Après 27 années de prison, Nelson Mandela est libéré le 11 février 1990 et soutient la réconciliation et la négociation avec le gouvernement du président Frederik de Klerk. En 1993, il reçoit, conjointement avec ce dernier, le prix Nobel de la paix pour leurs actions en faveur de la fin de l’apartheid et l’établissement d’une démocratie non raciale dans le pays. Premier président noir d’Afrique du Sud (1994-1999), il continue avec succès la politique de réconciliation nationale, mais néglige la lutte contre le Sida très présent en Afrique du Sud et, après un unique mandat, se retire de la vie politique active.
C’ETAIT IL YA 20 ANS...Nelson Mandela, un héros en liberté
C’est dans un contexte de crispation politique que le 2 février 1990, F.W. de Klerk prononce la levée de l’interdiction de l’Anc et de plusieurs autres organisations anti-apartheid et annonce la libération prochaine et sans condition de Nelson Mandela. Nelson Mandela est libéré le 11 février 1990 et l’événement est retransmis en direct dans le monde entier.
Le jour de sa libération, Nelson Mandela fait un discours adressé à la nation depuis l’hôtel de ville du Cap. Il y déclare son engagement pour la paix et la réconciliation avec la minorité blanche du pays, mais annonce clairement que la lutte armée de l’Anc n’est pas terminée :
« Notre recours à la lutte armée en 1960 avec la formation de l’aile militaire de l’Anc était purement une action défensive contre la violence de l’apartheid. Les facteurs qui ont rendu nécessaire la lutte armée existent toujours aujourd’hui. Nous n’avons aucune option à part continuer. Nous espérons qu’un climat propice à une solution négociée existera bientôt, ce qui rendra inutile la lutte armée. »
Mandela dit aussi que son objectif principal est de donner la paix à la majorité noire et de lui donner le droit de vote aussi bien aux élections nationales que locales. Le 26 février 1990, il demande cependant à ses partisans : « Jetez dans la mer vos fusils, vos couteaux et vos machettes », afin de pacifier les relations entre l’Anc et le gouvernement, mais aussi la rivalité entre l’Anc et l’Inkhata zoulou qui a fait de nombreuses victimes. Le 6 août, Mandela confirme les accords avec De Klerk, et l’Anc proclame la fin de la lutte armée. Le 30 juin 1991, le Parlement vote la suppression des dernières lois piliers de l’apartheid encore en vigueur qu’étaient la loi sur la classification raciale et celle sur l’habitat séparé.
En 1991, l’Anc tient sa première conférence nationale depuis sa légalisation, et Nelson Mandela est élu président de l’organisation. Son vieil ami Oliver Tambo, qui avait dirigé l’Anc en exil pendant la captivité de Mandela, devient secrétaire national. Nelson Mandela mène le parti dans les négociations sur le démantèlement de l’apartheid en Afrique du sud entre 1990 et 1994.
« Nation arc en ciel »
À la suite des premières élections générales multiraciales du 27 avril 1994, remportées largement par l’Anc (62,6% des voix), Nelson Mandela est élu président de la République d’Afrique du Sud et prête serment aux Union Buildings de Pretoria, le 10 mai 1994, devant une grande partie de responsables politiques internationaux dont Al Gore à Fidel Castro. Il préside au premier gouvernement non racial du pays, en l’occurrence un gouvernement d’unité nationale entre l’Anc, le Parti national et le parti zoulou Inkatha freedom party. Ses deux vice-présidents sont alors Thabo Mbeki (Anc) et Frederik de Klerk (Np). Dans son discours d’investiture, Mandela célèbre la fin de l’apartheid dont « doit naître une société dont toute l’humanité sera fière », le retour de l’Afrique du Sud dans la communauté internationale et l’amour commun du pays et l’égalité raciale qui seront le ciment de la nouvelle « nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et avec le monde ». Il évoque les défis de son mandat que sont la lutte contre la pauvreté, les discriminations et « qu’il n’y a pas de voie facile vers la liberté ». La date du 27 avril devient un jour férié en Afrique du Sud, le Jour de la Liberté.
Commission de la vérité et de la réconciliation
Après avoir été élu président, une des caractéristiques de Mandela est l’utilisation de chemises en Batik, connues sous le nom de « chemise Madiba », même lors d’événements officiels, ce qui influence la mode du pays.
Il est affectueusement surnommé Madiba par les Sud-Africains, son nom du clan Xhosa.
Nelson Mandela publie son autobiographie « Un long chemin vers la liberté » en 1995 et raconte son enfance, son engagement politique, ses longues années de prison et son accession au pouvoir.
