Annoncée mardi par le procureur de Paris, elle examinera la responsabilité des autorités après le dépôt d’une soixantaine de plaintes.
«Homicides et blessures involontaires», «mise en danger de la vie d’autrui», «abstention volontaire de combattre un sinistre», «non-assistance à personne en péril»… Le procureur de Paris, Rémy Heitz, a annoncé l’ouverture, mardi, d’une vaste enquête préliminaire sur la gestion très critiquée de la crise du Covid-19 en France. Elle a été confiée à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP).
Il s’agit d’une première réponse judiciaire à une soixantaine de plaintes, plus ou moins circonstanciées, reçues par le parquet de Paris pendant le confinement. Établies le plus souvent contre X, elles émanent de particuliers ou de collectifs professionnels (syndicats ou associations). Et mettent en cause différentes instances, structures ou départements ministériels ainsi que des responsables administratifs. Certaines ciblent nommément le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, en première ligne médiatique lors de l’épidémie, ou encore Santé publique France. Sont également visés, entre autres, l’administration pénitentiaire et le ministère du Travail.
Cette «enquête-chapeau » regroupe les treize procédures consacrées aux plaintes d’associations ou d’organisations syndicales et une quatorzième englobant trente-trois plaintes, pour leur grande majorité de particuliers, issues du site internet plaintecovid.fr. «Cette enquête judiciaire aura pour objet d’établir les processus décisionnels mis en œuvre à l’occasion de la crise sanitaire afin de mettre au jour les éventuelles infractions pénales susceptibles d’avoir été commises», précise Rémy Heitz dans un communiqué.
«L’enquête pénale n’est pas là pour définir des responsabilités politiques ou administratives, a-t-il expliqué à l’AFP. S’il y a des fautes pénales, ce seront très probablement des fautes non intentionnelles. Or la loi fixe des conditions précises pour établir ces délits: elle exige la preuve d’une “faute qualifiée” qui n’est pas une simple imprudence ou négligence.» Regrouper ces enquêtes va permettre, selon lui, d’établir un fonds documentaire commun sur l’état des connaissances scientifiques sur la maladie, les tests, les masques, etc. Car «pour ce type d’infractions, le code pénal dit bien qu’il faut apprécier les responsabilités» des décideurs, détaille-t-il, «au regard des moyens et des connaissances dont ils disposaient au moment des décisions».
«Situation historique»
Dans cette «situation historique», le procureur de Paris anticipe un travail «considérable» : «C’est la première fois que des plaintes sont déposées alors que la crise bat son plein», relève-t-il, alors que, jusque-là, «dans les grandes affaires de santé publique (sang contaminé, amiante…), la justice est intervenue bien a posteriori». L’OCLAESP est en train de mettre en place une cellule dédiée, avec jusqu’à neuf enquêteurs. Leur travail sera nourri par les enquêtes administratives des ministères, par des expertises scientifiques et aussi par les commissions d’enquêtes parlementaires.
Cette vaste enquête du parquet de Paris, qui continue à recevoir de nouvelles plaintes, ne cible pas le chef de l’État, irresponsable pénalement, ou les membres du gouvernement, dont l’éventuelle responsabilité pénale relève de la Cour de justice de la République, saisie à ce jour de quatre-vingts plaintes. Elle ne concerne pas non plus les Ehpad, qui font pour l’instant l’objet d’investigations locales, dont deux à Paris, mais également à Nanterre ou encore Grasse.
0 Commentaires
Participer à la Discussion