Des murs bleus autour de l’édifice, un policier est posté au carrefour : un an après le début de la pandémie, le marché aux fruits de mer de Huanan à Wuhan n’est toujours pas accessible au public. Blouson orange fluo, Li Zi He, 56 ans, fait partie des cantonniers du quartier. « Cela fait presque un an depuis l’épidémie. Il n’y a plus aucun virus sur ce marché, assure-t-elle. Ils ont tout nettoyé. Aucun magasin n’est ouvert. Tout est fermé, tout est muré ! »
Ce premier foyer épidémique déclaré et aujourd’hui nettoyé pourrait théoriquement faire partie des lieux visités par l’équipe de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), comme le laboratoire du CCDC [Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies] à côté.
D’où vient le virus ? Juste en face du marché, pour Brian, un étudiant de 22 ans qui souhaite poursuivre ces études aux États-Unis, la réponse n’est pas évidente. « Vous demandez d’où vient le virus, et vous pensez à ici ? déclare-t-il. Au début, c’est vrai, les gens pensaient comme ça, mais maintenant beaucoup estiment que le virus vient d’Europe. Personne ne sait et pour le dire, il faut des preuves. Cela peut prendre dix, vingt ans ».
Des preuves, c’est aussi ce que demande Zhu Hong, 52 ans, vendeuse de sabres lumineux et sonores aux touristes des ferries du Yangtsé tout à côté. Pour elle, « seules des preuves scientifiques permettraient de connaître l’origine du coronavirus. Et j’ai lu sur Internet que le virus viendrait en fait de l’étranger. Depuis que Wuhan a zéro cas de Covid-19, les avions sont revenus en Chine. C’est là qu’on a vu des nouveaux cas apparaître ». Cette hypothèse d’un coronavirus, né non plus en Chine, mais à l’étranger, est répétée depuis maintenant des mois par certains médias et experts chinois.
En Chine, des journalistes citoyens ont tenté tant bien que mal de faire connaître une vérité qui dérange, celle des hôpitaux saturés et d'un régime pris de court par le virus. Chen Mei, un Chinois de 27 ans, fait partie des victimes de cette censure draconienne. Avec un ami, il avait sauvegardé sur le plateforme américaine GitHub des centaines d’articles critiques, auparavant supprimés par la police de la toile. Chen Mei attend à présent son procès à Pékin. Depuis Paris, son frère Chen Kun se bat pour sa libération.
« Après la mort du lanceur d’alerte, le docteur Li Wenliang, beaucoup de Chinois étaient en colère et postaient des commentaires et des images pour réclamer plus de liberté d’expression, rappelle-t-il. Mais ensuite, le gouvernement a repris le contrôle. Si vous dites quelque chose de contraire à la propagande, vous risquez de disparaître. J’ai des amis qui ont été arrêtés juste parce qu’ils voulaient organiser une lecture de poèmes en ligne en hommage du docteur Wenliang. Le gouvernement a peur de perdre la face. Il veut faire croire que la Chine est puissante et qu’elle a remporté la victoire face à l’épidémie ».
« Jusqu’à ce jour, je n’ai aucune nouvelle de mon frère, poursuit Chen Kun. L’avocat que j’avais choisi pour le défendre a été refusé. Mon frère a été forcé d’accepter deux avocats commis d’office. Il est détenu à Pékin. On l’accuse d’avoir cherché querelle et d’avoir provoqué des troubles, ce qui peut lui valoir jusqu’à cinq ans de prison ».
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