Conformément aux négociations de la période de transition, une commission de la vérité et de la réconciliation, présidée par l’archevêque anglican et prix Nobel de la Paix Desmond Tutu, est créée pour entendre des exactions et des crimes commis sous l’apartheid par le gouvernement, les forces de sécurité, mais également par les mouvements de libération comme l’Anc. La commission entend de nombreux récits sur les violences extrêmes et des injustices commises par les deux camps et offre une catharsis aux personnes et communautés blessées par les événements passés. Il s’agit de confronter le passé afin de tourner la page historique douloureuse, de permettre d’exposer la vérité et de donner aux coupables de se confesser, une amnistie étant offerte en cas d’aveux. En l’absence de confession ou de non apparition devant la commission, des poursuites judiciaires peuvent être engagées si les autorités ont assez de preuves.
Si des policiers, soldats ou citoyens ordinaires confessent leurs crimes, peu de responsables de haut niveau comparaissent devant la commission. Si l’ancien ministre de la Loi et de l’Ordre, Adriaan Vlok, accepte de comparaitre et de se repentir, l’ancien président P.W. Botha et le vice-président Thabo Mbeki refusent. Nelson Mandela admettra plus tard que dans sa lutte contre l’apartheid, l’Anc avait aussi violé les droits de l’homme, et il critiquera ceux de son propre parti qui essayaient de supprimer des éléments des rapports de la commission allant dans ce sens.
La commission « Vérité et réconciliation » et la méthode Mandela de « dialogue sans exclusion » font école en Afrique.
Réconciliation nationale
Prônant la réconciliation nationale, il se rend à Orania pour rencontrer la veuve d’Hendrik Verwoerd et organise une tea party à Pretoria réunissant les épouses des anciens premiers ministres et présidents du pays avec les épouses des anciens prisonniers de Robben Island. Mandela encourage les Sud-Africains noirs à soutenir l’équipe de rugby des Springboks lors de la coupe du monde de rugby 1995 qui a lieu dans le pays. Après la victoire, Mandela présente le trophée au capitaine de l’équipe François Pienaar, un Afrikaner. Mandela porte le maillot avec le numéro de Pienaar, et l’événement est vu comme un grand pas dans la réconciliation entre les Noirs et les Blancs d’Afrique du Sud.
Internationalement, Mandela redonne une légitimité à l’Afrique du Sud qui est donnée en exemple en matière de réconciliation nationale.
Reconstruction économique
Le gouvernement d’union nationale entame, dès 1994, le programme de reconstruction et de développement (Rdp) pour combattre les conséquences socio-économiques de l’apartheid, comme la pauvreté et le grand manque de services sociaux, des problèmes qui requièrent, selon le gouvernement, un environnement macroéconomique plus fort. L’amplitude du programme est comparée à celle du New deal mis en place par le gouvernement américain lors de la grande Dépression et il est soutenu par tous les partis politiques.
Entre 1994 et début 2001, selon le gouvernement sud-africain, plus de 1,1 million de maisons à bas coût pouvant bénéficier de l’aide gouvernementale ont été construites, accueillant 5 millions d’Africains du Sud sur les 12,5 millions mal logés. Entre 1994 et 2000, 4,9 millions de personnes, pour la plupart habitant les anciens homelands, bénéficient d’un accès à l’eau potable et 1,75 million de foyers sont raccordés au réseau électrique, la proportion de foyers ruraux avec l’électricité passant de 12 à 42%. En 1999, 39.000 familles ayant bénéficié de la réforme agraire se partagent 3550 km². Selon le gouvernement, en quatre ans, 250.000 personnes ont reçu des terres. D’avril 1994 à fin 1998, 500 nouvelles cliniques donnent un accès aux soins à 5 millions de personnes et un programme de vaccination contre la poliomyélite-hépatite qui débute en 1998 immunise 8 millions d’enfants en deux ans. Un programme de l’emploi par les travaux public par la construction de routes, d’égouts ou réservoirs donne du travail à 240.000 personnes sur 5 ans. Le Rdp est cependant critiqué pour la faible qualité des maisons construites dont 30% ne respectent pas les normes, un approvisionnement en eau dépendant beaucoup des rivières et des barrages et dont la gratuité pour les ruraux pauvres est coûteuse. À peine 1% des terres envisagé par la réforme agraire a été effectivement distribué et le système de santé est impuissant à combattre l’épidémie de Sida qui fait baisser l’espérance de vie moyenne des Sud-Africains de 64,1 à 53,2 ans de 1995 à 1998.
Politique intérieure et internationale
En 1995, la Constitution transitoire, élaborée pendant les négociations pour mettre fin à l’apartheid, est remplacée par une nouvelle Constitution adoptée au Parlement par la quasi unanimité des députés de l’ANC et du Parti national. En juin 1996, ce dernier quitte le gouvernement peu après son adoption.
Nelson Mandela accepte d’être médiateur de plusieurs négociations de paix, notamment dans l’Afrique des grands lacs. En 1997, Mandela quitte la présidence de l’Anc, qui échoit à Thabo Mbeki. La peine de mort est abolie la même année.
Dans la première opération militaire postapartheid, Mandela ordonne aux troupes sud-africaines d’intervenir au Lesotho en septembre 1998 pour protéger le gouvernement du Premier ministre Pakalitha Mosisili.
