Sur mer comme sur la terre, le béton impose sa force partout. Comparé au continent africain où la mer bouscule les hommes avec les effets cumulés des changements climatiques et de l’érosion côtière, dans le golfe, c’est l’homme qui a décidé de s’attaquer au large grâce l’argent du gaz et la folie de quelques ingénieurs. Dans la principale ville du Qatar comme dans tout le golfe, des immeubles sortent de terre tous les jours. Plus grands les uns que les autres. Au milieu de la baie, un archipel artificiel entièrement dédié au tourisme est en construction : On l’appelle ici The Pearl. L’Etat, à coup de grande publicité donne les détails du futur projet perceptible sur les affiches en plein centre ville, et juste à la sortie de l’aéroport.
C’est la dernière folie des princes du pétrole et du gaz. Dans un pays d’un peu plus de 10.000 km2 peuplé seulement d’environ un million d’habitants, l’option est de mettre tout de suite les ressources pétrolières au service du développement. Universités, laboratoires, collèges et ports modernes sont en construction. Il faut gérer l’avenir. Dans le genre, le Pearl de Doha devrait être un véritable projet économique et scientifique à la fois. La première phase du développement de ce projet sera la station de Porto Arabia. Le quai devrait être une sorte de presqu’île aux fonctions multiples. Fanar croisette, est un grand phare qui signale aux navires et aux bateaux de plaisance qui entrent dans le port, leur zone d’accostage et tous les détails susceptibles de les approcher en toute sécurité de ce lieu merveilleux. Costa Malaz devrait être le second port avec des villas aménagées de telle sorte qu’elles sont face à l’océan. Une vue imprenable pour dire, qui permettra un accès direct de la fenêtre d’une suite sur la plage.
Viva Bahriya est le troisième bloc de ce complexe. Il est au centre du dispositif Pearl. Isola Dana sera enfin le quatrième élément de ce bloc de pierre et de sable qui flottera sur l’océan. C’est une chaîne de petits archipels ; et sur chacune, seront construits quelques villas et résidences avec une extension sur le golfe arabique. Ce sera un lieu à part du complexe avec des activités propres qui n’auront rien à avoir avec les autres blocs.
Pour les concepteurs, il s’agit d’un monde de découvertes et de contrastes composé d’un parc naturel, qui relie la terre et la mer autour d’un cercle. Ce projet a également été conçu pour faciliter promouvoir un nouveau style de vie, un environnement de qualité qui offre beaucoup de surprises. Pour les villas situées sur l’île, au niveau de Marina Island, l’option a été mise sur des villas de retraite, des suites pour le repos et le week-end. C’est un espace ouvert avec plusieurs zones d’entrées et de sortie composé de trois marinas avec trois zones résidentielles bien distinctives.
Chacune ayant ses caractéristiques propres, son style, une plage privée, des suites et des appartements avec le luxe qui sied dans cette ville où l’on a fini d’opter pour un gigantisme hors norme.
Le virus est venu de Dubaï
Dans la même mouvance, la ville de Dubaï est le premier port et la première ville des Émirats arabes unis. Elle a été créée dans une boucle du bras de mer qui s’insinue dans le désert et qui constitue un port naturel. Les populations l’appellent (Khor Dubaï). C’est là que tout a commencé. Si le centre-ville garde un caractère arabe, constitué de petits immeubles et de ruelles étroites, les nouveaux quartiers s’étalent le long de la côte au nord et au sud et constituent avec les villes de Jebel Ali, Bur Dubaï et Ajman, une agglomération de 2 033 787 habitants.
Ce virage brutal est accompagné par une politique de grands travaux qui vise à créer les structures d’accueil comme les aéroports, les marinas avec les hôtels et palaces, qui les accompagnent. Selon les statistiques officielles, on estime que 15 à 25% des grues du monde se trouvent à Dubaï. Deux grandes innovations dans le golfe sont aujourd’hui parmi les plus impressionnantes au monde : le Burj-Al-Arab et le Palm Islands. Située sur une île artificielle à 280 mètres de la plage et culminant à 321 mètres qui porte ce nom, le Burj-El Arab est, de l’avis des observateurs, le plus haut hôtel du monde. Juste à côté The Palm Islands est le projet le plus médiatisé lancé par l’émirat. Il s’agit de la construction de trois ensembles balnéaires, résidentiels et touristiques de luxe sur des terres et des îles en forme de palmiers entièrement gagnées sur la mer.
