Buenos Aires - « Ici, on vit nettement mieux qu’au pays. Ici, nous avons la paix et les gens sont tolérants. Et comme on ne se mêle pas d’histoires louches, on nous laisse tranquilles », selon Mamadou Sèye, l’un des plus loquaces du groupe. « Notre seul problème, c’est que nous n’avons pas de papiers qui puissent nous permettre d’avoir un bon boulot et d’avoir un compte bancaire », ajoute Maodo Dieng. Pour l’heure, ceux dont ils disposent leur permettent de circuler dans ce qu’ils appellent « un pays d’émigration ». Mais tous rêvent du Dni ou Document national d’identification qui leur ouvrirait pas mal de portes.
Un sésame très difficile à obtenir pour les Sénégalais, d’autant qu’ils n’ont pas de représentation diplomatique sur place. « On est tout de même plus de 2.000 ici ! C’est suffisant non pour qu’il y ait au moins un consulat du Sénégal à Buenos Aires ? », se sont indignés presque tous les compatriotes rencontrés. Le voudraient-ils que beaucoup d’entre eux ne pourraient pas revenir au pays pour cause de passeport périmés. Et là, c’est Alioune Ndiaye qui annonce la bonne nouvelle : « l’Association des Sénégalais d’Argentine, qui sera effective ce mois de janvier, a entrepris des démarches pour que ceux qui veulent renouveler leur passeport puissent le faire à l’ambassade du Sénégal au Brésil ».
En plus, elle s’active et active tous les leviers possibles afin que les relations diplomatiques qui ont une fois existé entre le Sénégal et l’Argentine soient à nouveau rétablies. En attendant, annonce malicieusement quelqu’un qui dit être un ancien employé d’Atépa Technologies, « ce que cette association n’a pas réussi, la religion l’a fait ». Mourides, Tidianes ou autres, impossible de les distinguer. Unis pour célébrer le Gamou et le Magal, tous mettent la main à la poche. D’ailleurs, un ancien animateur de « La côtière », la radio communautaire de Joal, s’est brillamment invité à la discussion, avec son bagout d’habitué aux talk-shows, cahier en main pour récolter les cotisations en vue du prochain Magal « dans à peu près un mois ». « Les vendredis, à la mosquée, on se croirait au pays », annonce quelqu’un.
Ces Sénégalais estiment être, pour le moment, de dignes ambassadeurs de leur pays. « Souvent, on nous compare ici avec les Chinois pour notre ardeur au travail et notre sérieux », selon Maodo Dieng. Pourtant, certains d’entre eux soutiennent qu’il existe deux moyens sûrs d’obtenir la nationalité argentine : épouser une fille du cru ou faire un enfant. « Mais, il y a des choses que notre religion nous interdit de faire », avance l’un d’eux. Alors, ils se contentent de leur sort, en attendant que leur pays natal veuille bien renouer diplomatiquement avec leur pays d’accueil où ils sont si appréciés. La preuve ? Quelqu’un rappelle que par les temps qui courent, il n’y a pas d’objet plus suspect à travers le monde qu’une mallette.
« Nous, c’est notre outil de travail, puisqu’on y range tous nos produits à écouler. Et l’on ne rencontre jamais un policier pour nous interpeller encore moins nous fouiller ». Boy Nar l’ancien taximan qui, en plus d’avoir vécu 2 ans en Italie, prétend avoir séjourné en Côte d’Ivoire, au Mali, en Guinée et en Gambie a donc assez bourlingué pour se faire une opinion : « en Argentine, je suis plus à l’aise que partout où je suis passé », jure-t-il sur le nom de son marabout.
A Puedo Madryn aussi, on parle Wolof
Ça ne pouvait manquer ! Ces « blacks » s’échinant sous le chaud soleil sur l’avenue Julio A. Roca de Puerto Madryn, à convaincre des clients de payer leur camelote, ne pouvaient être que Sénégalais. L’auteur de ces lignes peut-être un peu plus. Puisque c’est de l’un de ces marchands qu’est venue l’initiative : « Seugn bi nan ga def » ! C’est ainsi qu’on se convainquit qu’ici aussi, à Puerto Madryn, bien au sud de Buenos Aires, des compatriotes gagnaient durement mais honnêtement leur vie. En ce dimanche midi, sur l’avenue Julio A. Roca qui longe la plage où se prélassent des centaines de profiteurs du beau (et très chaud) soleil, M. Faye et ses « parents » proposent aux passants objets d’art et babioles. Ils disent parfaitement s’en sortir et être bien intégrés. A l’image de M. Faye, le « précurseur » établi dans le coin depuis 1998. « A l’époque cela m’avait pris moins de 2 heures pour avoir mon visa à l’ambassade d’Argentine à Dakar », dit-il.
En ce temps-là, explique-t-il, « nos deux pays entretenaient des relations diplomatiques ; même si les candidats à l’émigration en Argentine n’étaient pas nombreux ». Ce qui explique certainement la facilité avec laquelle il avait obtenu son sésame. Aujourd’hui, les choses sont beaucoup plus compliquées. La preuve par tous ces nombreux jeunes et moins jeunes entrés clandestinement au pays de Maradona via le Brésil.
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