Le président Mandela intervient également pour régler le procès des deux Libyens accusés par les États-Unis et le Royaume-Uni de l’attentat de Lockerbie qui avait fait 270 victimes en 1991[94]. Dès 1992, Mandela propose de manière informelle au président George H.W. Bush de juger les Libyens dans un pays tiers. Bush accepte la proposition, ainsi que le président français, François Mitterrand, et le roi Juan Carlos 1er d’Espagne. En novembre 1994, six mois après son élection, Mandela propose que l’Afrique du Sud soit le pays qui héberge le procès, mais le Premier ministre britannique, John Major, rejette l’idée, disant que son gouvernement n’avait pas confiance en une cour de justice étrangère. Mandela renouvelle son offre trois ans plus tard à Tony Blair, en 1997. La même année, à la conférence des responsables des chefs de gouvernement du Commonwealth à Edinburgh, Mandela avertit qu’« aucune nation ne devrait être à la fois plaignante, procureur et juge. »
Un compromis est trouvé pour un procès aux Pays-Bas et le président Mandela commence les négociations avec le colonel Kadhafi pour la remise des deux accusés Megrahi et Fhimah, en avril 1999. Le 31 janvier 2001, Fhimah est acquitté, mais Megrahi est jugé coupable et condamné à 27 ans de prison. Nelson Mandela va le visiter en juin 2002 et dénonce ses conditions d’emprisonnement en isolement total. Megrahi est ensuite transféré dans une autre prison et n’est plus soumis à une incarcération en isolement.
Lutte contre le Sida
Nelson Mandela est critiqué pour l’absence d’efficacité de la politique de son gouvernement dans la lutte contre le Sida par le juge Edwin Cameron. Mandela admet, après son mandat, qu’il peut avoir manqué à son devoir envers son pays en n’apportant pas plus d’attention à l’épidémie du Sida. Pendant son mandat, le pourcentage de femmes enceintes séropositives triple, passant de 7.6 à 22.8%, le nombre de morts estimé par an passant la barre des 100.000 en 1999.
Retraite de la vie publique
Comme il s’y était engagé lors de son élection, Nelson Mandela, qui était le plus vieux président élu à l’âge de 77 ans, n’est pas candidat à un second mandat en 1999. Il se retire de la vie politique, laissant la présidence de la République à Thabo Mbeki. Sa retraite n’est cependant pas inactive, il se consacre à de nombreuses œuvres caritatives et a toujours une forte influence nationale et internationale, prenant position sur de nombreux sujets.
En juillet 2001, Nelson Mandela est soigné par radiothérapie pendant 7 semaines pour un cancer de la prostate.
À l’âge de 85 ans, en juin 2004, Mandela annonce qu’il se retire de la vie publique. Sa santé décline et il veut passer plus de temps avec sa famille. Il dit qu’il ne veut pas se cacher du public, mais qu’il veut être dans la posture « de vous appeler pour demander si je suis le bienvenu, plutôt que d’être appelé pour intervenir ou participer à des événements. Ma demande est donc : ne m’appelez pas, je vous appellerai ». À mesure que les années passent, Nelson Mandela prend de moins en moins souvent position sur les problèmes internationaux et nationaux.
Le 90e anniversaire de Nelson Mandela, le 18 juillet 2008, est célébré dans tout le pays avec un concert hommage à Hyde Park, dans le cadre de la série de concerts 46664. Dans son discours d’anniversaire, Mandela demande aux personnes riches d’aider les pauvres du monde entier.
Organisations caritatives et lutte contre le Sida
Pour continuer de lutter pour les valeurs qui lui tiennent à cœur, il fonde un fond d’aide à l’enfance en 1994 et la Fondation Nelson-Mandela en 1999 pour favoriser l’éducation, le devoir de mémoire et l’une des priorités, la lutte contre le Sida. La fondation est financée en partie par une série de concerts internationaux, les concerts 46664, dont le nom vient du numéro de prisonnier de Mandela.
Mandela devient le porte-parole de nombreuses organisations d’aide sociale ou de défense des droits de l’homme. Il soutient le mouvement international Make Poverty History duquel fait partie la campagne ONE. Le tournoi de golf de charité Nelson Mandela, soutenu par Gary Player, a rapporté plus de 20 millions de rands pour l’aide à l’enfance depuis sa création en 2000. Mandela soutient également SOS Villages d’Enfants, la plus grande organisation mondiale dédiée à l’éducation des enfants orphelins ou abandonnés. Nelson Mandela entre en conflit ouvert avec son successeur Thabo Mbeki, à propos du Sida, lui reprochant, en 2002, de « continuer à débattre alors que des gens meurent », quand Mbeki remet encore en question le lien entre le virus de l’immunodéficience humaine (Vih) et le Sida. Il participe à plusieurs conférences internationales contre le Sida et se prononce plusieurs fois contre la maladie, notamment lors de la mort de son fils qui en a été lui-même victime, le 6 janvier 2005.
Avec une santé déclinante, le vieux Madiba apparaît de moins en moins en public.
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