Une victoire sur la nature qui a un coût
Cette logique d’urbanisme s’explique bien par l’existence de contraintes climatiques assez rudes qui ont poussé les autorités du Qatar et des Emirats Arabes Unis à bâtir en hauteur pour recevoir le flot de populations vivant dans le désert sans eau douce sous la chaleur. L’explication est de Jean François Rischard, Consultant, spécialiste du moyen orient et ancien Vice-président à la Banque Mondiale pour la région. Selon lui, « Le pays peut se le permettre en ce qu il est l’un des plus riches au monde avec ses énormes réserves de gaz naturel. C’est aussi un pays qui est entrain de se préparer pour l’après pétrole. Et un jour le gaz atteindra un pic et il faudra explorer d’autres horizons. Dans un monde globalisé, dit-il, le pays essaie également de trouver une place. Le débat aujourd’hui pour ces gens est de savoir s ils peuvent fonder une économie fondée sur autre chose que le gaz. Avec beaucoup plus d innovations et de dynamisme...
La vision du futur du développement économique et de la politique des infrastructures, n’échappe pas non plus à la critique de l’analyste selon qui, « C’est une question que les gens se posent souvent pour Dubaï où il y a aussi beaucoup de gratte-ciel, des ports et des hôtels. Je ne vois pas forcement pourquoi ces projets de grands ne seraient pas viables. Vous parlez d’un grand port, je suis convaincu par rapport aux distances qui séparent ces pays, ils pourraient être des énormes relais logistiques entre l’Asie et l’Europe. Donc, selon lui, l’idée qu’ils aient des ports très efficaces, je la trouve assez bonne. Maintenant, quant aux gratte-ciels construits ici à Doha, le fait qu’ils aient de fortes croissances de populations attendues au cours des prochaines années, fait que ça résout beaucoup de problèmes que si on voulait le faire dans le désert. » Ce qui fait dire à JF. Rischard, « qu’il faut donc se rapprocher de la mer pour avoir de l’eau dessallée et la recycler après pour la reverser ailleurs dans l’agriculture… S’il s’agissait de grandes villes comme ailleurs tout cela serait bien difficile à faire et il faut de l’air conditionné pour de tels ouvrages ; et en construisant des gratte ciels, on le fait pour un immeuble ; ce qui me semble plus raisonnable. »
Une telle rationalité ne devrait pas inquiéter personne, selon lui. Mais, vu sous l’angle de la terre et d’un continent comme l’Afrique confrontée à l’avancée de la mer et à la disparition annoncées de certaines îles, comme celle du Saloum au Sénégal, certains chercheurs estiment que ces « folies » ne sauraient se faire sans contrôle surtout quand il s’agit des îles artificielles. Pour Isabelle Niang Diop, chef du département de géologie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, avec les tendances en cours qui se précisent en matière de changements climatiques, il faut penser à la maîtrise de ces ouvrages dans l’avenir, précise l’universitaire qui est Membre du Groupe Intergouvernemental pour l’Evolution du Climat (GIEC). Elle avance ainsi que « Même si Doha et Dubaï et toute la zone du golfe arabique sont dans une zone suffisamment calme au plan géologique et sismique, il n’est quand pas exclu qu’avec les effets des changements climatiques il est confirmé que le niveau des mers devrait augmenter. Les tendances sont confirmées pour ce qui est de l’avancée de la mer et de la destruction d’infrastructures ici au Sénégal ou ailleurs dans le monde. »(Lire l’interview qu’elle nous a accordée).
Au moment où toutes les grandes zones basses dans le monde comme au Bengladesh sont affectées, la recette des pays du golfe fait rêver, mais au vu des réalisations, elle ne se semble pas être réponse à une question vitale plutôt une question liée à la manne pétrolière et au boom du gaz. Elle n’est donc pas à la portée des pays pauvres parce qu’ici ce qui est visée est dans l’exotisme et le gigantisme. Pour symboliser la folie des hommes et le goût du luxe.
0 Commentaires
Participer à la Discussion