de Russie à Londres a, de son côté, accusé lundi le gouvernement britannique de jouer un «jeu très dangereux» vis-à-vis de la Russie dans sa manière de mener l'enquête. Cela «envoie l'enquête sur une piste politique inutile, et porte le risque de graves conséquences à long terme pour nos relations» bilatérales, a indiqué la représenation diplomatique dans un communiqué.
Interrogé plus tôt dans la journée sur les allégations de ces médias concernant une éventuelle implication de Moscou, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov avait répondu n'avoir «pas entendu de déclarations de responsables politiques britanniques selon lesquelles la Russie est impliquée». «Le citoyen russe mentionné avait travaillé pour l'un des services secrets britanniques, l'incident s'est passé sur le territoire britannique et ce n'est d'aucune façon le problème de la Russie, encore moins de ses dirigeants», a-t-il ajouté au cours d'un point de presse.
D'aucuns rappellent que la Grande-Bretagne traîne encore à appliquer la pleine mesure des sanctions européennes déjà prises contre Moscou. Theresa May est accusée de prudence, après que le Parti conservateur a reçu environ 1 million d'euros de donateurs russes depuis qu'elle en est à la tête. Le Royaume-Uni hésite à frapper au portefeuille la riche communauté russe expatriée qui soutient en large partie l'activité économique de la capitale (City, immobilier, restaurants…).
Marina Litvinenko: «On voit que rien n'a été fait»
Veuve d'Alexandre Litvinenko, ancien espion retourné du KGB empoisonné au polonium-210 à Londres en 2006, Marina Litvinenko accuse Theresa May d'inaction. Elle a rendu publique une lettre dans laquelle l'actuelle première ministre, alors ministre de l'Intérieur, lui promettait de «tout faire pour qu'un tel crime ne se reproduise jamais». Or «on voit que rien n'a été fait», a-t-elle déclaré dimanche.
.Les autorités sont aussi sur la sellette pour leur lenteur à alerter le public des mesures de protection nécessaires. Ce n'est qu'une semaine plus tard que les autorités sanitaires ont conseillé à 500 clients d'un restaurant et d'un pub, où les victimes s'étaient rendues avant de perdre connaissance, de bien laver leurs vêtements et objets personnels. Plus d'une trentaine de personnes, principalement parmi les services de secours, ont subi des traces légères de contamination. Un policier, plus gravement touché, est toujours hospitalisé. Sergueï et Ioulia Skripal sont pour leur part gardés en soins intensifs dans un état «grave mais stable», à l'hôpital de Salisbury.
L'enquête mobilise plus de 250 policiers spécialistes de l'antiterrorisme, appuyés sur le terrain par 180 militaires. Elle étudie des centaines d'indices et a identifié 200 témoins potentiels.
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