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Élections boliviennes : face à Evo Morales, une opposition déchirée

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Dirigés depuis 2006 par Evo Morales, les Boliviens votent dimanche pour l'élection présidentielle
Le président bolivien, Evo Morales, brigue un quatrième mandat dimanche 20 octobre en dépit du refus exprimé par ses concitoyens lors d'un référendum. La division de l'opposition pourrait lui permettre de réussir son pari.

Qui pour barrer la route à Evo Morales ? Alors que le premier président amérindien du continent brigue un quatrième mandat consécutif en Bolivie, ses opposants, qui dénoncent une dérive autoritaire du chef d'État, peinent à s'unir. État des lieux de l'opposition alors que plus de 7,3 millions d'électeurs boliviens sont appelés aux urnes dimanche 20 octobre.

Carlos Mesa, le challenger le mieux placé

Historien, écrivain, cinéaste, journaliste, Carlos Mesa est le candidat le mieux placé pour faire vaciller Evo Morales, selon les derniers sondages d'opinion. C'est une figure bien connue des Boliviens puisqu'il a déjà occupé le poste suprême pendant plusieurs mois entre octobre 2003 et juin 2005.

Élu vice-président aux côtés de Gonzalo Sánchez de Lozada en 2002, il avait pris sa place après la fuite à l'étranger de ce dernier à la suite de la mort d'au moins 60 personnes causée par la répression militaire. Il tente alors de mener une politique d'ouverture, mais est à son tour poussé vers la sortie après une série de manifestations, dirigées notamment par Evo Morales, alors leader syndical.

Les deux rivaux électoraux ont déjà travaillé ensemble par le passé. En 2014, Carlos Mesa fut chargé par le président bolivien d'être le porte-parole officiel de la Bolivie concernant sa plainte devant la Cour internationale de justice à La Haye pour réclamer au Chili un accès souverain à la mer. Il avait alors indiqué placer l'intérêt de son pays au-dessus de la politique.

Carlos Mesa ne rejette d'aillleurs pas intégralement le bilan d'Evo Morales. Il a reconnu que ce dernier avait permis des avancées sociales, notamment au niveau de l'inclusion des peuples autochtones dans la vie publique. Cependant, il essaie de capitaliser sur le passage en force du président pour se présenter son quatrième mandat. "¡Ya es demasiado!" ("Assez !") est son slogan et il tire à boulets rouges sur le président qu'il accuse d'autoritarisme, de corruption et de mauvaise gestion.

"Ils ne vont pas rester (au pouvoir) pour toujours. Ça fait déjà trop longtemps !", a-t-il lancé en clôture de campagne depuis Santa Cruz, la ville la plus peuplée et riche du pays et bastion de l'opposition.

Oscar Ortiz, l'entrepreneur

Santa Cruz, c'est justement le fief d'Oscar Ortiz. Actuellement sénateur, cet entrepreneur est à la tête de mouvement "La Bolivie a dit non", en 3e position dans les sondages, et représente la droite. Lui aussi réclame un "retour de la démocratie", qui aurait été niée après le référendum de 2016.

Peu connu au niveau national, il a annoncé sa candidature dès novembre 2018. Son dynamisme dans les meetings lui a permis d'atteindre les 10 % d'intentions de vote. En formant un ticket avec son collègue sénateur Edwin Rodríguez, représentant l'ouest bolivien indigène, il espérait symboliser l'union nationale. Cependant, ce dernier s'est désisté de manière surprise pour Carlos Mesa en juin 2019, "seul candidat capable de battre Morales", selon ses mots.

De manière étonnante, Oscar Ortiz a passé une bonne partie de sa campagne à attaquer Carlos Mesa plutôt que le bilan du président Evo Morales. Son parti a notamment exhumé des boules puantes datant de la candidature à la vice-présidence de ce dernier, affirmant que l'historien avait touché de l'argent pour être candidat. Qualifiant la candidature de Mesa comme de l'"evismo" modéré, Oscar Ortiz se réclame de la vraie opposition.

Chi Hyun Chung, un "Bolsonaro bolivien" ?

La surprise est venue du pasteur évangélique Chi Hyun Chung. En seulement un mois de campagne, le Boliviano-Coréen a effectué une percée dans les sondages et acquis la préférence de 5 % des votants. Il se définit comme "un capitaliste chrétien" et voit Evo Morales comme "un centriste dirigeant un système communiste". Il met en scène les soins que sa clinique offre gratuitement aux plus démunis. Il a adopté comme slogan "Chi, se puede", pastichant le "si, se puede" de Barack Obama.

Le pasteur s'est également fait connaître pour ses positions conservatrices, misogynes et homophobes. Il s'est prononcé en faveur d'un couvre-feu pour tous les mineurs, a déclaré qu'une "femme devait être éduquée de manière à ce qu'elle se comporte comme telle" et que les homosexuels devraient recevoir des soins psychiatriques pour retrouver "leur identité sexuelle innée". Des propos qui ont conduit des médias boliviens de le qualifier de "Bolsonaro" local.

Interrogé sur le besoin d'une unité de l'opposition pour vaincre Evo Morales, il a refusé de tendre la main à ses deux adversaires mieux placés : "Le peuple tranchera à travers le vote pour dire qui est le meilleur candidat."

Morales, un progressiste devenu défenseur de la conservation des acquis

Une division profonde de l'opposition qui laisse à Evo Morales la possibilité d'être réélu dès le premier tour. En effet, à l'instar d'autres pays latino-américains, le candidat arrivé en tête du scrutin avec plus de 51 % des voix ou 40 % des voix et 10 points d'avance sur son second est élu dès le premier tour.

Pour le président Evo Morales, l'éventualité d'un second tour – qui aurait alors lieu le 15 décembre – serait nettement moins favorable. Il se retrouverait confronté à une opposition qui pourrait s'unir, et mettre à mal son avance du premier tour.

Paradoxe : avec son slogan de campagne "futuro seguro" ("pour un futur sûr"), le président se positionne en candidat de la continuité d'une ère de stabilité et de croissance économique. Le chantre du progressisme se fait donc défenseur de la conservation des acquis.



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